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18 janvier 2008 5 18 /01 /janvier /2008 16:28

JEAN-PIERRE FERRIERE
interviewé pour
www.bibliopoche.com à l'automne 2006 :

 

Claude Le Nocher : Vous avez aujourd’hui 50 ans (de carrière). Dans quelles circonstances Frédéric Ditis vous proposa-t-il d’écrire pour sa collection «La Chouette» ?

Jean-Pierre Ferrière : J’ai effectué mon service militaire au Maroc, à Rabat et à Casablanca. Des relations de mes parents qui travaillaient à Radio-Maroc m’ont suggéré d’écrire des pièces, qui ont été acceptées et diffusées – ce qui a beaucoup impressionné mes camarades de chambrée et mes supérieurs ! Pour moi, ce n’était qu’un jeu. Libéré et rentré à Paris sans un sou, j’ai cherché du travail. Grâce à une annonce publiée par le Figaro (dans un roman on n’y croirait pas) je suis devenu le secrétaire de Brigitte Bardot, qui était déjà une star. Moi qui ne pensais qu’au cinéma (mon rêve : être assistant, puis réalisateur) j’ai tenté de me rapprocher du très sympathique Roger Vadim… au moment même où celui-ci se séparait de sa glorieuse épouse. Déception ! Pendant ce temps, l’une de mes amies qui connaissait Frédéric Ditis (lequel était à la recherche de jeunes auteurs pour sa maison d’édition) lui a, sans me le dire, fait lire mes textes de radio. Accroché, Ditis m’a convoqué, et très vite proposé un contrat. Perplexe et moyennement motivé, je me suis lancé… tout en abandonnant Brigitte Bardot ! Le manuscrit terminé, je l’ai remis à Ditis. Sa réaction a été plus que mitigée : « Je ne m’attendais pas du tout à ça ! » Ce à quoi j’ai répondu, très décontracté car persuadé que ce roman serait à la fois mon premier et mon dernier : « C’est ça ou rien ! » Ditis a soupiré et s’est résigné à le publier, avec une formidable couverture signée Gianni Benvenuti. C’était « Cadavres en soldes ». Résultat des ventes : 50 000 exemplaires en quelques semaines, et de nombreuses lettres de lecteurs réclamant la suite des aventures des sœurs Bodin, mes deux héroïnes. Stupéfait mais beau joueur, Ditis m’a pressé de lui donner un second « Bodin », puis un troisième, puis un quatrième… Au septième, j’ai réclamé le droit d’écrire autre chose ; ce qui, bien sûr, m’a été accordé.

CLN : Ditis et vous semblez être resté amis puisque, au début des années 1980, vous avez été publié chez « J’ai Lu » ?

J-P.Ferrière : Amis et complices, puisque Ditis a publié chez J’ai Lu, qu’il dirigeait, mes Grands Romans parus au Fleuve Noir, puis des inédits. Je peux dire qu’il a été mon père spirituel, et que je lui dois ma carrière. Quand il a quitté J’ai Lu pour Le Livre de Poche, il m’a emmené dans ses bagages… où je n’avais peut-être pas ma place ! Heureusement « Bronzage intégral » est sorti au début de l’été, et fut un succès. Mon second roman, « Une femme sans histoire », a été acheté par la télévision dès sa parution. Ce qui a momentanément muselé mes « opposants », car j’en avais.

CLN : Entre temps, vous avez appartenu au « Fleuve Noir Spécial-Police ». Quels furent vos rapports avec cet éditeur, vous qui étiez un auteur déjà confirmé ?

J-P.Ferrière : J’ai publié une trentaine de livres au Fleuve Noir dans une ambiance formidable : on me fichait une paix royale ! J’écrivais ce que je voulais, sans censure, sans conseils, sans ordres. Comme, à cette époque, j’étais très sauvage, je ne voyais presque personne, et cela me convenait parfaitement. Mais je garde un très bon souvenir de Patrick Siry et Jean-Marie Carpentier.

CLN : A part les sœurs Bodin (7 titres), Evangéline Saint-Léger (4 titres), et des héros apparaissant dans deux aventures, vous n’avez pas souhaité créer un personnage pour une longue série ?

J-P.Ferrière : Non, je n’ai jamais eu envie de me lancer dans d’autres séries. En revanche, j’aime faire revivre des personnages que j’ai déjà utilisés. Comme Florence Farnèse, star de théâtre et de cinéma, la soixantaine champagnisée, renaissant sans cesse de ses cendres, et ne vieillissant jamais. Elle a, selon les histoires, l’un des rôles principaux, ou doit se contenter d’une « participation ».

CLN : La ville (inventée) de Châtignes sert de décor à plusieurs de vos romans. Il s’agirait de votre ville natale, Châteaudun ? Elle a dû évoluer, non ?

J-P.Ferrière : Châtignes est, bien entendu, un Châteaudun en réduction. Mais un Châteaudun vu avec mes yeux d’enfant ou de collégien. J’ai toujours l’impression qu’il y pleuvait tout le temps (ce qui est évidemment faux) ; et que les commères et les curieux y étaient nombreux (ce qui est évidemment vrai). J’habitais face au Mail, promenade plantée de gros marronniers ; un endroit propice au rêve et au mystère. C’est depuis longtemps un parking… que je n’ai jamais vu, et que je ne veux pas voir !

CLN : Vous avez été un des premiers auteurs français à introduire des personnages homos ou ambigus dans vos romans ?

J-P.Ferrière : Il est exact, je crois, que j’ai été l’un des premiers à faire d’un jeune homme ouvertement gay le héros d’un roman en 1964, avec « Un diable sur mesure ». Merci au Fleuve Noir, qui n’a pas tiqué… et à Germaine Beaumont, qui m’a fait une très bonne critique dans Les Nouvelles Littéraires. Elle m’a commandé une version radio du livre, pour son émission Les Maîtres du Mystère, à laquelle j’ai collaboré pendant une douzaine d’années. Bien sûr, il n’y avait pas de scènes choquantes. Mais toute l’intrigue reposait sur le fait que le jeune meneur de jeu était homosexuel, et ne s’en cachait pas. J’ai d’ailleurs repris le thème en 1999, dans « Le passage du gay », en l’enrichissant d’une seconde partie. Car « Un diable sur mesure » avait une fin ouverte. Cette nouvelle version est évidemment beaucoup plus réaliste, et ne craint pas d’évoquer les amours et les désirs de mon héros. Depuis « Un diable sur mesure », j’ai souvent mis en scène et en lumière des gays dans de nombreux romans. Je crois que le plus émouvant est le personnage principal du « Trouble-Crime ».

CLN : Il suffit de lire vos romans pour deviner votre passion du cinéma, thème que vous abordez souvent. Satisfait du résultat quand vos livres ont été adaptés (parfois vous y avez contribué) ? 

J-P.Ferrière : J’ai toujours eu la passion, la folie du cinéma. Entre 15 et 45 ans, je voyais au moins un ou deux films par jour, et j’étais un rat de cinémathèque. D’ailleurs, j’ai l’habitude de dire que mes romans sont les films que je n’ai pas tournés… J’ai aimé l’adaptation de « Constance aux enfers » [avec Michèle Morgan] – à laquelle j’ai beaucoup collaboré. Moins celle des « Veuves » qui s’est faite sans moi ; mais j’ai eu l’immense bonheur d’avoir Danielle Darrieux – mon idole depuis l’âge de sept ans – pour interprète. Elle est devenue une amie très chère… A la télévision, je me suis beaucoup amusé avec Alice Sapritch, pour « Une atroce petite musique ». Elle n’était pas le personnage, mais avait une telle présence qu’elle embarquait tout le monde avec elle. J’ai adoré Danièle Lebrun et Martine Chevalier dans « Une femme sans histoire ». J’ai oublié le reste… mais il me semble que « Cadavres en vacances » (malheureusement invisible aujourd’hui) était un nanar très rigolo, avec l’irrésistible Noël Roquevert en commissaire ! Mes regrets : ne pas avoir eu l’occasion de concrétiser les projets, pourtant très avancés, que j’avais avec deux excellents amis : Jacques Demy (dont j’étais fan) et Michel Drach.

 

DEUX LIVRES RECENTS DE JEAN-PIERRE FERRIERE

« Les ténébreuses » (Noir Délire, 2006) Réédition de trois romans.

Marie-Meurtre (Réédition de « Une atroce petite musique », Fleuve Noir 1971) : Marie, bientôt 40 ans, est bibliothécaire à Châtignes. Cette célibataire est assistée dans son travail par la jeune Joëlle, éprise d’un fils de notaire. Marie a connu l’amour vingt ans plus tôt avec Daniel, qu’elle aime encore, mais qui épousa la riche Irène. La vie de Marie est bousculée par l’arrivée de son frère Gérard. Celui-ci meurt chez elle d’une attaque cardiaque. Peu après, un truand parisien nommé Clarence apparaît, cherchant des bijoux volés. Marie voit là l’opportunité de se venger d’Irène. Elle oblige Clarence à la supprimer. Le plan de Marie fonctionne, même s’il s’agit réellement d’un accident...

Un diable sur mesure (Fleuve Noir 1965) : Hélène tient une boutique d’antiquités à Châtignes. Sa sœur cadette Jeanne est mariée à Etienne, souvent absent. Ils habitent la maison d’Alexandre Sauvage, qui fut un célèbre pianiste. Ils logent au rez-de-chaussée, lui à l’étage. Alexandre vient de mourir. Le jour de l’enterrement, Etienne découvre que Jeanne s’est suicidée. Hélène affirme au policier Vialles qu’elle n’y croit pas. Pourtant, Etienne a un alibi. Dans son journal intime, Jeanne confessait sa relation amoureuse avec Alexandre. Cette fois, le suicide n’est plus douteux. Stéphane loge à l’hôtel de Mme Cochart. Il fut le seul proche aux obsèques d’Alexandre Sauvage...

Le dernier sursaut (Fleuve Noir 1986) : Pauline, 50 ans, est employée dans une agence de documentation photographique. Elle mène une vie sans fantaisie. Même ses vacances à Saint-Jean-Cap-Ferrat sont moins glorieuses qu’elle ne le laisse entendre. Jean-Marc, un de ses jeunes collègues de l’agence, vient d’être assassiné. Il était l’amant d’Agnès, une autre employée, qui est enceinte de lui. Pauline éprouve de la tendresse pour ce couple : elle a autrefois connu une situation similaire avec un homme ressemblant à Jean-Marc. Pauline décide de protéger Agnès et de retrouver le meurtrier. Son enquête progresse vite. Ce crime a un rapport avec l’élection de Miss Trouville en juin 1946...

 

« Cinémaniaques » (Noir Délire, 2007) Réédition de trois romans.

Cinémassacre (Cinémaniaque, Fleuve Noir, 1973) Dix ans après sa sortie en salles, le film de Jean-Gabriel Ernal est diffusé à la télévision. Son unique film fut mal compris à son époque. Aujourd’hui, le cinéaste tient une boutique d’antiquités avec son ami Tony. Ce passage à la télé peut être une nouvelle chance pour Françoise Constant, ex-grande vedette dont la carrière décline depuis longtemps. Ernal retrouvera peut-être l’envie de tourner. Plusieurs meurtres ou tentatives de meurtres se produisent dans les jours qui suivent. Quelqu’un s’attaque aux « anciens » de cette production. On ne sait ce qu’est devenue Léna lord, la jeune actrice du film. Le jeune journaliste Bruno Merlier mène sa propre enquête, ce qui lui fournit des articles-choc. Il espère se montrer plus malin que la police…

Le bel imposteur (Le Livre de poche, 1986) Lionel Vignon est depuis dix ans le mari de la célèbre comédienne Doris Arnal. Etre « M.Arnal » le dérange un peu. L’impresario de son épouse lui propose de signer une pièce de théâtre qui n’est pas de lui, dont elle a acheté le texte. Lionel s’interroge. Il n’est pas long à comprendre que cette Mme Mercier, le supposé auteur réel, joue la comédie. Le vrai auteur, Bernard Berthelot, a été assassiné. Lionel cherche à en savoir plus sur ce meurtre. En même temps, il découvre un aspect insolite ignoré de son propre passé...

Le trouble-crime (Fleuve Noir, 1985) A la fin de son service militaire, Philippe ne retourne pas chez lui à Châtignes. Il est tombé sous le charme de son ami Maxime, qu’il rejoint à Paris. Libéré trois mois plus tôt, Maxime a dû en profiter pour organiser l’achat d’un commerce qu’il tiendront ensemble. A Paris, Maxime a disparu. Grâce à la gardienne, Philippe s’installe dans l’appartement de son ami. Le jeune homme est désorienté par les relations de Maxime, par les lieux pour homos qu’il fréquente. Maxime semblait faire chanter le n°2 d’un petit parti politique. Il aurait volé les tableaux d’une vieille comédienne. Il fournirait de la drogue à des petites camées mineures...

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