Émile Loubet est commissaire de police au Puy-en-Velay. Veuf et ayant perdu son fils unique tragiquement, il a adopté le jeune Renji, aujourd’hui étudiant. “Émile est un homme simple, bon, qui combat la méchanceté et le crime en raisonnant plus qu’en faisant des coups médiatiques”. Ce jour de décembre, le bouvier Balto réussit à alerter le voisin agent de police : il se passe quelque chose d’anormal chez son maître. En effet, l’ancien juge Danton est bientôt retrouvé mort dans son lit, décapité. L’équipe de Loubet passe à l’action : le retraité assassiné jouissait d’une très bonne réputation, rien qui explique cette fin dramatique. Son chien Balto est le premier à regretter un si bon maître. Selon l’autopsie, il est mort (peut-être de peur) deux heures avant d’être ficelé et décapité. Toutefois, il avait récemment reçu une lettre menaçante.
À l’occasion d’une émission de télé sur Planète-Justice, le juge Danton avait ressorti un dossier qu’il traita voilà quarante ans, alors qu’il était en poste en Charente. L’affaire se passait au lieu-dit Tartifume, sur l’île d’Oléron. Alors qu’il jouait à cache-cache avec des copains et une copine de son âge, d’une douzaine d’années, Stéphane Gardinier disparut soudainement. On ne le retrouva jamais. On dispose toujours des témoignages de ses camarades de jeu, et l’un des enquêteurs de l’époque – M.Rémy – se souvient bien des circonstances de cette histoire. Sébastien Danton, fils du défunt, habitant Oléron, se déplace jusqu’au Puy-en-Velay. Certes, il y a eu une mésentente entre lui et son père quelques temps plus tôt, mais rien qui justifie un meurtre. D’ailleurs, il a un alibi solide.
Le commissaire Loubet s’étant bêtement blessé, son fils adoptif Renji arrive à la rescousse. D’ailleurs, ce dernier – lecteur de Sherlock Holmes – est un amateur d’affaires énigmatiques. Loubet a pris des contacts du côté des Charentes Maritimes, conscient que c’est là-bas qu’il trouvera les réponses au crime du Puy-en-Velay. Accompagnés de Balto qu’ils ont volontiers pris en charge, Renji et Loubet vont rencontrer à La Rochelle et dans sa région les enquêteurs ayant suivi le dossier (ou sorti des archives depuis peu). On s’aperçoit qu’un des copains de Stéphane Gardinier cita alors un prénom, sans que quiconque y attache de l’importance. Il s’agissait de Bruno, le frère du disparu. Par la suite, ce dernier s’engagea dans la Légion Étrangère. Il vit désormais à Angoulême.
Grâce à l’ancien inspecteur Rémy, Loubet collecte de nouveaux éléments. Il va falloir de nouveau interroger les enfants d’alors, quarante ans plus tard. Le commissaire se rend aussi sur les lieux de la disparition du gamin, un secteur marécageux, et recueille les souvenirs de la mère du petit Stéphane. Mais l’émission de Planète-Justice a déclenché des envies de vengeance chez un des protagonistes de l’époque. Même l’ancien policier Rémy a été menacé, et le criminel armé rôde toujours entre les Charentes et Oléron…
Une voiture faisait rugir son moteur et le conducteur fit un démarrage en trombe, tandis que Balto courrait derrière en aboyant. Rémy se précipita vers sa femme.
— Je n’ai rien, le rassura-t-elle. J’ai voulu faire sortir le chien. Au moment où j’ouvrais la porte, un homme est arrivé dans le jardin. Je m’approchais de lui pour lui demander ce qu’il voulait. Je croyais que c’était ce musicien que tu avais invité ce soir pour l’apéritif. Il a sorti une sorte d’épée de sous son manteau. J’ai crié, j’ai glissé dans la neige, et le chien a mordu les fesses de l’homme qui s’est enfuit. J’espère que le chien reviendra !
— Qu’est-ce qui se passe, intervint Renji qui sommeillait près du feu et sortit à ce moment-là.
Le chien revenait en remuant la queue.
— Brave chien, fit Loubet. Te voilà devenu chien policier, désormais. Nous venons d’échapper à un meurtre, mon brave Renji.
— Mais pourquoi ?
— Parce que je pense que notre intrusion dans l’intimité de la famille Gardinier a inquiété quelqu’un. L’assassin du juge, par exemple. L’épée en est la preuve.
D’emblée, l’auteur nous prévient que ce n’est pas une intrigue percutante ou violente qu’il va exploiter. Il nous invite à suivre le tranquille commissaire Émile Loubet au fil de ses investigations et de sa vie privée, d’Auvergne en Saintonge. Nul besoin de péripéties-choc, ni de scènes spectaculaires. Sans précipitation, l’affable policier réexamine les pièces d’un vieux dossier qui ne trouva pas son dénouement – plus de traces de l’enfant disparu, ni de son assassin. Une affaire classée, un "cold case" comme on dit de nos jours. Sous l’œil bienveillant du chien Balto, son confrère de La Rochelle (le commissaire Murat) et le policier retraité Rémy aideront Loubet à démêler les mystères vieux de quatre décennies. Un simple jeu de cache-cache qui aurait mal tourné, sans que les camarades de Stéphane s’en aperçoivent ? L’explication semble un peu courte au policier, qui n’exclut aucune hypothèse – sans les formuler prématurément.
Le roman d’enquête est une belle tradition du polar, une de ses bases. Gilles Calamand nous en donne l’illustration dans ce roman très agréable à lire. Il n’oublie pas de nous faire sourire, grâce au bouvier Balto.