À l’est des États-Unis, Rhodes Island est le plus petit État du pays. En 1992, Liam Mulligan est un journaliste (sportif) débutant du Providence Dispatch, le grand quotidien local. Bien que la criminalité ne l’intéresse guère, Mulligan est amené à enquêter sur un double meurtre – d’une jeune femme et de sa fillette, tuées de nombreux coups de couteau. Le policier Jennings et Mulligan ayant sympathisé, le journaliste obtient de meilleures infos que le reporter attitré du Dispatch. Deux ans plus tard, un triple crime similaire à celui de 1992 est commis. Mulligan va contribuer à l’arrestation du coupable – Kwame Diggs, qu’il avait déjà repéré auparavant. Il s’agit d’un Noir âgé alors de quinze ans. Il existe assez de preuves contre lui mais, en tant que mineur, il pourrait n’être emprisonné que pour une peine plutôt courte – ce dont il semble parfaitement conscient.
Près de vingt ans plus tard, en 2012, comme tant d’autres journaux américains, le Dispatch est à l’agonie. Mulligan en est devenu un des piliers, en particulier grâce à une affaire qui causa le décès de sa meilleure amie, Rosie Morelli, chef des pompiers de cette région. Edward Mason, fils du propriétaire du journal et reporter inexpérimenté, collabore avec Mulligan. Tandis qu’un autre psychopathe est sur le point d’être libéré pour raisons de santé, l’affaire Kwame Diggs est relancée. Âgée de soixante-six ans, la mère de Diggs croit toujours son fils innocent, malgré l’évidence. Mais, en effet, la Justice a accumulé de faux éléments pour maintenir Diggs en prison. Ce pervers ressassant ses "exploits" meurtriers récidivera certainement s’il est libéré. Edward Mason entreprend de revisiter l’affaire, de la traiter sous un angle favorable à Diggs.
Tandis que Mason contacte une association de défense des Noirs, l’ex-avocat et la nouvelle avocate de Diggs, et d’anciens gardiens de prison, Mulligan cherche d’autres preuves. Il va être épaulé par Gloria Costa, son amie photographe du Dispatch. Avant les cinq meurtres pour lesquels Diggs a été condamné, ne fut-il pas celui qui agressa Sue Ashcroft ? Il n’avait que douze ans à l’époque, mais sa précocité criminelle n’est plus à démontrer. Si Jennings est désormais en retraite, les contacts qu’a gardés l’ancien policier peuvent s’avérer utiles pour en savoir davantage sur la détention de Diggs. En outre, Mulligan est un ami de Fiona McNerney, la gouverneure de l’État. Peut-être saura-t-elle faire comprendre à l’opinion publique que le cas de Diggs est très différent de celui de l’autre vieux psychopathe relâché, car n’ayant plus pour longtemps à vivre.
Assise au bord de sa chaise de bureau, Gloria se pencha vers la photo sur l’écran de son iMac 27 pouces et plissa son œil.
Le cliché montrait Kwame Diggs entrant dans le palais de justice de Providence, mains menottées dans le dos et jambes entravées par une courte chaîne métallique. Deux policiers d’État l’empoignaient par ses biceps bombés. Ils étaient du genre costaud, mais à côté de Diggs, ils ressemblaient à des nains. Avec son mètre quatre-vingt-dix-huit et ses cent cinquante kilos, il aurait pu jouer comme défenseur central dans l’équipe préférée de Gloria, les New England Patriots. Juste derrière lui se tenaient deux autres agents de la police d’État, armés d’un fusil d’assaut.
Gloria zooma sur le visage aussi expressif qu’un parpaing, ce regard vide. Elle se rappelait très précisément ce qu’elle avait ressenti en prenant cette photo l’année précédente.
Dans “Pyromanie” et “Jusqu’à l’os”, les lecteurs ont fait la connaissance de Liam Mulligan, pro du journalisme d’investigation, confronté à des affaires énigmatiques. Ce troisième opus permet de revenir sur le début de carrière du héros, qui n’envisageait nullement de s’occuper de cas criminels. L’auteur n’oublie pas quelques sourires, évoquant le bruyant perroquet ara de Mulligan, mais c’est bien autour de la personnalité du coupable que se joue cette intrigue très réussie, d’une superbe fluidité narrative.
Il est vrai qu’aux États-Unis, un grand nombre de Noirs sont soit accusés à tort, soit victimes de trop lourdes condamnations. Ce n’est pas vrai pour le jeune Diggs qui prit un réel plaisir à commettre ses crimes, du fantasme au passage à l’acte. Même les films pornographique (ah, Ginger Lynn !) ne suffisaient pas à l’exciter. Épier ses victimes, tuer sans se soucier de laisser des traces exploitables pour les enquêteurs, croire à une part d’impunité puisqu’il était mineur, tout ça indique son profond mépris des autres. Que faire de lui, alors qu’il recommencera forcément ? Tel est le principal thème de ce roman.
Bruce DeSilva décrit également un aspect sociétal, la fin des grands journaux américains entamée avec l’arrivée d’Internet, ainsi que les réactions de la population face à la libération annoncée d’un vieux criminel qui n’est pus dangereux. Mulligan est là dans un rôle de témoin de l’évolution de la société. Ce qui enrichit l’histoire racontée. Homme mûr, journaliste chevronné deux décennies après ses débuts, il conserve les rites qui ont construit ce qu’il est (il fréquente le même bar depuis tout ce temps, par exemple). Un personnage réglo face auquel on se sent en confiance, nous autres lecteurs.
Avec “Dura Lex” et les précédents titres de Bruce DeSilva, on est vraiment dans la meilleure tradition du roman noir, avec une enquête vivante et crédible (s’inspirant tant soit peu d’une véritable affaire). Voilà un auteur à lire sans hésiter.
Bruce DeSilva : Pyromanie (Actes Noirs, 2013) - Le blog de Claude LE NOCHER
Au nord-est des États-Unis, ne comptant qu'un million d'habitants, Rhodes Island est le plus petit État du pays. La seule métropole est Providence, sa capitale. Natif de cette ville, Liam Mullig...
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