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24 juillet 2018 2 24 /07 /juillet /2018 04:55

Gérard Escaude, quarante-cinq ans, est policier dans la région toulousaine. Il ne se flatte pas d’une carrière prestigieuse, mais entreprend de raconter une enquête – basique, dans le quotidien du flic ordinaire – qui le marqua voilà une dizaine d’années. Il était alors en poste à Blagnac. L’urbanisation n’ayant pas encore tout grignoté, il existait toujours des terrains agricoles exploités autour de cette ville. Avec son épouse Émilie, Maxime Casse et son frère cadet Lilian avaient une ferme, et vendaient leurs produits sur les marchés. Une dame retrouva le cadavre de Maxime Casse dans un des champs de l’agriculteur. La police – Gérard Escaude et son collègue Guy Sicre – furent chargés de l’enquête.

Maxime Casse a été tué par arme à feu, objet qui ne se trouve pas près du corps. Le plus curieux, c’est sans doute que la victime est en chaussettes – blanches et propres – ne portant pas ses habituelles bottes vertes. Pourtant, le cadavre n’a pas été transporté et déposé là, c’est bien le lieu du crime. Escaude commence par interroger Émilie, la veuve. Elle affirme que l’exploitation agricole fonctionne correctement, que Maxime et Lilian se complètent pour cela, et que personne n’avait de raison de supprimer son mari. Le sang-froid d’Émilie étonne quelque peu le policier. On va bien vite retrouver les fameuses bottes de Maxime, rangées sous de cagettes. Bizarre de les avoir placées à cet endroit.

Les experts d l’Identité Judiciaire examinent tout ce qu’ils peuvent à la ferme, sous l’œil de Lilian – qui, après tout, est chez lui. Le type d’arme, un modèle très courant, a été identifié. Dans une remise utilisée par Lilian, on découvre des munitions correspondant à ce calibre. Interrogé au commissariat, le frère de Maxime déclare que tout se passait bien entre eux, qu’ils n’étaient ni l’un ni l’autre chasseur (contrairement à leur défunt père). Il travaillait en tracteur non loin de l’endroit où Maxime est mort, mais Lilian prétend ne pas avoir entendu de coup de feu. Difficile pour les policiers de mettre en doute le témoignage de Lilian, qui est un honnête agriculteur, pas un repris de justice fiché.

Le jeune Jérôme Dupin, employé à temps partiel par Maxime, n’est pas une piste sérieuse non plus. Lorsque l’arme du crime est retrouvée dans un endroit inattendu, ça ne répond guère aux questions que se posent les enquêteurs. Certes, ils possèdent désormais un suspect n°1, mais – libre après sa garde à vue – ce dernier prend la fuite. Ce n’est que cinq mois plus tard qu’il sera repéré du côté du Pays Basque. Cette fois, l’affaire semble close pour Gérard Escaude, mais elle lui réserve une ultime surprise…

Patrick Caujolle : Le mort est dans le pré (Éditions Cairn, 2018)

Pour tout vous dire, j’écoutais ses réponses autant pour les mot prononcés que pour sa manière de les distiller. À coup sûr intelligente, elle n’hésitait pas, me regardait dans les yeux, mais choisissait ses termes avec circonspection, les épilant de son vocabulaire avec une pince sémantique aussi minutieuse que vigilante, comme si elle ne voulait pas les gaspiller. Le propre d’un agriculteur, me disais-je, c’est tout de même un peu de semer. Elle, au contraire, faisait tout pour ne rien éparpiller, pour ne rien émietter. Était-ce sa nature ? Était-ce par décence ? Était-ce par peur que mon terreau de flic ne fasse germer questions, contradictions ou invraisemblances diverses ? Ça, je l’ignorais encore, mais je constatais, j’emmagasinais.

Avec “Beau temps pour les couleuvres” (2014) et “Le prix de la mort” (2017), Patrick Caujolle a déjà démontré un talent certain en matière de polar. Le narrateur prend la précaution de nous prévenir : ce n’est pas un thriller spectaculaire, le genre d’enquête (un paysan tué dans son champ) qui n’intéresse même pas les cadors des Services Régionaux de Police Judiciaire. Pourtant, ça nécessite les mêmes efforts que des dossiers plus glorieux, les mêmes recherches scientifiques sur les indices, la même évaluation des témoignages. Ayant exercé ce métier, l’auteur connaît tous les aléas des investigations et des impressions ressenties par les policiers. Les enquêtes classiques, au plus près de la réalité, sont aussi passionnantes que les intrigues tarabiscotées. Ce que nous prouve ce très bon roman de Patrick Caujolle.

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