Maximilien de Groote ayant appartenu à une famille fortunée, rien ne le prédestinait à séjourner un jour en prison. Pourtant, c’est ce qui lui arrive après un cambriolage raté. Il est enfermé à la MAVO, la Maison d’Arrêt du Val d’Oise. Il partage la cellule du rustre mais pas agressif Arnold, et s’entend bien avec Robert, de la cellule voisine. Le vieux détenu placé dans la geôle d’à côté n’est autre que Maurice Danglès, que l’on surnomma "Le Boucher du Val d’Oise". Il fut notamment condamné pour le double meurtre du couple Vallin. Aujourd’hui, il se sent proche de la mort. Maximilien de Groote se défend avec habileté, mais sa condamnation sera de trois ans de prison, dont un avec sursis.
Maximilien s’est bien gardé de révéler les vrais motifs de la série de cambriolages qu’il a commis, chez des hommes de loi. Au décès de son père, il estime avoir été spolié lors de la succession. Chez ses "victimes", il dérobait des documents importants pour eux et secrets, puis les faisait chanter quand c’était possible. Le petit jeu a donc mal tourné. En prison, Maximilien – qui n’a jamais exercé de véritable métier – doit se montrer capable d’insertion sociale, et déjà trouver une occupation. Ce sera l’art pictural, puisqu’un concours de peinture est organisé par l’administration pénitentiaire. Le style de Modigliani paraît l’inspirer. Il va réaliser un tableau "à la manière" de l’artiste.
En réalité, c’est plutôt la biographie de ce peintre du début du 20e siècle (il est mort en 1920) qui l’intéresse. Heureusement pour lui, Amadeo Modigliani fit partie des peintres protégés par le policier et collectionneur Léon Zamaron, qui évita la prison à quelques-uns des artistes de son époque. Après dix-huit mois derrière les barreaux, Maximilien rejoint Robert, le détenu de la cellule voisine, s’installant tous deux rue Saint-Placide. Moins inculte qu’Arnold, Robert doit respecter leur pacte : ne plus s’enivrer, observer une hygiène correcte, mener une vie saine afin de ne plus retourner en prison. Robert comprend que son ami Maximilien a un projet pour les sortir de la mouise.
Pour ce faire, Maximilien devient un "traqueur de cold cases dans le monde de l’Art". Un article de journal a évoqué une affaire emberlificotée d’héritage, concernant un tableau de Modigliani. Cette "Jeanne au collier de perles noires", c’est forcément Jeanne Hébuterne, surnommée Noix de Coco, qui fut la maîtresse de Modigliani et se suicida. Mais quelles traces reste-t-il d’elle. Et quel rapport avec les confessions d’outre-tombe de Maurice Danglès, "Le Boucher du Val d’Oise", qu’il a fait transmettre à Maximilien ?…
Marie Devois ne nous présente pas une nouvelle biographie de Modigliani, admirable artiste. C’est bien d’un polar orchestré autour de ce personnage et d’une de ses toiles (vraie ou imitée, car des faussaires ont fait circuler des tableaux douteux) dont il est question. Au centre de l’affaire, Maximilien de Groote n’est pas un délinquant ordinaire. Issu d’une "bonne famille", il est cultivé, ne manque ni d’intelligence, ni d’astuce. L’épisode de la prison lui permet de raisonner sur de nouvelles et meilleures bases, au risque quand même d’entraîner son voisin de cellule – le solitaire Robert – dans des investigations complexes au succès non-garanti.
Après des romans autour de Vincent van Gogh, Diego Velázquez, Paul Gauguin, William Turner, c’est Amadeo Modigliani que Marie Devois met à l’honneur dans ce nouveau titre. Comme toujours, l’intrigue est soignée, fignolée, maîtrisée, racontée avec souplesse. Et c’est avec un grand plaisir que l’on suit le parcours de Maximilien. Il est préférable de laisser la narration nous apprendre où il veut en venir. Notons par ailleurs une description de la vie carcérale qui sonne juste, ni misérabiliste, ni confortable, loin des idées souvent véhiculées. Un roman noir de belle qualité, Marie Devois possédant un talent certain.