Le commissaire San-Antonio est maintenant directeur de la PJ. Ce soir-là, il dîne avec sa brave mère Félicie dans un restaurant de spécialités. Voilà qu’on l’appelle au téléphone, un inconnu se disant en danger mortel. Ce ne peut être qu’un canular, San-Antonio ne voit pas d’autre explication. Malgré tout, un peu plus tard dans la nuit, il s’intéresse à l’immeuble en face du restaurant. Il y découvre un tueur d’élite armé assassiné, ainsi que deux victimes collatérales. Ce n’est pas le couple de voisins, mal assortis, qui pourra utilement témoigner. San-Antonio appelle à la rescousse son équipe de policiers, afin d’essayer d’évaluer ce qui s’est produit dans cet appartement. Dès le lendemain, le commissaire livre aux médias une version approximative de ces crimes.
Une jeune journaliste, Marie-Laure, est restée dans les parages. San-Antonio ne peut que succomber à la donzelle. Bientôt, le duo de tueurs de l’appartement est repéré dans un hôtel de la Vallée de Chevreuse. Cerner les lieux, tenter un piège, ne suffira sans doute pas. D’autant qu’une greluche intervient dans le tableau, dans un état pitoyable, affirmant avoir été violée par la paire de tueurs. Tout ça se termine par une fusillade, qui cause la mort d’un des policiers, et la disparition des malfaisants. Selon l’analyse d’expert, l’arme du tueur d’élite dispose d’un fonctionnement très spécial. On peut s’étonner que les tueurs ne l’aient pas emportée. Marie-Laure n’a pas dit son dernier mot. C’est elle qui déniche la trace de la prétendue "violée" de l’hôtel.
La cible, au restaurant, n’était nullement le commissaire San-Antonio. Plus sûrement le grand scientifique Anton Raspek, qui dînait là aussi. Ce dernier est décédé entre-temps, d’ailleurs. Pour San-Antonio et son adjoint Jérémie Blanc, subsistent des incohérences dans le scénario. La "violée" et son complice semblent bien être partis se réfugier au Brésil. Alors, c’est certainement là-bas quelque part dans la jungle, dans la tribu de Condor-miro, que se trouvent une grande partie des réponses. Quand il le faut, refusant les dénouements bancals, San-Antonio est voyageur. Direction le Brésil pour le commissaire…
À peine pénétré-je dans l’appartement que je renifle une odeur de sang ou assimilé. Je traverse une entrée où sont exposées, sur des consoles, des vases chinois qui flanqueraient la migraine à un mandarin et à sa mandarine. En sus, on a droit à un bouddha dont la frime ne me revient pas:le genre adipeux-lisse, à l’œil enfoncé comme un escarguinche cuit au fond de sa coquille.
La double porte du salon est grande toute verte (comme dit Bérurier). La clarté de l’avenue suffit pour qu’on se repère. Il y a également le voyant rouge d’un poste de télé dont la lueur s’aperçoit depuis le trottoir d’en face. Ces maigres sources de lumière me suffisent à distinguer un corps d’homme allongé sur le tapis, la face en avant.
Indémodable San-Antonio, dont c’était ici la 157e aventure, publiée en 1993. “Souvent imité, jamais égalé” peut-on affirmer, car San-Antonio c’est avant tout une écriture, un véritable style. Il y est beaucoup question de sexe ? Parlons plutôt de gaudriole, de grivoiserie, de paillardise… Notons dans ce “Allez donc faire ça plus loin”, le passage remarqué – et toujours remarquable – de Bérurier et de César Pinaud, les vieux de la vieille. Sans oublier la mère du commissaire, Félicie. Des piliers de la saga San-Antonio. Inutile de préciser que se multiplient les péripéties. Les romans "dernière période" de l’auteur n’en sont pas moins excitants, percutants. L’humour et le polar ne sont pas incompatible, Frédéric Dard l’a démontré avec un talent indéniable.