Jacques le Luck est un riche industriel. Après quelques jours d’absence, il revient à son manoir. Il apprend qu’il est censé être mort la veille, son corps étant exposé dans une pièce de la maison. Un grand choc pour son épouse, qui décède dès qu’elle le voit. Cela suscitera peu d’émotion chez lui, car le couple s’entendait très très mal. Le commissaire Becassi est chargé d’enquêter sur les circonstances de l’affaire. Il émet bientôt une hypothèse sensée : le soi-disant Jacques Le Luck, le mort de la veille, serait le jumeau de l’industriel. Il se trouve que Le Luck a effectivement un jumeau, Thomas, qui n’est pas du tout son sosie. Celui-ci vit dans cette demeure, tel une sorte d’ermite, servi par son valet Nic. Ce Nicaise Gervais est un ami de longue date de Thomas.
Le commissaire est prévenu : Thomas est un personnage des plus étranges. Un sorcier, un mage, un thaumaturge, bien difficile de le cerner. Selon son valet Nic, quelques années plus tôt, vagabondant à travers le pays, Thomas Le Luck aurait accompli un certain nombre de miracles. Puis il s’est établi comme fakir, influant mentalement selon les demandes de clients. Installé chez son frère, Thomas fuit le contact avec quiconque. Quand le commissaire parvient à lui parler, l’ermite s’accuse d’avoir causé par l’esprit la mort de la détestable épouse de son frère. Le policier est bien plus rationnel que ça. Il va enquêter en Bretagne, dans la commune dont sont originaires les frères Le Luck. Il s’y passa des choses énigmatiques autrefois.
C’est à Paris que le commissaire Becassi poursuit ses investigations. Pas seulement pour en découvrir davantage sur le mystérieux Thomas. Des témoins évoquent un certain M.Guy, au visage d’ange. Selon le policier, cet inconnu introuvable pourrait être une des clés de l’affaire. Malgré ses efforts, il n’avance guère. Désormais, Jacques Le Luck court un vrai danger mortel, annoncé par son frère devin. Par la suite, le comportement de Thomas reste parfaitement illogique. L’accuser d’une diabolique machination serait absurde. Le policier pourrait également soupçonner Nicaise Gervais, mais ce dernier n’a pas grand-chose à gagner à comploter. Sa fidélité à Thomas prime tout. Pour le commissaire, qui s’est pourtant démené, l’histoire a peu de chances de trouver sa solution…
La collection Angoisse fut publiée par les éditions Fleuve Noir de 1954 à 1974. Son audience fut moindre par rapport aux collections Espionnage et Spécial-Police, bien que présentant des suspenses "surnaturels" originaux et généralement de belle qualité, voire de vraies "perles rares". Marc Agapit (1897-1985) fut le principal contributeur de cette collection. Ses romans se plaçant dans un quotidien proche de la vraie vie, il cultiva des ambiances troublantes. Il ne cherchait pas à effrayer, à susciter l’horreur, mais poussait le lecteur aux limites de l’improbable, de l’inexplicable. La narration est claire, le rythme est sans temps mort.
La particularité de “Le temps des miracles”, paru en 1972, consiste à proposer une enquête policière en bonne et due forme. Faut-il croire aux miracles, par la seule intervention de l’esprit ? C’est la proposition que Marc Agapit fait ici à ses lecteurs. Voilà un auteur extrêmement original et inventif, dont il faut lire ou relire les romans.