Capitaine de police expérimentée au Quai des Orfèvres, âgée de trente-neuf ans, Isabelle Mayet vient d'obtenir sa mutation à Nantes. C'est parce que sa mère souffre de la maladie d'Alzheimer que cette dynamique blonde frisée a dû faire ce choix. Une nomination bien accueillie à la brigade criminelle nantaise. Sauf par le lieutenant Bruno Farge qui visait le poste attribué à Isabelle. Très vite, elle se met dans le bain. Un cadavre a été trouvé dans le bunker de l'île Héron, sur la Loire. Pas un endroit facile d'accès, bien que faisant partie de l'agglomération de Nantes. Rempli de bouteilles vides et de sacs poubelles éventrés, le blockhaus est repoussant. C'est pourtant là que vivait – façon ermite – un sexagénaire prénommé François. Les autorités ignoraient sa présence.
Selon l'amie qui le ravitaillait, ce sont les rayonnements électromagnétiques qui ont rendu l’homme malade. D'où, peut-être, cette consommation excessive de boissons alcoolisées. Le médecin légiste confirme qu'il s'agit bien d'une mort par cirrhose. Le décès n'étant pas suspect, nul besoin d’enquête. Néanmoins, Isabelle Mayet insiste. Lors du nettoyage du bunker, elle a déniché la clé d'une trappe. En explorant seule ce souterrain, elle risque de restée enfermée dans ce mausolée de béton. À une sortie, elle découvre le cadavre du chien de l'ermite, poignardé par un pro du combat. L'ermite est identifié : François Bertignac fut policier aux RG de Nantes, avant ses problèmes de santé et sa retraite.
Isabelle possède plusieurs éléments, dont la photo d'une jeune femme, datant de 1975, et le vieil ordinateur de l'ermite dont le disque dur mérite d'être exploré. Plus un énigmatique tatouage AAA, auquel Bertignac s'intéressait. Teresa Aguirre, tel était le nom de la jeune fille du cliché. C'était une opposante chilienne, que Bertignac connut à l'époque de ses études. Selon un de ses anciens collègues, ils furent très intimes. À part un silure, poisson de grande taille, le plongeur qui visite l'épave du bateau de l'ermite n'y voit rien de déterminant. Pour aller au bout de son enquête, Isabelle va mettre sa vie en péril...
C'est aux lecteurs de romans policiers authentiques, que s'adresse ce suspense inscrit dans la très bonne tradition du genre. En effet, la progression de l'intrigue débute par un mort singulier, passe par diverses pistes à éclairer, et nous entraîne jusqu'à un final teinté d'angoisse. Entre les services d'enquêtes et les acronymes de la police (SRIJ, FNAEG...) dont il ne faudrait pas abuser, on baigne dans une ambiance qui se veut proche du réel. L'héroïne fait preuve d'intrépidité, autant que d'intuition. Ce qui la conduit dans certaines situations délicates. Elle ne laisse pas insensible le charmeur substitut Samuel Vanneck, mais doit aussi penser à sa mère souffrante. Un contexte bien dessiné, donc.
Certes, le célèbre Quai de la Fosse nantais n'est plus le repaire mal famé qui lui valut une sinistre réputation. Mais peut-être masque-t-il encore des mystères. Car ce roman est aussi l'occasion de visiter Nantes, des quais de l'Erdre aux rives de la Loire, jusqu'au port de Trentemoult. Le détour par l'île Héron, méconnue car c'est un site protégé, ne manque pas d'intérêt. Ces détails participent à l'affaire, ce qui évite le genre balade touristique. Le sujet s'avère plus large, puisqu'un des aspects sombres évoque des temps funestes en Amérique latine. Avec une narration classique, et des chapitres assez courts, Sylvain Forge nous a concocté un suspense vivant qui se lit avec grand plaisir.
Ce roman très réussi est maintenant disponible chez Le Livre de Poche.