En quête d’infos sur les dysfonctionnements de notre époque, Léo Tanguy est un cyber-journaliste qui sillonne en priorité l’Ouest de la France. C’est ainsi que ce grand rouquin à l’allure nonchalante alimente son site internet, suivi par de nombreux abonnés. Son look vestimentaire est un peu passés de mode. Il circule dans le vieux Combi de ses parents. Il ne dit jamais non aux occasions alcoolisées. Il est profondément attaché à la Bretagne, sa terre d’origine, ses racines. En ce moment, il reste dans son cocon, entre Monts d’Arrée et côte nord de la région. En ces temps de campagne présidentielle, où s’excitent certains extrémistes, autant ne pas s’éloigner de chez soi. Sa vieille voisine Marguerite Le Saux, dite Guitte, le chouchoute.
Une dame a été poignardée dans les environs. Elle semblait originaire du Havre. Ce qui n’est pas sans rappeler à Léo Tanguy un crime suivi par son confrère normand Bob Mougin, animant un site d’infos comme lui. Un homme a été retrouvé mort dans un bassin du port du Havre. Un indice donne a penser qu’il serait de Morlaix. Léo entre en contact avec le cyber-journaliste havrais, qu’il invite chez lui. La victime poignardée en Bretagne est vite identifiée : Emmy Lehner, patronne d’une crêperie connue du Havre. Léo interroge quelques amis, dont son coiffeur, au sujet d’un certain Rémy Lehner, qui n’est probablement pas un simple homonyme. Originaire de Morlaix, il est revenu y monter des entreprises, après un long séjour en Afrique. Tout laisse à penser qu’il fricota avec la "Corse connexion", qui couvre tant de magouilles et d’argent sale en Afrique.
Bob Mougin a rejoint Léo Tanguy. Ensemble, ils vont déterminer que Rémy et Emmy étaient jumeaux. Le majordome de Rémy en sait sûrement bien davantage qu’il ne le dit. Pour pénétrer dans l’entreprise légumière, il va falloir ruser avec le vigile. Qui, au final, se montre très coopératif. Léo découvre que de nombreux Bretons ont depuis bien longtemps migré au Havre, où ils forment une colonie importante, gardant souvent des liens avec leur région d’origine. Autour de Rémy, plusieurs pistes : le Belle Thérèse, amante du défunt, qui fait un show SM au club Le Lapin Rosse. Ou Luba Collinet, la trop séduisante épouse d’un libraire spécialisé dans les livres très rares. Mais c’est quand Bob trouve ce que cachent les choux-fleurs livrés à l’entreprise de Rémy que leur enquête fait un grand bond en avant. C’est au Havre que le duo va devoir chercher des réponses.
Après les obsèques "à la bretonne" d'Emmy, Léo et Bob rencontrent Faschini, le flic qui renseigne Bob. Tous les éléments fournis par les deux reporters l’intéressent fortement. Dans un vaste port comme Le Havre, bien difficile de déceler les filières des trafics en tous genres. Faut-il aussi s’intéresser à l’entourage d’Emmy Lehner, dont la crêperie qui n’a pas tardé à rouvrir ? Plus que quelques étapes pour démêler cette affaire…
Effectivement, Guitte s’est souvenue. Le type en question s’appelle Rémy Lehner, grossiste exportateur en choux-fleurs, oignons, cocos de Paimpol et autres légumes de cet acabit, principalement vers l’Angleterre. L’homonymie avec le cadavre de Dourduff est troublante. Par extraordinaire ces deux personnages seraient-ils de la même famille ? Rémy et Emmy, la consonance de ces deux prénoms pourrait suggérer des parents facétieux. Ma cervelle mouline, les synapses fricotent de drôles de rapprochements, et si… et si…
Et si je servais à Bob dont j’attends l’arrivée prochaine quelques révélations sur son "sucé à mort", qui pourrait bien être un dénommé Rémy Lehner. Supposé encore.
Peut-être faut-il rappeler le principe d’une série comme "Les nouvelles aventures de Léo Tanguy". À chaque titre, c’est un autre auteur qui exploite l’univers du héros. La tonalité personnelle et l’inspiration de chacun permettent de plonger Léo dans des ambiances fort différentes. Outre ses racines bretonnes, il existe un vrai sens de l’amitié autour de Léo, tous ses proches possédant comme lui un véritable libre arbitre, un esprit se refusant au formatage. Il ne s’agit assurément pas de jouer au justicier, mais de s’immiscer dans les recoins d’affaires où les forces de l’ordre n’avancent pas tant.
Qu’il s’agisse de nouvelles ou de romans, Max Obione est de ceux qui apportent un ton à leurs récits. Ici, Léo – pour une fois narrateur – est grâce à lui un personnage familier, qui ne crache jamais sur les petits plaisirs de la vie. Fier de sa liberté, toujours. Côté cœur, il hésite beaucoup à s’engager, ce dont ce diable de Bob Mougin va profiter, on verra la suite. Il nous suffit de marcher dans les pas des deux compères, dont un "Havrais-de-vrai", pour nous souvenir du poète maudit breton Tristan Corbière, et pour tenter d’élucider le mystère concernant ce double meurtre. Un polar franchement réussi.