Mathieu est âgé de quarante-huit ans. Il tient un dépôt-vente à Montreuil, assisté par Gary et Mylène. Le premier est un Gitan, la seconde une femme mûre. La compagne de Mathieu se prénomme Anna. Professeur d’anglais, elle a une fille adolescente, Laurie. Ils habitent sur une île de la Marne. L’enfance de Mathieu fut marquée par un épisode dramatique. Il devint orphelin à l’âge de six ans, quand le manoir breton de ses parents fut la proie d’un incendie qui ravagea tout. Absent pour cause de vacances, Mathieu en réchappa. L’oncle et la tante paternels de l’enfant le recueillirent et l’élevèrent. Septuagénaires, ceux-ci vivent toujours dans leur maison de Fontenay-sous-Bois. Mal dans sa peau, Mathieu se montra parfois agressif étant jeune. Jamais il ne retourna voir le manoir de ses parents, à la pointe de Lochrist, sur la commune de Kerloch.
Une certaine Catherine Dourdan a laissé au dépôt-vente un album de photos qui retient l’attention de Mathieu. Sur ces images, il reconnaît le manoir de son enfance, ainsi que lui et ses parents. Étrange, mais ce qui suit l’est plus encore. Une tentative de cambriolage a lieu au dépôt-vente, avant que le même duo de malfaiteurs ne s’attaque à la maison de Mathieu. Si le policier Dagan est un pro qui fera son métier, il reste beaucoup de questions auxquelles seul Mathieu peut essayer de trouver des réponses. Avec Anna et Laurie, ils sont relogés dans l’immeuble de Mylène. Toutefois, c’est en Bretagne qu’il faut chercher des éléments. À la mairie de Kerloch, on fournit à Mathieu les actes de décès de son père et de sa mère. Non sans lui préciser que le maire d’alors était un profiteur, un magouilleur. Mathieu et Anna ont besoin d’approcher de l’ancienne propriété parentale.
Le couple est bien vite stoppé par un homme et ses chiens malinois. L’actuel possesseur du manoir rebâti vit là avec sa petite-fille. Il a récemment eu la visite de cette Catherine Dourdan, qui déposa l’album-photos. Comment expliquer que d’autres photos circulent sur Internet, présentant le manoir sinistré ? L’homme aux chiens envisage une hypothèse qui ne paraît pas absurde à Mathieu, mais qui va l’obliger à longer les côtes du littoral breton, jusqu’au château de Trévignon. Là, un nouvel interlocuteur lui suggère un trucage, ce qui apparaît probable à Mathieu. La piste Catherine Dourdan finit par porter ses fruits. S’il ne s’agit pas de la même personne, il existe malgré tout un lien fort insolite. Mathieu, Anna, Gary et Mylène se rendent à Lyon, sur les traces de la défunte Catherine Dourdan. Une très mauvaise surprise attend Mathieu au cimetière.
Si une quarantaine d’année se sont écoulées depuis l’incendie fatal, il reste néanmoins des témoins ayant bien connu les parents de Mathieu. La vie de ces derniers fut-elle vraiment ce que croit en savoir leur fils ? Peut-être qu’un concours de circonstances a imposé une série de mystères et de mensonges. Qu’il est temps pour Mathieu d’éclaircir…
Le type ne m’entend pas. Il me demande de parler distinctement mais dès que je relève la tête, un des deux chiens grogne juste au-dessus, et je me recroqueville.
Un silence s’ensuit. Il n’y a que le bruit de nos respirations saccadées, ainsi que celles des deux molosses, avec au loin le son des vagues. L’homme doit aller et venir, peut-être inspecte-t-il la moto, son immatriculation, ou simplement nos deux corps l’un sur l’autre, qu’il domine. Puis je l’entends me sommer de ne pas bouger, et je sens sa main se glisser dans ma poche déformée par mon téléphone. Il saisit l’appareil. Je l’imagine en train d’en explorer le contenu, les contacts, les photos, les messages. C’est exactement le cas. L’homme est même allé chercher un des sièges de jardin, s’y est installé, nos deux corps tremblants sous ses yeux. C’est ce que je découvre quand il nous dit soudain d’un ton pénétré :
— Relevez-vous, regardez-moi.
Hervé Commère est un perfectionniste de la construction scénaristique, qualité déjà notée dans ses précédents titres. Un héros au passé tourmenté placé au centre d’une histoire, ça semble presque habituel. Mais dès les premières pages, nous sont livrées quelques-unes des bases d’un récit qui entraîne le lecteur dans un tourbillon de rebondissements. Il est bon de souligner que Mathieu n’est pas absolument solitaire dans sa quête de vérité. Anna, Laurie, Gary, Mylène, Raymond, ont leur rôle à jouer. Face à certaines découvertes, il aura bien besoin d’être épaulé. Les réponses ne viennent pas à lui sous leur forme la plus directe, tant les faits masqués sont énigmatiques. Des indices, des photos, le reflet d’une silhouette, un accident tragique, un manoir mystérieux.
Tous les éléments sont ici réunis pour alimenter un suspense permanent, pour relancer sans cesse l’intrigue. Ce qui suppose certains effets un peu appuyés, mais telle est la règle du jeu lorsqu’on veut tenir son lecteur en haleine. L’essentiel est de maîtriser la progression du scénario, ses sinueux méandres : on peut faire confiance à l’auteur en la matière. Tout en préservant un caractère psychologique quant aux origines de toute l’affaire, sans quoi elle serait beaucoup moins crédible. Encore une belle réussite à l’actif de l’excellent Hervé Commère.
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