À Nice, la quinquagénaire Ghjulia Boccanera est détective privé. Ses amis l’appellent Diou, ainsi que se prononce son prénom. Elle loge au quatrième d’un immeuble du Vieux-Nice, entre son colocataire Dan et son vieux voisin M.Bertolino. Elle fut la compagne du policier Joseph Santucci, cinquante-deux ans, duquel elle reste très proche. C’est le manque d’instinct maternel de Ghjulia qui les a séparés. Peut-être aussi une tension interne chez elle, qui consomme exagérément du café et qui dort mal. Un nouveau client se présente : Dorian Lasalle, vingt-cinq ans. Il était l’amant de Mauro Giannini, ingénieur employé par la société de BTP Rafaelo. Ils prévoyaient de se marier, et de s’installer à New York où Mauro avait obtenu un poste avantageux. L’ingénieur a été assassiné chez lui. Meurtre, peut-être sexuel, suivi d’un cambriolage ? Dorian ne croit pas en cette version.
Ghjulia est bien obligée de passer par l’agente immobilier Élisabeth Tordo, qu’elle n’aime guère, pour avoir les clés de la villa de Mauro Giannini. Pas grand-chose à glaner, puisque la police a déjà tout fouillé dans cette maison. Malgré tout, elle dégote une clé USB ayant appartenu au défunt. Elle contient des dossiers techniques géologiques, que Ghjulia serait bien en peine de décrypter. Il est possible que le réfugié syrien Mohamed, ou son épouse, puissent l’y aider. Est-ce que les tableaux d’un certain Toussaint Geronimi seraient une piste à suivre ? La détective ne l’exclut pas. C’est au tour de Dorian Lasalle d’être assassiné. Il a été torturé, et la médaille offerte par Mauro qu’il portait autour du cou a disparu. L’ancien petit ami de Dorian méritant d’être suspecté, Jo Santucci vérifie s’il possède un alibi. Mais ces crimes sont certainement plus complexes que cela.
Après un passage avec Jo au siège de l’entreprise Rafaelo, où ils sont reçus par une cadre peu cordiale, Ghjulia contacte le père artisan de Dorian Lasalle. Ce dernier l’engage afin qu’elle découvre la vérité sur les meurtres. Par contre, elle ne risque pas de sympathiser avec le frère homophobe de Dorian. Alors qu’elle rentre chez elle, Ghjulia est agressée par un inconnu, qui cherche à la tuer. Son voisin M.Bertolino intervient, ne ratant pas le type en question. Il s’agissait d’un policier syrien qui, selon Jo Santucci, fit naguère un stage à Nice. Ghjulia pense à Mohamed et sa famille, mais ceux-ci auraient plutôt tendance à fuir ce genre d’énergumène. Aux obsèques de Dorian, la détective retrouve les amis de celui-ci, des transformistes du club Zanzib’hard. Dont le viril Emiliano.
Peu après la cérémonie, Jo Santucci est visé par deux tireurs à moto, et très gravement blessé. L’enquête du policier et de la détective sur le double meurtre dérange fortement quelqu’un, plus de doute. Grâce à une info anonyme mais sérieuse, Ghjulia fait appel à Shérif, intransigeant inspecteur du travail, ce qui fera avancer ses investigations…
La lumière s’éteint. Je m’écroule à quatre pattes. Tente de me relever et d’enchaîner avec ce qu’on m’a appris : lancer le coude en direction du sternum de l’agresseur mais là, rien, j’effleure à peine une manche. Ça ne sert pas à grand-chose contre un type qui m’a explosé une épaule et se tient maintenant au dessus de moi. Je sens soudain quelque chose autour de ma gorge, une corde peut-être, qui commence à se resserrer. Je me jette en arrière par réflexe. Mauvaise idée, le type m’enfonce un genou entre les omoplates. Pour échapper à cette pression, je ne peux que basculer en avant et offrir un peu plus ma gorge au lien qui m’étrangle. J’essaie d’agripper ce qui m’étouffe mais mes doigts ne saisissent rien, je me laboure la peau pendant que mon larynx commence à s’écraser. Plus d’air. Plus d’air du tout. Ça ne peut pas. Finir comme ça. Je dois pouvoir respirer. Ce n’est pas possible de mourir…
S’extasier à la lecture d’un "premier roman", c’est une réaction souvent trop facile. En particulier dans le polar où, depuis l’origine du genre, rares sont les intrigues et leurs ambiances n’ayant pas été explorées. Pourtant, il existe réellement des talents émergents et Michèle Pedinielli en fait visiblement partie. Lorsqu’on nous propose une histoire de détective privé, comment résister ? Quand ça se passe à Nice, on est dans un décor certes ensoleillé mais propice à la noirceur, on a des chances d’adhérer. Et puisque l’enquête est menée par une femme, il ne nous reste plus qu’à la suivre dans ses tribulations. Niçoise d’origine connaissant donc son sujet, Ghjulia ne nous embarque pas trop longtemps dans une visite guidée de la ville, car c’est l’affaire criminelle qui importe.
Il est souhaitable que les auteurs soient aussi des lecteurs, qu’ils connaissent les rouages narratifs autant que les codes du polar. On peut penser que Michèle Pedinielli a apprécié quelques maîtres en la matière, dont le créateur du shérif Walt Longmire. En outre, un détective qui ne prendrait pas de mauvais coups, qui interrogerait sans jamais se mettre en danger, ce serait manquer à la tradition. Que l’on se rassure, l’intrépide Ghjulia étant confrontée à forte partie, ses aventures seront mouvementées au fil d’un récit fluide. Pour notre plus grand plaisir, on l’avoue volontiers. On ne peut qu’espérer la revoir dans de futures enquêtes, aussi toniques et palpitantes.