Markus Sedin est un financier finlandais âgé de quarante-deux ans, un des experts de la Norda-Bank. Il est l'époux de Taina, qui fut une très compétente gérante de fonds pour la même banque. Elle est désormais en longue maladie, s'occupant de leur fils Ville, gamin imaginatif. En mars à Ostende (Belgique), Markus Sedin et ses confrères doivent finaliser un partenariat avec la banque De Vries. L'accord ne se présente pas vraiment bien. Lors d'une soirée dans un club local, Markus fait la connaissance d'une prostituée mi-Hongroise mi-Roumaine. Âgée de dix-neuf ans, elle se prénomme Réka. De retour en Finlande, Markus retrouve sa femme et leur fils.
Il renoue bientôt avec Réka, trouve même l'occasion de la rejoindre dans son pays. Il lui donne une belle somme pour qu'elle aide sa famille qui vit dans un taudis. Il achète un appartement dans un immeuble neuf d'Helsinki, afin d'y loger Réka dès le mois d'avril. La jeune femme se montre reconnaissante envers lui. Il mène alors une double vie, les affaires financières et ses proches comptant moins que les moments passés avec Réka. Pourtant, le 1er mai, le destin de Markus Sedin bascule. Il se trouve d'abord dans un état second puis, face à la situation, il va faire preuve d'énergie pour éviter les conséquences. Il se peut que l'enquête des policiers ne fasse pas le lien avec lui.
Veuf de sa compagne Sanna, le policier Kimmo Joentaa est toujours en poste à Turku, à une centaine de kilomètres d'Helsinki. Il entretient une relation avec Larissa, vingt-six ans, qui se montre très secrète sur son vrai nom et sur sa vie. Il apprend qu'un ami, Lasse Ekholm, vient d'avoir un accident de voiture dans la soirée du 1er mai. Anna, la fille du conducteur, est morte sur le coup. Kimmo Joentaa s'efforce d'apporter son soutien et sa présence aux parents sous le choc, Lasse et Kirsti Ekholm. Le père se souvient juste d'une lumière, d'un éclair, à l'instant de l'accident. Comme si avait surgi une voiture roulant nettement trop vite. La mère d'Anna ne sait trop de quelle manière réagir, dans une sorte de déni. Le père est hospitalisé.
Par ailleurs, quelque part en Finlande, Unto Beck est un jeune homme de dix-neuf ans. Il a de curieuses obsessions, telle sa machine à coudre, et adore les bonbons. Solitaire dont la candidature a été refusée par l'Armée, Unto exprime ses délires via Internet. Il paraît idolâtrer un certain ABB, un criminel scandinave. Gagné par ses fantasmes, Unto se laisse parfois aller à des diatribes violentes, des menaces extrêmes. Un comportement qui n'est pas sans inquiéter sa grande sœur Mari. Malgré tout, un rapport psy ne conclut pas à sa dangerosité. Alors que le projet qu'il rumine dans sa tête serait multi-meurtrier.
Kimmo Joentaa suit de loin l'enquête en cours, menée par le patron de la Criminelle de Turku et ses collègues. Des policiers d'Helsinki sont aussi concernés, s’intéressant au Villa Bella, un club-sauna d’une ville des environs. Le propriétaire admet que bon nombre de filles étrangères s'y prostituent, venant de pays d'Europe de l'Est, sans qu'on exige leurs papiers, ni de savoir si un proxénète profite de l'argent qu'elles gagnent. Ceci explique la progression lente des policiers, jusqu'à la fin du mois d'août. Le couple Ekholm ne se remet pas vite de la mort de sa fille, non plus…
Marko Westerberg, le chef de la criminelle d’Helsinki, tournait doucement en rond dans un périmètre dégagé sur de la neige fondante.
La couleur dominante était le blanc. Un parc enneigé dans lequel évoluaient des hommes de la police scientifique habillés en blanc, sur des chemins recouverts de neige qui menaient à des immeubles neufs et blancs. Des immeubles à plusieurs étages d’apparence accueillante mais qui donnaient l’impression de n’être guère habité, sinon, comment s’expliquer le nombre restreint de curieux piétinant derrière les rubans de sécurité ?
Les corps étaient encore tels qu’on les avaient trouvés, entourés de petites pancartes noires enfoncées dans la neige qui représentaient ou étaient censées représenter des traces, peut-être illusoires car les traces semblaient ne mener nulle part. Dès leur arrivée sur les lieux du crime, les techniciens avaient eu la conviction que les corps avaient été transportés dans ce parc post-mortem, mais rien ne semblait mener à une piste sur l’endroit où ils étaient morts.
Bien qu'il s'agisse réellement d'un polar, il serait erroné de l'aborder comme un suspense noir, un roman d'enquête, ou un thriller aux péripéties spectaculaires. N'attendons pas non plus une étude sur la société finlandaise, trop souvent qualifiée d'exemplaire. C'est à une poignée de personnages, dans le contexte d'aujourd'hui, que s'intéresse l'auteur. En tête, Kimmo Joentaa, déjà héros de précédents titres. L'empathie n'est pas un vain mot pour ce policier plein d'humanité. Il en fait la preuve envers des parents meurtris, autant que dans le cas du généreux amant de Réka Nagy. “Un pigeon amoureux qui s'est fait entuber, un imbécile heureux” estiment ses collègues. Joentaa le voit plus positivement.
C'est avec délicatesse que l'auteur décrit le traumatisme du couple Ekholm, avec finesse qu'il montre l'attachement de Joentaa à sa défunte compagne, avec justesse qu'il dessine le portrait de Unto Beck. Ce dernier manque de repères, se réfugie dans une virtualité qui le conduit à admirer l'excès, sans doute à se prendre pour un héros. Les financiers ne sont pas caricaturés, mais apparaît en filigrane leur froide superficialité, leur esprit combinard. Quant à l'ombre de Larissa, elle compte dans la vie privée de Joentaa. Une intrigue riche en subtilité, basée sur des ambiances d'une palpable densité : on se laisse volontiers captiver par ce remarquable roman de Jan Costin Wagner, désormais disponible en format poche chez Babel Noir.