Redemption est une de ces petites villes de l’Ouest américain bâties vers la fin du 19e siècle au milieu de nulle part. C’est dans le désert de l’Arizona que Jack "King" Cassidy fit construire une église et développa une agglomération autour. Il raconta son pieux périple dans ses Mémoires, un ouvrage toujours disponible à Redemption. Ernest Cassidy, son dernier descendant, est encore maire de la ville, en parfaite entente avec le shérif Morgan. Longtemps, on exploita ici les mines de cuivre, ce dont témoignent les anciennes maisons des ouvriers. À notre époque, c’est principalement le tourisme qui fait vivre la ville. Ainsi que l’aérodrome, et le musée de l’aviation présentant de très beaux appareils d’autrefois. C’est à cause d’un de ces vieux avions transférés à Redemption que se produit un drame.
Dans le cimetière historique, on assiste aux obsèques de James Coronado. Plutôt jeune, marié à Holly, Jim est mort dans un accident de voiture, une récente nuit. Originaire d’ici, il était membre du conseil municipal. C’est alors qu’un avion s’écrase à la périphérie de la ville, causant rapidement un incendie qu’il sera très difficile de combattre. Semblant être un rescapé de ce crash, un homme d’environ trente ans fuit le feu et tombe sur le shérif. Amnésique, cet albinos paraît s’appeler Solomon Creed. Il possède le fameux livre de Jack Cassidy retraçant l’histoire locale, qui lui aurait été offert par James Coronado. S’il a perdu la mémoire, lui reviennent beaucoup de connaissances scientifiques. Solomon Creed est même polyglotte, parlant le français avec l’accent du Tarn, peut-être de Cordes-sur-Ciel.
Tandis que l’incendie cause des dégâts y compris humains, le nommé Mulcahy s’inquiète fortement. Assisté de Javier et Carlos, il est l’un des contacts locaux de Papa Tio, le chef d’un cartel mexicain. La frontière n’est pas loin, propice à tous les trafics. Le shérif Morgan et le maire Ernest Cassidy en croquent aussi, d’ailleurs. Mulcahy devait réceptionner un passager de l’avion fatal, Ramon Alvarez, qui n’était autre que le fils de Papa Tio. Faire comprendre les circonstances au caïd mafieux, qui a pris en otage le père de Mulcahy, n’a rien de simple. D’autant qu’un gang adverse, les Saints Latins, rôde à Redemption. Bien que Mulcahy ait supprimé plusieurs de ces truands, ça sent mauvais. Il pense qu’avec la complicité du shérif, désigner comme coupable Solomon Creed serait la solution.
Après avoir donné quelques conseils aux autorités pour contenir l’incendie hors de la ville, Solomon Creed tient à rencontrer Holly Coronado, la veuve de Jim. C’est une jeune femme de caractère, qui ne s’est jamais tellement fiée à la population de Redemption. Cette furie éloigne à coups de feu le shérif, mais reçoit Solomon Creed. Elle a des raison d’être très énervée : pendant l’enterrement, sa maison a été saccagée. Sans doute fouillée parce que l’on cherchait quelque chose de précis, d’éventuels secrets découverts par le défunt. Si Solomon Creed ne peut plus sauver James Coronado, Holly peut devenir une de ses rares alliées dans cette ville. C’est probablement dans le récit de sa vie par Jack "King" Cassidy et à l’Église des Commandements perdus que Solomon Creed trouvera des réponses…
Le coup de feu perça un trou dans la pluie et fit décoller les pieds de Morgan du sol. Il bascula en arrière et heurta durement la terre, poussa un petit cri de stupeur et de souffrance. Ses jambes s’agitèrent dans un effort instinctif pour fuir, une de ses mains ensanglantées tenta de saisir son arme de poing.
— Ce n’est que du gros sel, dit Holly, qui fit monter une autre cartouche dans la chambre et avança d’un pas. La prochaine, ce sera de la chevrotine double zéro. Si vous touchez ce pistolet, je vous tire dessus. Si vous ne partez pas tout de suite, je vous tire dessus.
Morgan se leva précipitamment et courut sur l’herbe mouillée pour rejoindre la voiture de patrouille. Solomon l’observait en réfléchissant. Cette femme avait fait feu sans l’ombre d’une hésitation. Il devait y avoir une raison à cela, une raison impérieuse. Le policier grimpa dans le véhicule, plié en deux pour offrir une moins grande cible. Solomon sentit la lumière sombre sur lui et quand il se retourna vers la maison, il vit le trou noir du fusil braqué dans sa direction.
C’est un splendide thriller à la narration vive, construit dans les règles de l’art, que Simon Toyne a concocté pour nous raconter les aventures de Solomon Creed. Les bases de cette intrigue apparaissent aussi classiques que solides. Une ville oubliée de l’Ouest américain, d’aspect typique mais certainement vérolée. D’ailleurs, on le voit dans le vieux cimetière, Redemption n’est-elle pas marquée depuis son origine par une malédiction ? L’incendie incontrôlable qui la menace n’en serait qu’un nouvel épisode. Le fait qu’un cartel mexicain mafieux l’ait choisit comme ville-relais sur le territoire des États-Unis n’est pas fait pour améliorer les choses, non plus. Surtout pas quand un proche du caïd périt dans le crash d’un avion, aux abords de l’agglomération. Ça risque de canarder entre bandes rivales.
Autre élément, à la fois traditionnel et palpitant, le héros est amnésique. Certes, on lui a trouvé une identité, mais ça ne dit pas vraiment qui il est, d’où il vient, ni quelle est la nature exacte de sa "mission". Le mystère perdure en grande partie autour de lui, même en constatant qu’il possède un intellect très développé. Ce roman a été également diffusé dans les pays anglo-saxons sous le titre “The searcher”, astucieuse façon neutre de ne pas le qualifier strictement d’enquêteur. Les investigations de l’énigmatique Solomon Creed sont particulières, l’auteur y introduisant une dimension mystique. En parallèle de l’action proprement dite, fort mouvementée, on nous offre des extraits du livre de Jack "King" Cassidy. C’est dans le passé que se cachent certaines clés de l’histoire. Un remarquable suspense, qui se dévore avec bonheur.