Paris, juin 2016. Homme mûr, Oxymor Baulay est un journaliste culturel, héritier d’une tradition familiale dans ce domaine. Une question le taraude, concernant son aïeule qui fut proche du poète Robert Desnos. Sans que cela perturbe ses activités actuelles, autour du monde littéraire. Ce jour-là, Oxy a rendez-vous chez Edmond de Rohan-Soubise, éminent membre de l’Académie Française. Bien qu’Immortel, le comte a été assassiné dans son bureau. Macabre mise en scène, le criminel ayant décapité Rohan-Soubise et lacéré une toile du peintre Chaïm Soutine. C’est le policier Bertrand Cathala et son équipe qui vont se charger de l’enquête. Oxymor l’a déjà rencontré dans une affaire de "Mortelles voyelles".
Si cet académicien radin, vivant aux frais de l’Académie, avait dans les soixante-quinze ans, il était marié à une séduisante quadragénaire, Christine. Toutefois, l’écrivain préférait depuis longtemps les jeunes mâles. Ce qui ne manquait pas d’ironie, car cet adepte de la Droite chrétienne ultra affichait des positions hostiles au Mariage pour tous. Sans doute la police devra-t-elle s’intéresser aux amants de Rohan-Soubise. Néanmoins, c’est plutôt la piste terroriste qui serait privilégiée par les autorités. En effet, la victime a récemment publié un livre polémique attaquant la religion musulmane. Et la mort par décapitation ne peut que rappeler les méthodes des barbares se proclamant combattant de l’Islam.
Parmi les suspects, on ne peut laisser de côté Jean Mareuil, auteur de best-sellers qui a eu une altercation publique violente avec l’académicien. D’ailleurs, le soir de sa mort, Rohan-Soubise a bien eu rendez-vous chez lui avec Mareuil. À vrai dire, l’écrivain n’écrivait plus, laissant la rédaction de ses livres à Lazare Assayas, ami d’Oxymor Baulay et admirateur d’Alfred Jarry. Question absurdité, ce drôle de zozo qu’est Lazare ne va pas simplifier les vérifications autour de son alibi. Quant à celui de Mareuil, c’est un classique adultérin. S’il peut faire le buzz une fois encore en étant soupçonné, ça favorisera ses ventes de livres. Selon Lazare, ce meurtre spectaculaire peut aussi bien avoir un rapport avec Soutine.
Le policier Cathala interroge le chauffeur de Rohan-Soubise, dont l’un des rôles principaux consistait à jouer au rabatteur de beaux gays pour l’académicien. Il y en a bientôt un qui fait figure de coupable potentiel, au cas où décapiter sa victime ne l’eût pas dégoûté. Mais les autorités misent sur un autre suspect, un islamiste fiché S qui est arrêté et interrogé. Il a pu vouloir viser un symbole de la France, à travers un membre de l’Académie. Tandis que Cathala persévère dans son enquête, Oxymor mène d’autres recherches, toujours sur les traces du passé et de son aïeule. Des investigations qui vont l’amener jusqu’à Richelieu…
Après avoir pris connaissance de ses mails, parcouru l’édition numérique du Monde et les dernières investigations de Mediapart, Oxymor se rend dans la salle d’eau, prend une douche rapide. Il allume la petite radio portative, se branche sur Europe1.
-"… On en sait un peu plus sur les circonstances du meurtre de l’académicien Rohan-Soubise, rue Bellini, dans la soirée du vendredi 17 juin. D’après l’autopsie, Edmond de Rohan-Soubise serait mort avant d’être décapité. Du sang et quelques cheveux ont été retrouvés sur l’angle d’une table basse, ce qui donne à penser qu’il se serait assommé en tombant, au cours d’une dispute ou dans le cadre d’une agression. Il aurait ensuite été tiré par les pieds vers le milieu de la pièce, puis décapité à l’aide d’un couteau de sa collection d’armes mayas. Des empreintes multiples ont été relevées sur le manche. La toile que l’assassin a lacérée représente un portrait de femme du peintre russe Soutine. Pour l’instant, aucune revendication ou diffusion de l’exécution sur les réseaux sociaux, signature habituelle en vigueur chez Daech."
Oxymor coupe la radio. Combien de temps va durer ce pilonnage médiatique ?
Gilles Schlesser a consacré plusieurs romans aux enquêtes du commissaire Louis Gardel, se déroulant dans le Paris artistique de la première moitié du 20e siècle. Des histoires où le policier partage la vedette avec Camille Baulay, puis Paul Baulay, la grand-mère et le père d’Oxymor Baulay. Ce dernier, personnage contemporain, était le héros de “Mortelles voyelles” (Éd.Parigramme, 2010 – Éd.Points, 2012). On le retrouve au cœur d’une intrigue absolument actuelle, puisque se déroulant à la fin du printemps 2016. L’actualité y tient une part certaine, encore qu’Oxymor Baulay avoue qu’il déteste les médias putassiers qui cultivent un voyeurisme malsain en exploitant des drames, tels les attentats.
Certes, le très parisien Oxymor nous soûle quelque peu en détaillant les moindres recoins de sa ville, jusqu’aux lignes de bus, plaques d’immeubles et autres Jardins du Sénat. Bien plus intéressantes sont les anecdotes au sujet des grands artistes d’autrefois qui firent la réputation culturelle de Paris. Belle occasion de se souvenir du peintre Soutine, dont l’œuvre semble empreinte de folie. Évidemment, l’univers littéraire de notre époque est aussi de la partie, dans un grand écart entre les écrivains best-sellers et les Immortels du Quai de Conti. Il paraît même qu’Alain Finkielkraut serait plus aimable et drôle que son image le laisse supposer. Mais il ne figure heureusement pas parmi les suspects.
Les suspenses de Gilles Schlesser possèdent une tonalité qui leur est propre. Le crime et l’énigme y côtoient l’intelligence et le sens artistique. La fantaisie n’est jamais éloignée de plus sombres aspects, non plus. Et si les investigations sont sinueuses, c’est pour le plus grand plaisir des lecteurs.
Gilles Schlesser : La liste Héraclès (Éd.Parigramme, 2016) - Le blog de Claude LE NOCHER
http://www.action-suspense.com/2016/03/gilles-schlesser-la-liste-heracles-ed-parigramme-2016.html
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