Deux couples d’amis parisiens se sont retrouvés depuis cinq ans : la blonde Marion et son mari Vincent, publicitaire ; la brune Fanny et son époux Édouard, agent immobilier. Ils passent souvent leurs week-ends ensemble aux Embruns, la propriété normande de Vincent. Ce dernier prépare avec Édouard la création de leur propre agence de communication. Marion et son amie, lassées par leurs conjoints, envisagent de les supprimer. C’est surtout une idée de Marion, dont le mari est un séducteur. Fanny n’a pas encore grand-chose à reprocher à Édouard. Mais un accident provoquant la mort du demi-frère adoré de Fanny, puis le suicide de la petite-amie de celui-ci, finit par décider la jeune femme.
Le père de Vincent vient de mourir. S’il existe un legs destiné à Constance, autrefois maîtresse du défunt, l’héritage sera malgré tout important. Marion suit le plan établi. Elle abat Édouard, simulant un suicide. Un dossier vite classé par le policier Alvarez, car Marion a bien préparé les indices. Le détective expérimenté chargé de retrouver Constance prend contact avec elle. Celle-ci vit à Cannes avec sa sœur Julia. Peu après l’annonce du legs, Constance décède, heureuse que son ancien amant ait pensé à elle. Joueuse habituée aux petites entourloupes, Julia tait la mort de sa sœur pour se substituer à la défunte.
Marion doit maintenant éliminer son mari. C’est dans la propriété des Embruns qu’il est censé s’être suicidé, par désespoir amoureux. Là encore, Marion a semé des indices – laissant penser qu’Édouard et Vincent étaient plus qu’intimes. Un des gendarmes locaux et le policier Alvarez sont amis, et confrontent leurs doutes. Si tout semble assez clair, un jeune collaborateur de Vincent apporte au policier un témoignage capital. Et Fanny commence à se dire que son amie a surtout pensé à elle-même, et à l’héritage du père de Vincent. Quant à Julia, elle imite plutôt bien sa sœur, mais Marion s‘interroge. Le jeu de massacre n’est probablement pas terminé…
Marion avait passé à la fois une très mauvaise et une excellente nuit. C’est-à-dire qu’elle avait peu dormi et beaucoup divagué pour aboutir à l’élaboration d’un plan qui, au matin, lui semblait extravagant et rigoureux. Ce qui, pensait-elle, n’était pas incompatible. Mais sa nuit avait été mauvaise parce qu’elle n’avait cessé de s’interroger sur l’état d’esprit de Fanny, qui avait pu évoluer à la faveur de la solitude et de l’obscurité. La veille elles avaient, avec la même fougue, la même haine, voué leurs époux aux pires châtiments, comploté, intrigué et, proclamant leur mépris de la justice, un peu comme deux gamines échauffées par leur premier verre de champagne et préméditant un mauvais tour pour ridiculiser une parente odieuse. Elles s’étaient séparées en se recommandant de ne rien changer à leurs habitudes, la réussite étant à ce prix.
À peine couchée, alors que Vincent traînait ou travaillait, Marion avait donc patiemment tissé les fils de sa machination et réfléchi à tous les dangers que comportait un double assassinat, et aux précautions à prendre afin de paraître ne pas y être mêlées. Sa volonté de supprimer Vincent était intacte, ainsi que sa certitude qu’il n’y avait pas de temps à perdre…
Né en 1933, Jean-Pierre Ferrière publie des romans policiers depuis 1957. Soixante ans de carrière, avec près de quatre-vingt titres à son actif, dont plusieurs ont été adaptés au cinéma ou à la télévision. “On ne peut nier à Jean-Pierre Ferrière un talent certain pour camper des personnages et mettre en scène des situations particulièrement bien ficelées…” écrivit la regrettée Michèle Witta, experte émérite en polars. On ne saurait exprimer meilleure définition le concernant. Ces dernières années, plusieurs projets d’adaptation n’ont pas abouti, on ne peut que le déplorer tant cet écrivain présente des intrigues finement ciselées. De même, “La Seine est pleine de revolvers” n’avait bénéficié à ce jour que diffusions limitées.
Cette réédition est une très bonne manière de goûter à son incontestable talent. Et même à sa virtuosité, car il s’agit là d’un chassé-croisé criminel parfaitement orchestré. Grâce à une tonalité enjouée et à son habituelle narration fluide, l’auteur nous captive du début à la fin de l’histoire. Rien d’absolument sombre, pas d’émotions tragiques, mais un suspense dynamique où s’entrecroisent les parcours des héroïnes de cette histoire. Car Jean-Pierre Ferrière a toujours dessiné à merveille les femmes dans ses livres. Délicieuse lecture !