Vaste renouvellement des députés à l’Assemblée Nationale, en ce début de mandature parlementaire. Chacun prend ses repères, et le doyen des élus prononce le traditionnel discours inaugural à la tribune. Âgé de quatre-vingt-sept ans, Constantin Reverdion n’est plus aussi vaillant qu’il l’a été : il est victime d’un infarctus en public. La mort naturelle ne fait pas de doute. Pourtant peu après, l’AFP reçoit un courrier annonçant qu’il s’agit d’un meurtre, que l’on doit attribuer à un mouvement terroriste. Les élus s’interrogent sur le risque d’attentat visant ainsi l’autorité de l’État, au cœur même de l’Assemblée. Le député Raoul Talpin, habitué à se faire réélire, s’émeut peu de l’affaire. Comme chaque week-end, il retourne dans sa circonscription, auprès de sa population électorale.
Arlette Lecoin est une petite chanteuse locale âgée d’une vingtaine d’années. Même si elle est fiancée à Henri, mécanicien et gardien de but, c’est à sa carrière potentielle qu’Arlette pense en priorité. N’a-t-elle pas connu un vague succès grâce à un passage à la télé ? Elle fait la connaissance de Raoul Talpin et de son suppléant Pierre Valabray. Chef d’entreprise, ce dernier est moins passionné par la politique que le député Talpin. Arlette sait qu’elle a là une carte à jouer. Elle s’arrange pour emprunter le même TGV, quand l’élu retourne à Paris. Talpin promet de s’occuper d’elle, de l’aider pour sa carrière, non sans compensation intime. Il lui loue un studio pour la semaine dès leur arrivée. De son côté, Arlette reprend contact avec des amis de la télé, dont Hugues Malou, qui semble de bon conseil.
Arlette a accès à l’Assemblée Nationale, où Valabray la guide. Mais elle n’est pas venue en touriste, et se moque bien de la politique. Pour avoir des chances d’avancer, Arlette doit d’abord produire un disque. Comment le financer ? En privé, elle évoque avec le député le budget nécessaire, mais il diffère cette question. Hugues Malou a une idée : si Arlette filme en caméra cachée ses ébats avec Raoul Talpin, elle pourra faire pression sur lui grâce à cette vidéo. Cette péronnelle arriviste ne se choque pas d’en arriver à ce genre de chantage. De passage à Paris, son jaloux fiancé Henri a facilement trouvé l’adresse du studio d’Arlette. Elle le rassure sur sa fidélité, insistant sur son ambition de carrière. Mais Henri découvre la vidéo très intime d’Arlette et du député. Il est capable de se venger.
Face au chantage, Raoul Talpin consulte son suppléant Valabray. Il convient de régler le problème en évitant tout scandale. Sur ses deniers personnels, il paie une belle somme, donnant l’argent à Arlette qui sert d’intermédiaire avec le maître-chanteur supposé. Quand un colis piégé explose dans le bureau du député, comment ne pas y voir un lien avec la mort du doyen de l’Assemblée ? Vu le matériel utilisé, c’est plutôt du boulot d’amateur que l’œuvre de pros du terrorisme. La police déniche rapidement la piste d’Arlette, et c’est son fiancé Henri qui fait figure de principal suspect…
Raoul voulut plaisanter. Mais son rire sonnait faux. Et il se souvint de son ami, le docteur Rami, un éminent cardiologue, qui lui avait conseillé d’éviter les émotions fortes. Il entendait encore dans son oreille ses sages paroles : "Pour ce qui est des émotions, contente-toi de celles que t’occasionne la politique. Laisse les autres aux jeunes. Il y a un âge où il faut savoir regarder les desserts sans les consommer." Pour conjurer le sort, et peut-être fuir une pointe d’angoisse, Raoul Talpin but une nouvelle coupe et prit une autre tranche du gâteau dont parlait le praticien […]
Prétextant qu’il avait des rendez-vous très tôt dans la matinée, il décida de partir en promettant à sa maîtresse de l’inviter le lendemain à déjeuner à l’Assemblée Nationale. Chacun y trouverait son compte. Elle découvrirait cet endroit prestigieux. Quant à lui, il est toujours flatteur à son âge de se montrer en compagnie de jeunes et jolies filles.
En tant qu’auteur de polars, Gilbert Picard a eu un palmarès plutôt prestigieux : Prix du Roman d’aventures 1977, Prix du roman policier de Royan 1979, Prix Moncey 1984, Prix de la Ville d’Antibes 1986. De 1975 à 1983, ses livres furent publiés dans la collection Le Masque, puis ils parurent chez Fleuve Noir. Il y publia des romans d’espionnage et d’anticipation, la majorité de ses titres figurant dans la collection Spécial-Police jusqu’en 1987. Notons encore deux livres parus chez cet éditeur, dans la coll.Crime Story en 1993 : “Spaggiari, ou le Casse du siècle” et “Waco, la secte en feu”. Il s’agit de romans s’inspirant directement de ces affaires spectaculaires.
Le Palais Bourbon et l’activité parlementaire servent de toile de fond à l’intrigue de ce “Meurtre à l’Assemblée”. Rien de comparable avec ce que nous connaissons aujourd’hui ? Si, quand même ! Voilà une trentaine d’années, les 577 députés étaient aussi dissipés que nos actuels élus. Et les professionnels de la politique s’arrangeaient pour ne pas être trahis par leur électorat, apparaissant ponctuellement dans leurs circonscriptions. Il existait déjà un contexte terroriste, sans doute un peu différent de celui des années 2010, mais pas si éloigné. Pour l’essentiel, l’aspect criminel concerne ici davantage des faits privés qu’une affaire publique ou politique. Encore que, parfois, les frontières soient minces. Une solide petite intrigue policière, racontée avec clarté par un auteur confirmé de l’époque.