Il s’agit d’un recueil de nouvelles, dont le titre indique la thématique : il existe toujours un rapport avec un Musée. L’excellent Richard Migneault, apôtre de la littérature québecoise et fervent admirateur du polar francophone, a coordonné cet ouvrage qui réunit dix-huit auteures : Barbara Abel, Claire Cooke, Ingrid Desjours, Marie-Chantale Gariepy, Ariane Gélinas, Karine Giebel, Nathalie Hug, Catherine Lafrance, Claudia Larochelle, Martine Latulippe, Geneviève Lefebvre, Stéphanie de Mecquenem, Florence Meney, Andrée A.Michaud, Elena Piacentini, Dominique Sylvain, Danielle Thiéry et Marie Vindy. Pour ces rendez-vous avec les Musées, ce sont uniquement des femmes qui démontrent leur talent. Des Québécoises et des Européennes, car ce livre est conjointement publié en France par les Éd.Belfond et au Québec par les Éd.Druide.
Parmi les auteures choisies ici, certaines sont plus connues que d’autres. C’est pourquoi Richard Migneault dresse, après la nouvelle, un portrait personnel de chacune. Un regard à la fois précis et tout en nuances, sur ces dix-huit femmes. Sans oublier un hommage à une pionnière du polar québécois, Chrystine Brouillet, et une pensée pour notre défunte amie Patricia Parry. Toutes ces auteures possèdent un style et un imaginaire différents. À chacune sa tonalité, et son univers muséologique. Si ces lieux peuvent sembler austères, ils ont parfois un lien avec le crime. Voici quelques exemples de ces nouvelles, diverses et très réussies.
Danielle Thiéry – L’ombre d’Alphonse : Pionnier de la criminologie, Alphonse Bertillon a été agressé à son bureau. La première sur les lieux, c’est Alice, la guide du Musée de la police parisienne, au commissariat du 5e. Le décor dérangé, rien de bien grave. Alice découvre sitôt après le cadavre de Violette, assassinée. La victime était employée du Musée, mais surtout l’épouse du commissaire Malet. Peu avant qu’on retrouve le corps, l’agente de police Agathe a remarqué des détails pas si anodins. Toutefois, elle n’est pas enquêtrice. Comme la mort de sa femme ne va pas modérer l’irascible Malet, Agathe estime qu’il vaut mieux garder profil bas. Pourtant, elle risque bel et bien d’être confrontée à l’assassin…
Elena Piacentini – Dentelles et dragons : Trentenaire, Simon vit dans le Nord de la France. En privé, il est fasciné par les ouvrages en dentelle, autant que par les préparations culinaires sucrées. Si c’est héréditaire, Simon n’en sait rien, car il fut un enfant adopté. Ce dont il se fiche depuis toujours. Mais les hasards de l’existence s’en mêlent, quand la jeune Ania le contacte. Judith, la mère biologique de Simon, est moribonde. Il est encore temps pour qu’elle lui révèle ses origines. Outre le coup de foudre entre Ania et Simon, la situation aura des conséquences plus dramatiques. À Caudry, un Musée symbolise l’obscur passé que Simon se doit d’éliminer. Peu de danger qu’il soit suspecté.
Andrée A.Michaud – Mobsters Memories : Quand vous êtes pourchassé par le caïd Latimer et ses sbires, pour une histoire de femme fatale, mieux vaut se planquer. Par exemple, à l’intérieur de ce Musée présentant une expo sur le grand banditisme américain et ses mafieux légendaires. Al Capone, Meyer Lansky, Bugs Moran, toute une époque ! Il y a là une animation pleine de bruit et de fureur, à l’image de la vie de ces truands d’autrefois. Une ambiance digne des romans de Raymond Chandler. Latimer restant à ses trousses, il doit se comporter tel un dur-à-cuire, ne pas lésiner sur les coups violents. Au risque de causer des victimes collatérales, c’est sûr. Finalement, pourquoi ne pas rêver d’être l’égal d’Humphrey Bogart ?…
Dominique Sylvain – Le chef-d’œuvre : Au Japon, Jungo Hata a une longue carrière de yakuza derrière lui. Cet exécuteur de sang-froid vient d’apprendre qu’un cancer va très prochainement l’emporter. Ce n’est pas tant sa fin qui le tourmente, c’est sa peau. Car Jungo est, en quelque sorte, une œuvre d’art sur pieds. Il est ami depuis leur enfance avec Katsu, qui l’a tatoué sur tout le corps. Katsu figure parmi les meilleurs experts japonais en la matière. Malgré tout, Jungo a peut-être une chance d’obtenir une notoriété post-mortem, grâce à la jeune Annabelle. Finir dans un Musée, ce n’est pas un projet si saugrenu qu’il y paraît. Mais un meurtre va changer le cours des choses…
En sortant du taxi, à l’aéroport Montréal-Trudeau, Duquesne aperçut un véhicule de la Sécurité du Québec et deux ou trois autres voitures de la Gendarmerie royale du Canada. Voilà le comité d’accueil, se dit-il. Qu’attendaient-ils ? À moins qu’il se trompe complètement, ils étaient ici non pas pour cueillir les "objets de grande dimension" comme lui avait dit son contact, mais pour parler à ceux qui transportaient ces objets, et il y avait fort à parier que c’étaient les gars de Da Vinci. Les enquêteurs étaient donc arrivés aux mêmes conclusions que lui, ce qui accréditait sa thèse. Il passa les portes. À l’intérieur, il se retrouva face-à-face avec Latendresse qui faisait les cent pas, un téléphone rivé à l’oreille. Voilà pourquoi il n’était pas parvenu à le joindre. Le journaliste n’avait aucunement l’intention de se faire discret. Il se planta devant lui. En l’apercevant, le policier raccrocha. (Catherine Lafrance, “Le Christ couronné d’épines”)
Stéphanie de Mecquenem – La mystérieuse affaire du codex maya : Tiphaine Dumont est coroner au Québec. Elle accompagne à Venise son ami et complice sir James Jeffrey, pour un congrès d’épigraphistes, la passion de ce dernier. Lors d’une visite au Palais des Doges, Ferdinand de Brassac – président de ce congrès – semble pris d’un malaise et fait une chute mortelle. En réalité, c’est un empoisonnement à l’arsenic qui est cause de sa mort. Dès la veille au soir, Tiphaine et sir Jeffrey avaient senti une certaine tension autour de la victime. Le cahier où figurait sa théorie sur un codex maya avait été égaré. En outre, le décryptage de codex est une activité fort coûteuse. Pour quels vrais motifs l’a-ton tué ?…
Barbara Abel – L’Art du crime : Grande soirée de vernissage au Musée d’Art Contemporain, où sont exposées les nouvelles œuvres de Vera Charlier. Si c’est la consécration pour cette artiste, son amie Louise n’éprouve aucun plaisir à participer à l’événement. Elle n’est là que pour accompagner son mari Denis Moretti, maire de la ville. Que Denis ait été l’amant de Vera Charlier par le passé, c’est une secret de polichinelle dans la région. Le trio qui s’affiche ensemble, ça fera sûrement jaser. Toutefois, Louise a une autre sérieuse raison de se sentir mal. Si elle en parle à Denis, cela aura des conséquences désastreuses pour elle. À cause de l’ambiance oppressante, il est préférable que Louise s’isole quelque peu…
Marie Vindy – Charogne : Même une policière expérimentée, près de vingt-sept ans de métier, peut s’avouer troublée par une scène de crime. Ça se passe dans le logement de fonction d’un minuscule Musée, dans une bourgade rurale. Un couple a été abattu en plein acte sexuel. Aline et Samuel, amants tragiques trentenaires, font penser à une estampe de Rodin. Elle était mariée à un notable local. Lui état le conservateur de ce tout petit Musée. Unis dans la mort, romantisme meurtrier. Duo beau et émouvant. Tableau obsédant qui méritera une séance chez la psy. Pour la policière, impossible de chasser de son esprit cette funeste scène, de se concentrer sur l’enquête. D’autant que le principal suspect possède un très bon alibi…
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