Le quadragénaire William Carvault est agent immobilier à Bourges, métier qu’il exerce avec un dilettantisme certain. Ce Berruyer fut naguère policier, viré à cause de méthodes exagérées. Il s’essaya comme détective privé, mais les écarts adultérins finirent par lasser cet homme d’action. Aujourd’hui, Wiliam est en couple avec Heike Ziegler, commissaire de police à Bourges. Ils viennent d’avoir un bébé, Jan. Originaire d’Alsace, sa compagne reste très alémanique par son caractère affirmé. Quant à William, l’esprit jeune père de famille, ce n’est pas tellement son sujet. Tiraillements sévères dans le couple, donc. Du côté de son meilleur pote, ça ne va guère mieux. Depuis que sa petite amie l’a largué, Roger a du vague à l’âme. Un peu de mouvement dans sa vie, de violence même, lui ferait du bien.
Tandis que Heike enquête sur une série de meurtres de femmes, martyrisées avant d’être tuées, William est contacté par Youssef Bekkouche et Djamila, qui habitent non loin de chez lui. Mourad, le demi-frère de la jeune femme, a récemment disparu avec un ami. Il est à craindre qu’il soit parti pour le djihad en Syrie. Lorsque William explore l’ordinateur de Mourad, il y retrouve des vidéos de tortures infligées à leurs ennemis par des islamistes. Les inquiétudes de Djamila et Youssef semblent se confirmer. Avec Youssef, William s’invite à la mosquée. Il est fort possible qu’un imam autoproclamé, El Zarbi, ait incité Mourad à partir en guerre. L’influence de ce "religieux" (qui se prénomme Killian, en réalité) est assez relative, il a plus l’air d’un ringard que d’un spécialiste des sourates.
Bonne occasion pour Roger de se remonter le moral, en aidant William à secouer quelque peu l’imam El Zarbi. S’il n’est pas sans lien avec des djihadistes, il ne connaît guère Mourad et son ami. Par contre, grâce à une photo, une piste se dessine du côté de la Belgique. Heike étant absente pour cause d’enquête, voilà William contraint de s’occuper du petit Jan. Djamila et Youssef souhaitent qu’il poursuive ses investigations à Bruxelles, quitte à ce qu’eux-mêmes se chargent du bébé. Il vaudrait mieux que Heike n’apprenne jamais cette initiative, effectivement assez hasardeuse. Direction l’outre-Quiévrain pour Roger et William, qui n’ignorent pas que des bases arrières du terrorisme se situent en Belgique.
Mis à part un énergumène tatoué rencontré dès leur arrivée, William et Roger trouvent sans tarder un témoin, l’employée d’hôtel Maria, qui a croisé – et même donné un coup de main à – Mourad et son ami. Elle ne les a pas trouvés dangereux, animés de motivations terroristes. Il semble que le tueur de femmes sévissant dans la région de Bourges ait, lui aussi, fait le voyage jusqu’à Bruxelles. Malgré son courage, Roger ne peut l’intercepter ; il est même blessé par le criminel. Si son pote (qui a dégoté une copine pour l’héberger) ne peut rentrer immédiatement en France, William est prié de retourner dans son pays. Il a encore des questions à poser au pseudo-imam El Zarbi…
Je préfère ignorer pour ne pas relancer les hostilités. Le tatoué n’a rien entendu et se croit maintenant obligé de nous faire la conversation dans un sabir personnel où il mélange joyeusement le français, l’anglais et le batave agricole. C’est assez dur à suivre et je dois parfois me reculer un peu pour éviter son haleine acidifiée par les nombreuses bières qu’il a dû ingurgiter. Si j’ai bien compris, il est question d’un voyage unique – et inique – qu’il a fait en France dans sa jeunesse… Il est arrivé Gare du Nord, et là… terrific, mijn god, des putains et des negers partout. Comment tu supportes ça ? Zonde overal… le péché partout !
On n’est pas convaincus que des terroristes, quel que soit leur combat, soient dotés d’un grand sens de l’humour. On est "priés" de ne pas plaisanter sur leurs croyances. Il est vrai que le sujet n’a rien de comique, s’agissant d’attentats barbares. Néanmoins, Luc Fori montre qu’il est possible de traiter la question avec le sourire. C’est donc sous forme de "comédie policière" qu’il évoque les djihadistes. Que des fanatisés soient extrêmement dangereux, c’est sûr. Ceux-là trouveraient n’importe quel prétexte pour pratiquer la guérilla et exterminer des gens, dans un esprit kamikaze, on le sait. La riposte ne peut qu’être aussi "radicale" que leurs attaques.
Problème ultra-sensible, personne ne dira le contraire. On peut également présenter les choses avec une drôlerie sympathique, dans un roman à suspense où prime l’action avec ses péripéties débridées. L’auteur revendique une poésie à la Prévert, l’idée rabelaisienne de jouir de la vie, et des aventures agitées héritières de Frédéric Dard/San-Antonio. Le précepte qu’il a adopté est donc “Faites l’humour, pas la guerre”. Évoquer des thèmes très sérieux et le contexte actuel de cette façon amusée, c’est une excellente chose. Voilà un roman à conseiller !