La revue trimestrielle “Quinzinzinzili” n’a pas pour unique but de rappeler le parcours de l’universitaire Régis Messac (1893-1945). L’Entre-deux-guerres fut une période charnière de notre Histoire. Face aux coalitions antisémites, royalistes, catholiques, aux groupuscules attaquant les Francs-Maçons ou vantant les mérites de l’hitlérisme, bon nombre d’intellectuels – souvent pacifistes tel Messac, s’interrogent sur l’avenir de la France dans ce climat trouble et virulent. Contributeur de la revue "Les Primaires", Régis Messac se fait l’écho des livres alors publiés, intrigues policières ou traitant de sujets sociaux et idéologiques. Comme la plupart d’entre eux l’avaient prédit, arrive la 2e Guerre Mondiale. À Coutances où il habite, Régis Messac continue à lire – mais ne peut rien publier, et à échanger des courriers avec son fils Ralph. Ce n°33 de la revue “Quinzinzinzili” nous en offre quelques exemples. Bientôt, Messac sera envoyé en camps de concentration : il disparaîtra dans le chaos de leur débâcle en 1945.
Dans ce n°33, “Quinzinzinzili” consacre l’essentiel de ses pages aux années de guerre. Outre le destin et les écrits sur la "question juive" du trotskiste Victor Serge, évoqués dans un article du regretté Jean-Louis Touchant, on s’intéresse ici à quelques écrivains "collaborationnistes", ainsi qu’on les qualifia en ce temps-là. Si des artistes de cinéma ou de la chanson se mirent au service du régime de Pétain et de l’occupant nazi, des auteurs adoptèrent également une position peut-être condamnable. L’historien Henri Amouroux plaida qu’il y eut “Quarante millions de pétainistes”, oubliant que quantité de Français patriotes s’opposèrent dans l’ombre et par leurs actions au totalitarisme nazi. Par contre, des éditeurs tel Robert Denoël et des écrivains tel Jean de la Hire n’hésitèrent pas à profiter de ces heures sombres. La propagande prit des formes diverses, y compris par le biais de la science-fiction. Il ne s’agit pas de dresser une liste exhaustive dans ce numéro, mais d’en citer quelques cas.
Une des personnalités les plus ambiguës de cette période se nommait René Bonnefoy. Rédacteur-en-chef d’un journal appartenant à Pierre Laval, hostile au Front Populaire et à tout réformisme démocratique, René Bonnefoy suit son mentor dans sa carrière politique. Quand Laval arrive à la tête de l’État Français, c’est à Bonnefoy qu’il confie la mission d’instrumentaliser l’information. Simple fonctionnaire effectuant le travail qui lui était demandé, comme se défendirent les collabos du genre Maurice Papon ? Si la censure et le propos propagandiste furent plus rassembleurs qu’agressifs, Bonnefoy fut probablement un des plus zélés valets du pouvoir. Puis le sinistre Philippe Henriot, qui eut la mort que méritait sa haine, lui succéda pour haranguer les foules. À l’issue de la guerre, René Bonnefoy devint – sous le pseudonyme de B.R.Bruss – un auteur de la collection Angoisse, aux Éd.Fleuve Noir. Il utilisa par ailleurs d’autres pseudos.
Quatre livres récents (dont une réédition) proposent un regard sur la France de 1940. Anne Gabriel signe des chroniques sur ces livres d’Emmanuel Pierrat, Philippe Druillet, Jacques Decour et Henri Bellamy. Franc-maçonnerie, témoignage concernant la vie sous l’occupation, mais on en apprend davantage (non sans surprise) sur les origines du dessinateur très connu qu’est Druillet… Par ailleurs, il est aussi question de Pierre Benoit, qui fut Académicien Français. Si son “Kœnigsmark” reste le célèbre n°1 du Livre de Poche, c’est “L’Atlantide” qui fit sa gloire. Un roman aux allures coloniales, que Régis Messac n’apprécia guère. [Ceux qui l’étudièrent étant scolaires n’en gardent sans doute pas non plus un si bon souvenir]. Un article d’époque (1932) évoque le film que G.W.Pabst tira de cet ouvrage, plus convaincant qu’une précédent version signée Jacques Feyder.
Chaque numéro de la revue “Quinzinzinzili” coûte 7€. On peut s'y abonner en s'adressant à la Société des Amis de Régis Messac (71 rue de Tolbiac, Paris 13e). À Paris, cette revue est disponible chez plusieurs libraires. Les romans et autres écrits de Régis Messac sont réédités aux éditions Ex-Nihilo, 42bis rue Poliveau, Paris 5e. Il publia plusieurs livres dont "Quinzinzinzili" (qui donne son titre à la revue), "Le miroir flexible", "La cité des asphyxiés", "A bas le latin !", "Valcrétin", "La loi du Kampilan". Sans oublier sa thèse “Le «detective Novel» et l'influence de la pensée scientifique”, rééditée chez Les Belles Lettres, Prix Maurice Renault 2012 de l’association 813.