Début des années 1980, les opérations qu’il organise s’avèrent généralement fructueuses pour cet aventurier maniant volontiers les armes. En Franche-Comté, il s’agit de braquer un homme par ailleurs honorable qui va passer en Suisse une grosse somme d’argent. Il est à craindre que l’intéressé ne survive pas, l’essentiel étant de récupérer le butin. Il est probable que le commanditaire du trafic vers l’Helvétie, Roman Markos, envoie quelques tueurs à ses trousses. Mais notre héros s’est déjà carapaté vers la Belgique, goûtant aux charmes de la ville d’Ostende. Le hasard faisant bien les choses, il y rencontre la superbe Michelle Le Troadec, une blonde distinguée. La jeune femme et lui sont bientôt cibles de coups de feu, auxquels la belle Michelle riposte, car elle est aussi armée.
Ce n’est pas à Bruges, où s’est réfugié le couple, qu’ils trouveront la tranquillité. Face à de vils tueurs rôdant autour d’eux, l’aventurier appelle à la rescousse son ami Dominique. Ce dernier est assez aguerri pour les extirper du pétrin, avant de les accueillir chez lui et sa fille Charlotte. Les déboires de Michelle semblent avoir un lien avec Roman Markos et le paquet de fric volé au passeur, en Franche-Comté. Contre une attaque-surprise au lance-roquettes, il n’est guère possible de résister. Dommage pour Dominique et sa fille. Quant au couple, il file vers le Luxembourg, puis s’arrange pour regagner la France. Michelle finit par lui expliquer son rôle dans cette nébuleuse affaire. Outre Markos, des personnes très haut-placées paraissent impliquées dans ces mouvements d’argent frauduleux.
Du côté d’Épinal, dans les Vosges, deux motardes brunes s’intéressent de trop près au couple. Ces tueuses pros n’ont pas été engagées par Markos. Notre héros se débarrasse de l’une, mais la seconde – Delphine Van der Hallen – n’a pas dit son dernier mot. C’est dans les hauteurs alpines savoyardes que le couple se pose, chez Michelle Le Troadec. Obtenir sous la menace des aveux écrits du magistrat qui protège les combines de Roman Markos n’est pas tellement difficile. Fin de la carrière sur cette terre du procureur véreux, Delphine s’en charge. À cette occasion, le type d’un chalet voisin aurait mieux fait de ne pas intervenir, il serait encore vivant. Pas moins attirante que la blonde Michelle, la brune Delphine change de camp et devient une précieuse alliée pour notre aventurier.
Si l’on en croit la veuve du défunt magistrat, tout cela prendrait une tournure politique. La petite enquête de Delphine et de son compagnon les mènent jusqu’à Cassis, dans une société de transport plus que suspecte. C’est ainsi qu’apparaît un nom, bien connu pour Michelle : un personnage pervers qui fraie avec un marquis italien adepte de la nostalgie fasciste et nazillonne. Un détour par Rome s’impose pour Delphine et l’aventurier. Comme ce dernier, on peut être un voleur, tout en détestant les fanatiques visant la destruction de la démocratie. Cette tortueuse affaire risque de causer encore quelques morts brutales…
Elle en savait des choses, la jeune personne. Je commandai un autre demi en me demandant où elle avait appris à distinguer une fausse carte d’identité d’une vraie. Surtout que, dans le cas présent, ça n’avait rien d’évident. Il faut, comme moi, en avoir utilisé de nombreuses pour trouver le défaut. Ou alors, il faut être flic.
Ça me traversa le crâne comme ça. Ou alors, il faut être flic. Mais les flics sont gros, laids, bêtes, du genre masculin et vont toujours au moins par deux. Ils ont des armes réglementaires et pas des objets de collection De toutes façons, personne ne leur paye des BMW 728i. Ils ne lient pas conversation avec n’importe qui. Bref : ça se repère, on pige tout de suite, on comprend. Poursuis, tu verras bien, disait une voix. Elle n’en a pas l’air, mais certainement elle est très paumée. Ça ne me paraissait pas. Mais alors, pas du tout. Elle avait l’air songeuse, suçotant le bord de sa tasse...
Merci à l’écrivain Jérôme Leroy d’avoir honoré la mémoire de Kââ (1945-2002) dans cette collection, "La petite vermillon". Ce romancier fut un de nos plus remarquables auteurs de noirs polars, même si l’on fait plus souvent l’éloge d’autres parmi ses contemporains. Quel régal de retrouver ses ouvrages ! Kââ fit preuve d’un talent exceptionnel. Avec lui, on ne s’attarde pas sur les états d’âme des protagonistes. On glisse bien vite sur des hypothèses qui se confirmeront ou pas. C’est du récit coup-de-poing qu’il nous propose. Encore qu’on s’y défende moins par le pugilat qu’à coups de feu en rafale. Ça dézingue avec des armes de précision, des flingues de compétition. Le héros anonyme n’a quasiment pas le temps de prendre du repos, aucun répit ne lui étant accordé. Enfin si, pour s’essayer à quelques galipettes érotiques avec ses belles partenaires, Michelle et Delphine, quand même.
Tout homme d’action qu’il soit, notre aventurier est quelqu’un de cultivé, de raffiné. Ce sont seulement les circonstances qui l’entraînent à oublier la philosophie pour brusquer des adversaires pas assez loquaces, pour revolvériser de fâcheux ennemis… Certes, ce roman fut publié initialement en 1984 chez Spécial-Police, aux Éd.Fleuve Noir. Il serait absurde de penser que, placée dans un contexte quelque peu ancien, cette intrigue aurait vieilli. Les modèles des puissants véhicules cités ont changé, mais la violence des truands et les magouilles politico-financières restent de mise. Cette réédition est une excellente initiative, répétons-le.
“La princesse de crève” de Kââ est un polar grandiose au rythme effréné, un bonheur pour les lecteurs d’histoires mouvementées.
— Disponible dans la coll.La petite vermillon, dès le 9 mars 2017 —
Kââ : un hommage, trois romans - Le blog de Claude LE NOCHER
Kââ fut assurément un écrivain singulier et libre qui mérite d'être réédité, lu et apprécié par les lecteurs actuels. Pourquoi ne fut-il pas reconnu comme un grand maître du roman noir ...
http://www.action-suspense.com/article-kaa-un-hommage-trois-romans-43914796.html
Cliquez pour ma chronique sur plusieurs autres romans de Kââ.
commenter cet article …