À l’origine, c’est à l’orphelinat Saint-Gabriel que se forma cette "famille". William Malone, surnommé Boo, et Darrell McCullough, qu’on appela Junior, y devinrent des frères pour la vie. Il y avait aussi Twitch, aux capacités surprenantes, et Ollie, le plus fragile d’entre eux. Leur union les souda face à un costaud pervers de leur âge tel que Zack Bingham. Depuis, vivant tous à Boston, ils restent proches. Boo et Junior ont monté une petite société de sécurité. Rien d’aussi prestigieux que leurs concurrents de l’IronClad Security, qui bossent pour le caïd Ian Summerfield, patron de boîtes de nuits sélects. Boo et Junior exploitent aussi un club, le Cellar. Clientèle alcoolo-rock’n’roll, qu’ils ont intérêt à maîtriser. Avec ses cent kilos, Boo fait généralement le poids pour calmer la faune des excités.
Ayant été blessé à une jambe dans une précédente affaire, Boo boitille quelque peu, et ça l’handicape en cas de baston. C’est ainsi qu’il se fait humilier lors d’une sévère bagarre par Marcus, de l’IronClad, et par Summerfield. Double honte pour Boo, car son ex-petite amie Kelly Reese fricote en ce moment avec le mafieux en question. Par ailleurs, la serveuse du Cellar, Ginny, a besoin d’un coup de main. C’est sa coloc Dana qui est harcelée par son ancien petit copain, Byron Walsh. Ce musicien de jazz plus ou moins junkie veut récupérer les objets lui appartenant, laissés chez Dana et Ginny. Sûrement des trucs plus précieux que sa trompette et quelques frusques, peut-être de la drogue. Boo et Junior s’arrangent pour piéger et secouer le nommé Byron avec une bonne dérouillée, aussi solide soit-il.
Boo et Junior s’aperçoivent que Dana n’est pas "une" colocataire, c'est un homme. Byron et lui sont gays. Depuis sa jeunesse, Junior a des raisons de se montrer homophobe, Boo l’admet. Dans l’immédiat, il faut riposter lorsque les gros bras de l’IronClad reviennent à la charge. Twitch a anticipé ce genre d’embrouille, tous les quatre – y compris Ollie, moins impliqué – se replient au Cellar. C’est là qu’apparaît le cinquième mousquetaire de Saint-Gabriel : Brendan Miller, surnommé Underdog. Il est devenu inspecteur de police. Même si c’est leur ami, il vient faire son job de flic. Byron Walsh a été retrouvé mort après avoir été copieusement frappé. Boo et Junior l’ont cogné, pas tué. Sauf qu’un indice désigne formellement Junior, bientôt arrêté. Un cas de meurtre homophobe, c’est du sérieux.
La menace reste forte autour de Ginny et Dana. Leur appartement va être le théâtre du meurtre d’un policier, abattu par Twitch en présence de Boo. Peu importe que la victime ait été vraiment flic ou pas, il faut rapidement se débarrasser du cadavre. Heureusement, les gangs irlandais locaux disposent d’un service de déménagement assez efficace. Même si Boo fait appel à eux, il y aura comme toujours des complications. Parfois, le courage est dans la fuite. Il finit par découvrir plusieurs choses. Ce que cherchait Byron dans l’appart’ de Ginny et Dana. Que la chanteuse du club de jazz Blue Envy n’est pas ce qu’elle semble être. Et pas mal d’autres détails important sur tout ce qui est lié à la mort de Byron…
Alimentée par ma colère et ma tristesse générale, l’idée persista tandis que je m’étendais au maximum sur le petit canapé deux places qu’on avait trouvé dans la rue. Un meuble plus grand n’aurait pas tenu dans l’espace exigu que nous appelions un bureau. Une table placée dans la réserve d’alcools ne fait pas un bureau, mais un canapé aidait. Je posai ma tête sur le côté qui sentait le moins la pisse de chat et fermai les yeux.
Je repensai à ce qu’avait dit Luke. J’étais content qu’il ne me considère pas comme un mauvais garçon, même si le reste du monde ne semblait pas d’accord. Je ne parlais pas de moi en particulier, mais Luke avait asséné une autre vérité. Je n’incarnais peut-être pas les ténèbres ordinaires, mais j’aurais pu en être un avant-goût. Par chance pour mes démons et mon esprit imbibé de whisky, mon portefeuille me rentrait dans le cul, donc je le retirai de ma poche…
Dans le roman noir américain, il existe une tradition moins souvent respectée aujourd’hui, celle des scénarios à la fois percutants et jubilatoires. On aime le suspense psychologique ou sociologique, voire ethnographique avec ces bouseux de "rednecks". Mais on adore tout autant, peut-être davantage, les tribulations tumultueuses et drôles vécues par des héros confrontés à des situations critiques incessantes. Avec “Une affaire d’hommes”, nous voilà en plein dans ce genre d’histoires. De la castagne, du bourre-pif, de la bastion endiablée, c’est encore le meilleur moyen de régler certains différends. Une bonne "mise aux poings" assaisonnée d’une grosse dose d’adrénaline, ça défoule franchement même si l’on sait que ça ne solutionne rien. Nos protagonistes prennent des coups en tous genres, mais il ne sont pas avares pour en distribuer également. Pas de temps mort, de l’action !
On peut supposer que Todd Robinson est un véritable adepte de la "culture polar". S’il en a saisi les codes, s’il a choisi ce tempo effréné, c’est qu’il connaît fort bien ses classiques. En témoigne ce passage : “La petite voix qui me harcelait dans ma tête et qui avait lu trop de romans d’Ed McBain avait besoin de savoir […] J’ai bien mérité au moins un burrito en remerciement d’avoir récupéré le paquet. Voilà ce que me disait la voix qui avait lu toutes les aventures de Travis McGee par John D.MacDonald.” Ceci démontre qu’il ne suffit pas de savoir raconter, mais que posséder des vraies bases est un atout supplémentaire.
Ce qui n’empêche nullement de développer un style personnel, on le constate ici. C’est Boo Malone qui raconte, avec une belle part d’autodérision, les mésaventures traversées par ses potes et lui-même. Dans le pétrin, ils y sont jusqu’au cou. Leurs muscles peuvent les aider à ne pas sombrer, mais un brin de réflexion n’est pas à exclure. Des péripéties agitées et souriantes, où l’humour s’appuie sur une intrigue criminelle structurée. Un régal pour les lecteurs de noirs polars super-rythmés.
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