Jess Carano et Shayma Benzema sont des amies, pratiquantes d’arts martiaux au Fighting Club de Colombes. Ce qu’elles préfèrent, c’est le Mixed Martial Arts (MMA), un sport de combat où tous les coups sont permis. Officiellement, c’est interdit en France, sauf que les initiés – hommes ou femmes – se rencontrent pour de discrètes compétitions. En ce mois de juin, un duo de Japonais est venu sélectionner en France quelques sportives en vue d’un tournoi de MMA au pays du soleil levant, début juillet. Le nommé Kimura choisit Jess et Shayma, qui feront partie des huit championnes invitées par la société organisatrice. Les deux amies débarquent bientôt au Japon, pays dont Jess est une grande admiratrice.
L’élégant Kimura se montre d’emblée très strict sur le règlement. Il n’est plus question de dialoguer entre les compétitrices. Les jeunes femmes sont numérotées en fonction des combats prévus et passent une sorte de visite médicale. Jess réalise vite qu’on les traitent comme des cobayes, ce que son esprit rebelle accepte mal. Pour l’heure, il lui est difficile d’échanger son sentiment avec Shayma. La part touristique du voyage est brève, avant le premier combat, que l’une et l’autre dominent sans problème. Néanmoins, pour Jess, il n’est pas inutile de s’entraîner avec Kimura en vue du second affrontement. Camille Saint-Pierre a de la technique et de la puissance, elle n’est pas une adversaire facile à battre.
Kimura n’avait pas sélectionné par hasard Shayma et Jess. Elles sont effectivement les meilleures, même si seule l’une d’elles gagne en finale. Elles vont croiser le jeune Arthur Legendre, aspirant journaliste expatrié, qui va jouer un rôle certain dans la suite de leurs aventures. Quand Shayma disparaît après qu’elles se soient disputées, Jess s’inquiète à juste titre. Bien sûr, Kimura cherche avec elle où est passée son amie, mais la sportive a des raisons de penser qu’il ne fait pas le maximum pour retrouver Shayma. Kimura doit rendre des comptes au grand patron de cette opération, qui se montre très mécontent de la tournure prise par l’affaire. Rien ne doit faire obstacle à l’objectif qu’ils se sont fixés.
L’intrépide Jess peut compter sur Arthur, quand elle décide de retourner dans les locaux où s’est déroulée la compétition de MMA. Aussi déterminée et combative que soit Jess, le duo n’est certainement pas assez fort pour vaincre ceux qui ont déployé tant de moyens dans un but précis. Arthur risque d’être le premier a en faire les frais. Malgré tout, même si elle est encore traquée, Jess obtient un soutien inattendu. Si Shayma et elle parviennent à se dépêtrer des traquenards et rentrent en France, tout cela est-il véritablement terminé ?…
Trop tard, son adversaire fond sur elle et la plaque au sol. Les rares passants, surpris et choqués, s’écartent et appellent à l’aide, impuissants. Jess tente de prendre l’avantage avec une clé au bras mais l’homme, fort et souple, s’y connaît et ne se laisse pas faire. Même si la fatigue de ces derniers jours l’a terriblement affaiblie, l’envie de vivre prend le dessus, lui permettant de se défaire de son emprise. Elle se relève d’un bond et se met à courir. Il est encore à quelques mètres d’elle.
Une station de métro. Elle s’y engouffre. Ses pas rapides résonnent dans l’atmosphère ouatée des transports en commun. La foule s’intensifie, et avec elle l’indifférence, ils ont le regard ensommeillé ou rivé sur leurs petits écrans. Si Jess a du mal à se frayer un passage, son poursuivant semble avoir encore plus de difficultés à la rejoindre…
Le format poche, ce sont aussi des inédits, dans la veine des collections ayant de longue date popularisé le polar (telles la Série Noire ou le Fleuve Noir). On aurait grand tort de sous-estimer les romans paraissant initialement en "poche", parfois regardés avec dédain. Ce “Fight Girls” en apporte une preuve éclatante, car il développe à la fois le fond et la forme. Intrigue criminelle, ça va de soi, puisque les héroïnes de l’histoire se trouvent impliquées dans des péripéties énigmatiques, affrontant des périls face auxquels leurs capacités sportives ne suffisent probablement pas. On remarque que le récit est structuré avec habileté, et surtout raconté avec une splendide fluidité.
Si Marie-Alix Thomelin "tient" parfaitement son scénario, c’est qu’elle sait parfaitement de quoi elle parle. On constate, à travers Jess, la fascination de l’auteure pour le Japon. Ce qui inclut une part d’idéalisation de ce pays, peut-être, mais sans caricature exagérée. Et avant tout, elle nous initie à ce sport de combat intense qu’est le MMA, ou free-fight. On n’est pas dans l’aspect hypocritement sexualisé du catch féminin à l’Américaine. On sent que ces jeunes femmes – distribuant des coups autant qu’elles en reçoivent – sont passionnées par ce sport, aussi violent soit-il. Une manière de trouver leur équilibre à une période donnée de leur vie, c’est ce que l’on peut discerner dans leur démarche. “Fight Girls” n’est pas juste un petit polar sympathique, mais un roman très enthousiasmant.