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16 juin 2016 4 16 /06 /juin /2016 04:55

À Porto, Mário França se définit comme “le plus grand détective du monde”. Ce qui paraît très exagéré à l'inspecteur-chef Consciência de la PJ, se pensant lui-même bon enquêteur. Il est vrai que, si Mário França et son équipe “d'assistants” ne paient pas de mine, ils savent se montrer efficaces. Lors d'une cérémonie à l'église de Lapa en présence d'officiels locaux et d'une délégation venue du Brésil et d'Uruguay, le détective vient d'être témoin d'une affaire doublement énigmatique. D'abord, l'urne contenant la relique du cœur du roi Dom Pedro IV a disparu. En parallèle, l'architecte Jorge Vinagre – l'organiste de l'église – est décédé subitement, en apparence de mort naturelle. S'il n'a pas encore de client pour ces deux affaires, Mário França s'informe sur l'histoire du Portugal au 19e siècle, afin de situer la portée de la disparition du cœur royal.

Peu après, trois clients engagent le détective, chacun lui signant un gros chèque. La Confrérie de Lapa et la délégation sud-américaine veulent retrouver la relique. Quant à la petite-amie de l'architecte-organiste, Sofia Almagre, elle soupçonne un meurtre. Après la mise en action de son équipe, Mário França assiste à une soirée mondaine chez les Falcão, famille du roi du textile. Un moyen d'approcher la haute-société. Dès le lendemain, le détective se retrouve “dans une voiture de la Judiciaire, escorté voire harcelé par un gradé qui a une tête de tortue, un sans-grade qui mastique un chewing-gum, et une Procureure du ministère public avec un corps qui pousse au crime et des yeux de chatte castrée.” Le policier Consciência et la procureure Gabriela Seisdedos sont confrontés au décès suspect de Kid Tranquilo, champion de poker.

En fait, ce jeune homme n'est autre qu'Hélio Vilas, fils du roi de l'industrie du liège. S'il gagnait beaucoup, il claquait surtout énormément d'argent. Comme pour Jorge Vinagre, l'autopsie reste incertaine sur la cause de sa mort. À part régler un conflit avec le gang de Valbom, des petits voyous, Mário França doit admettre qu'il ne progresse guère. Certes, la police opère une descente au club "Le Petit Enfer" de DJ Case, fils de la famille Falcão et l'associé du défunt Kid Tranquilo. Mais les investigations du détective vont le mener de Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne) jusqu'à Montevideo (Uruguay), sur la piste d'un trafiquant de reliques rarissimes. Devenu l'amant de Gabriela Seisdedos, Mário França interroge aussi Vera, la petite-amie du champion de poker, ou le comte d'Amial, industriel dont le titre de noblesse n'est que relatif.

Ayant empêché un suicide du haut du pont Dom Luis, le détective commence bientôt à y voir plus clair dans les petits et grands secrets des protagonistes. C'est au tribunal de la Relação, où le policier Consciência accuse des coupables erronés, que le détective va publiquement désigner les véritables responsables des crimes…

Miguel Miranda : La disparition du cœur des symboles (L'Aube Noire, 2016)

Force est de reconnaître que Mário França a plutôt l'air d'un fouineur dilettante que d'un détective expérimenté. Avec lui, on flâne dans Porto, de l'église de Lapa jusqu'au Mur des Morutiers, sur la rive du Douro. On s'accorde une pause au café Astória, face à la Place de la Liberté. On s'invite dans les propriétés viticoles produisant le fameux vin, ou chez les industriels de la région. On voyagera même de Galice en Amérique Latine. Au gré de ses pérégrinations, le "privé" n'est pas sans collecter moult informations, sans imaginer des hypothèses pas si farfelues. Et même si son équipe de déclassés ne semble pas brillante, il s'agit d'assistants jouant chacun un rôle fort utile. Quant au pigeon Gandolino, amateur de chips aux crevettes, il déjoue l'espionnage informatique qui viserait Mário França.

C'est avec beaucoup d'humour, teinté de malice et de dérision, que Miguel Miranda nous raconte les aventures de son héros dans ce délicieux roman d'enquête. Un excellent suspense, auquel s'ajoutent ça et là de beaux moments de poésie. Y compris dans les cauchemars du détective : “C'est pour cela que je déteste la nuit. Les sons enflent, le bureau semble habité par des faunes, des êtres ailés, par d'autres qui rampent – des âmes en peine, une légion démoniaque convoquée par l'obscurité… C'est un être vivant, j'en suis sûr. J'habite ses entrailles, comme Jonas habite celles d'une baleine.” Fidèle à la meilleure tradition, c'est en présence des suspects réunis que la vérité sera faite. Un vrai régal !

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commentaires

P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> Ce n'est qu'une coïncidence, mais vous chroniquez un auteur qui s'appelle Miranda alors que c'est le cinquantième anniversaire de l'arrêt de la Cour Suprême des Etats-Unis Miranda vs Arizona ( 1966 ).<br /> Vous savez, ce célèbre arrêt qui reconnaît des droits aux personnes arrêtées par la police comme suspectes d'un crime ou délit, qui doivent leur être lus - et qu'on entend dans des films et séries télé américaines - :<br /> " Vous avez le droit de garder le silence. Si vous parlez, tout ce que vous direz pourra être et sera retenu contre vous. Vous avez le droit à un avocat. Si vous n'avez pas les moyens d'en engager un, le tribunal vous en désignera un d'office. "<br /> Je sais que comme moi vous vous tenez au courant des études sur la justice y compris aux Etats-Unis.<br /> Voyez sur le site Death Penalty Information Center que je mentionne parfois le nouvel article, qui constate que les droits de Miranda n'ont pas réussi à empêcher des aveux extorqués sous la contrainte policière :<br /> <br /> http://www.deathpenaltyinfo.org/node/6482<br /> <br /> As Miranda Decision Turns 50, False Confessions Still Affect Death Penalty<br /> <br /> Cordialement
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C
Bonjour Philippe<br /> 24% de "faux aveux" sur 1800 cas étudiés, ça n'est pas sans rappeler un rapport d'Amnesty International datant d'une quinzaine d'années, je crois, affirmant que 1/3 des condamnés américains étaient innocents, 1/3 subissaient une peine disproportionnée, et 1/3 seulement étaient jugés équitablement coupables (les chiffres étaient bien plus précis, évidemment). 72% des "faux aveux" sont le fait de suspects au QI très faible, nous dit-on ici. A comparer avec les fameux "crimes sexuels" qui, dans une proportion comparable, ne concerne que du voyeurisme, de vagues propositions, etc. sans acte sexuel. Ces "fichés" ont aussi un QI faible, généralement. <br /> Amitiés.

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