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28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 05:01

Début des années 1950. Comme tant d'autres jeunes femmes, Penny Smith a été attirée par Hollywood. Dans ce décor clinquant, elle a tenté sa chance comme actrice. Elle a fini par se reconvertir en tant que maquilleuse chez Republic Pictures, une maison de production plutôt modeste. Penny a été la maîtresse de Monsieur D., un ponte dans le milieu cinématographique. Marié, père de six enfants, il l'a finalement larguée sur un coup de téléphone. Certes, il lui a offert un chèque de rupture, plus de sept cent dollars. Mais il est probable que ce goujat demande à sa banque d'y faire opposition. Si Penny n'ignore pas être sur une mauvaise pente, elle prétend conserver le moral. D'autant qu'elle vient de trouver le logement qui lui correspond.

Mme Stahl loue des bungalows autour d'une cour, à Canyon Arms, tout près des lettres géantes Hollywood. Un endroit calme et silencieux, parfumé par les abricotiers, à l'abri de la fureur de cette agglomération. Penny lie bientôt connaissance avec ses voisins, M.Flant et Benny. Un duo de grands buveurs, qu'elle accompagne dans leurs libations. Ils révèlent à la jeune femme que son bungalow n°4 fut le théâtre d'un suicide, douze ans plus tôt. Larry, libraire âgé de trente-cinq ans, bon vendeur qui fréquentait même les studios de cinéma, y mit fin à ses jours. Quand ils évoquent un suicide au gaz, Penny ne réalise pas immédiatement le mode opératoire choisi par Larry. Les livres restés après lui dans le bungalow n°4 ne suffiront pas à apaiser les cauchemars de Penny.

La nuit, elle a des visions, croit entendre de petits bruits répétitifs et agaçants. “Pendant quelques instants, les taches de lumière se brouillèrent et flottèrent, comme liées par un fil ténu. Puis elles se mirent à ressembler aux souris furtives qui, parfois, se faufilaient dans la maison de son enfance… Si elle plissait les yeux très fort, ils ressemblaient même à des petits hommes. Était-ce des souris sur leurs pattes arrière ?” Selon la logeuse qu'elle interroge, il n'y a rien de malsain dans ce bungalow rénové après l'affaire Larry.

Sa situation vis-à-vis de Monsieur D. et ses conséquences perturbent Penny. En discutant avec ses voisins, elle s'interroge : Mme Stahl n'est-elle pas suspecte, elle qui surveille de si près ce bungalow n°4 ? Ne fut-elle pas l'amante criminelle du beau libraire ? Ne laissa-t-il pas un message en guise de dédicace, dénonçant Mme Stahl ? Quand Penny contacte un inspecteur de police, ce dernier consulte le dossier concernant le décès. Les arguments de la jeune femme pèsent peu face aux faits. Il est vrai que, à cause du gaz ou non, le climat dans le bungalow est entêtant. Sans oublier l'ombre de ces petits hommes qui s'agitent chaque nuit devant ses yeux…

Megan Abbott : Les ombres de Canyon Arms (Ombres Noires, 2016)

Le talent de Megan Abbott n'est plus à démontrer, même lorsqu'il s'agit d'une novella telle que ce texte. Cette auteure a souvent exprimé sa fascination pour l'Âge d'or du cinéma américain, pour ces années 1930 à 1950 qui ont servi de décor à plusieurs de ses romans. Elle le confirme ici, dans l'interview qui suit cette nouvelle. Le format court n'empêche pas d'imaginer l'époque, ce monde du cinéma si cruel pour les apprenties comédiennes, si décevant y compris pour les plus obstinées. D'ailleurs, Megan Abbott déclare chercher, comme son modèle Raymond Chandler, à exprimer “la beauté et la noirceur d'Hollywood”.

Son héroïne Penny est une jeune femme vulnérable, déjà quelque peu désabusée suite à tout ce qu'elle a vécu dans cet univers. Être rejetée – et refoulée – par son amant, c'est le "coup de grâce", à l'heure où elle débarque dans ce bungalow particulier. Dépression et hallucinations vont encore compliquer sa vie fragilisée. Ne pensons pas pour autant que la narration soit morbide : elle s'avère limpide et juste, amenant quelques sourires. On aime les subtils romans de Megan Abbott : plus courte, cette novella propose une autre belle facette de cette auteure majeure.

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commentaires

P
Rebonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> Je viens de voir cet article.<br /> Je suis aussi outré que je pense que vous le serez.<br /> ( Et vous connaissez mes origines ethniques. )<br /> <br /> http://www.planet.fr/actualites-un-camp-dete-interdit-aux-blancs-najat-vallaud-belkacem-reagit.1064901.1464.html<br /> <br /> Cordialement
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C
Voilà exactement le genre d'initiatives qui divisent, qui créent des tensions. Les "ultras" de toutes catégories (racisme, féminisme, extrême droite ou extrême gauche, toutes religions, etc.) ne servent pas la cause qu'ils affirment défendre. Traiter les autres en ennemis (car c'est de cela qu'il s'agit, ne le nions pas), c'est viser le chaos pour en découdre. Dénigrer toute autre opinion en refusant le débat (même vif, c'est utile), c'est vouloir installer de la violence. Il est à noter que tous ceux-là se victimisent de façon artificielle, prétextant un rejet systématique à leur égard. Ce n'est le cas ni des Noirs ou d'autres origines ethniques, ni des femmes dans leur ensemble (et heureusement). En réalité, ces gens ne sont-ils pas plutôt traitres à la cause qu'ils disent défendre ? En conclusion, rappelons (de mémoire) la formule de Kofi Yamgnane : "Il y a la même proportion d'imbéciles partout, dans toutes les populations". <br /> Amitiés.
P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> Votre chronique me convainc d'acquérir dés aujourd'hui ce nouveau Meg Abbott, tout comme j'avais acheté " Fièvre " que vous aviez aussi chroniqué.<br /> Mais quand vous indiquez que le décor de cette histoire, Canyon Arms, est tout près des lettres géantes Hollywood, vous n'avez pas forcément en tête, même si vous la connaissez peut-être, l'histoire vraie de Peg Entwistle.<br /> Comme vous le savez sans doute, les célèbres lettres géantes à l'époque de leur installation formaient le mot Hollywoodland. Ce n'est qu'en 1949 que les quatre dernières lettres furent ôtées, aboutissant au nom Hollywood que nous connaissons.<br /> Donc, à l'époque où se situe " Les Ombres de Canyon Arms " dans les années 1950, ce changement du nombre de ces lettres est tout récent, et ce n'est je suppose pas précisé dans le texte, mais quand on parle de l'époque douze ans plus tôt où le libraire s'est ou ne s'est pas suicidé, c'est Hollywoodland que formaient alors les lettres.<br /> Pour en revenir à Peg Entwistle, on trouve des points communs avec ce livre, s'agissant du lieu, de l'âge d'or de Hollywood, d'aspirante comédienne ou de suicide.<br /> Peg Entwistle était non pas américaine, mais britannique, galloise. Orpheline tôt, elle se retrouva à tenter sa chance aux Etats-Unis dans le milieu du cinéma. Déjà difficile en soi, mais encore plus à l'époque de la Grande Dépression.<br /> Un jour de 1932, Peg décida d'en finir avec la vie. Elle alla au pied des lettres géantes Hollywoodland. Précisément en bas de la lettre H. Elle ôta ses chaussures et laissa ses affaires. Puis elle entreprit d'escalader la lettre. Ayons à l'esprit que ces lettres sont hautes et larges. Arrivée en haut de la lettre H, Peg se jeta dans le vide. Elle avait dans les 25 ans.<br /> Ironie du sort, on allait lui proposer un rôle.<br /> La plupart des gens je pense quand ils voient ou parlent des lettres géantes Hollywood n'ont jamais entendu parler de l'histoire de Peg Entwistle.<br /> J'ai écrit de mémoire ce dont je me souviens, pour plus de détail voir par exemple l'article Wikipédia.<br /> Qui mentionne un livre que j'ai et que je vous recommande comme à tout le monde : <br /> Peg Entwistle and the Hollywood Sign Suicide : A Biography<br /> James Zeruk Jr<br /> Mc Farland, 2013<br /> <br /> https://fr.wikipedia.org/wiki/Peg_Entwistle<br /> <br /> https://en.wikipedia.org/wiki/Peg_Entwistle<br /> ( Plus complet qu'en français. )<br /> <br /> http://www.amazon.com/gp/product/0786473134/ref=olp_product_details?ie=UTF8&me=<br /> <br /> Cordialement
Répondre
C
Bonjour Philippe<br /> Sombre destin, en effet. Je ne sais si Megan Abbott connaît cette histoire, mais je la suppose très bien renseignée sur toute cette époque. Il est vrai que le sort des starlettes d'alors, si nombreuses pour peu d'élues, n'était guère enviable. Il leur fallait une sacrée dose de persévérance...<br /> Amitiés.

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