Dryden est une petite ville américaine ordinaire. Tom Nash est prof au lycée public local. Il a divorcé de Georgia, qui l'a cocufié et qui ne supportait plus la vie ici. Il élève son fils Eli, joueur de hockey-sur-glace, étudiant sportif séduisant qui reste prudent avec les filles. Et sa fille Deenie, seize ans, scolarisée dans le même établissement. Celle-ci compte une poignée d'amies proches, telles la brune Gabby Bishop ou Lise Daniels. Elle a bien changé depuis l'été précédent, Lise, passant de l'allure fillette à une féminité éclatante. Parmi ses copines, il y a aussi Skye Osbourne, à la chevelure blonde presque blanche. Une élève qui cultive une part de marginalité. Ces adolescentes échangent beaucoup de confidences, de textos, d'impressions au sujet des garçons. Deenie s'interroge sur son attirance pour Sean Lurie, hockeyeur comme son frère. Lise semble être moins prude avec les mecs.
En plein cours, Lise est victime d'une crise sérieuse, bien au-delà d'un malaise. Tom Nash s'inquiète autant que sa fille Deenie. Hospitalisée, Lise paraît avoir frôlé l'arrêt cardiaque : méconnaissable physiquement, elle se trouve dans un état comateux. Dès le lendemain, l'agitation règne entre les copines du lycée. Lors d'un concert scolaire en matinée, Gabby est prise d'une crise alors qu'elle joue du violoncelle. Soignée après ces convulsions mal explicables, elle ne restera pas trop longtemps à l'hôpital. Quant à Lise, elle est dans un état stationnaire pas vraiment rassurant. Sa mère Sheila Daniels se montre accusatrice, plutôt hystérique. Est-on en train d'empoisonner les adolescentes de Dryden, est-ce de la faute des jeunes hommes de cette ville ? Entre soupçons de rage et histoires vampiriques, les filles du lycée imaginent n'importe quoi, et circulent les plus douteuses rumeurs.
Deenie se demande si la cause du virus, ce ne serait pas le lac de Dryden ? Elles s'y sont baignées récemment, alors que c'est strictement interdit. La couleur fluorescente de ce plan d'eau et les algues nocives confirment que ce lac est ultra-pollué. Le père de Jaymie Hurwich, une autre lycéenne, veut convaincre tout le monde que c'est lié au vaccin que les filles ont été obligées de se faire injecter. Sinon, pourquoi une envoyée du ministère de la santé serait-elle sur place ? Au gymnase, c'est la rousse Kim Court qui est la troisième victime de convulsions. Le lycée est maintenant carrément en ébullition. À l'hôpital, bien que Tom Nash soit l'ami d'une employée, on ne laisse guère filtrer d'informations.
Le cas de Kim Court pose une double énigme à Deenie. Kim ne s'est pas probablement pas baignée au lac. À cause de ses multiples allergies, elle n'a pas non plus été vaccinée comme elles. Non contaminée, Deenie culpabilise puisque ses amies sont touchées. Sauf Skye Osbourne, mais celle-ci n'est réellement proche que de Gabby. À la réunion de tous les parents d'élèves, grosse excitation générale : le vaccin, le lac, peut-être le stress car les victimes sont filles de divorcés, les hypothèses fusent. Le virus serait “à l'intérieur des filles”, ce qui reste une explication vaseuse. Tom ne sait pas comment mieux protéger sa fille Deenie, tandis qu'Eli cherche aussi à aider sa sœur et à comprendre les faits…
Megan Abbott figure parmi les plus subtiles des romancières de notre époque. On l'avait constaté dans ses polars “à l'ancienne”, où elle inversait certains codes du roman noir. On l'a vérifié avec ses romans “contemporains”, autour des jeunes filles (La fin de l'innocence, Vilaines filles). La psychologie des adolescentes, c'est un écheveau de sentiments confus et compliqués, bien difficile à démêler. Fidélité et piques entre véritables copines, attirance envers les garçons, besoin d'un parent protecteur sans être étouffant, contexte scolaire : ça risque de s'embrouiller dans la tête de certaines d'entre elles. S'il s'agit d'Américaines dans cette histoire, on peut supposer que ces questions sont universelles.
Il se produit un "élément déclencheur" qui va secouer la tranquillité locale. Des parents s'énervent, en particulier lors de la réunion au lycée. Bien que règne une forte tension, l'auteure évite de verser dans le spectaculaire, dans un voyeurisme glauque. Car elle reste du côté de celles et ceux qui subissent l'affaire : la jeune Deenie, son père et son frère, plus quelques amies. Comment réagir intelligemment face à une situation obscure ? Ils se sentent "impliqués" de près, pas juste concernés. N'étant pas atteinte par la fièvre, Deenie craint même d'être accusée de l'avoir provoquée. Côté garçons, même affichant un flegme apparent, son frère Eli ne peut pas rester étranger au problème actuel.
Outre le regard juste de l'auteure sur les jeunes filles, certainement y a-t-il un clin d'œil dans le titre : “The fever” fait référence à l'excellente chanson de Peggy Lee, “Fever”. Peu importe une éventuelle étiquette polar, c'est un suspense psychologique d'une finesse magnifique que nous présente Megan Abbott, avec sa maestria habituelle. Bravo Megan.
TOUS LES ROMANS DE MEGAN ABBOTT SONT CHRONIQUES CHEZ ACTION-SUSPENSE
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