Le comédien Raymond Souplex (1901-1972) est déjà très connu quand il endosse le rôle de l'inspecteur Antoine Bourrel pour “Les cinq dernières minutes”. Du 1er janvier 1958 au 7 novembre 1973, il joue dans 56 épisodes de cette série-télé qui connaît un immense succès. Il s'agit d'enquêtes criminelles menées par Bourrel et son adjoint Dupuy (Jean Daurand, 1913-1989) dans des milieux spécifiques (la Tour Eiffel, une école, aux Halles de Paris, négoce de vins ou de fruits, l'industrie du disque, une gare parisienne, etc.) Les scénarios de cette série sont signés Jean Cosmos, mais aussi par des auteurs de romans policiers tels que Fred Kassak, Louis C.Thomas, et Michel Lebrun (huit collaborations pour lui). La réplique de Bourrel, à chaque fin d'épisode : “Bon Dieu ! Mais c'est… bien sûr !” est restée célèbre.
En 1972, deux romans sont publiés, s'inspirant des “Cinq dernières minutes” : “Pas de témoin pour Bourrel” d'Yves Louvin, et “Bourrel connaît la musique” de Claude Loursais (Coll.Point Rouge). À ses débuts, la série était une émission-jeu tournée en studio, diffusée en direct, avec des candidats devant deviner les circonstances du crime et le nom de l'assassin. Parfois, Bourrel prenait à témoin les téléspectateurs de ses hypothèses. Ce concept fut bientôt abandonné, pour du suspense plus habituel, toujours solide. L'idée de jeu n'était pas totalement éteinte, toutefois. En 1965, les Éditions de l'Arabesque publient un livre signé Dominique de Niort : “Raymond Souplex présente 30 énigmes”. C'est préfacé par le comédien, avec humour, car le malfaiteur Pierrot la Soudure évoque (à sa place, nous dit-il) le contenu de l'ouvrage.
Le principe : une scène de quelques pages racontant une situation criminelle basique, et l'assassin est rapidement démasqué grâce à un ou plusieurs indices. La solution figure après le texte, imprimée à l'envers pour ne pas tricher. Exemple : Un homme rentre chez lui. Une lettre anonyme a prévenu sa femme qu'il la trompait. Elle lui tire dessus. Il n'est que blessé au bras. Elle se suicide sitôt après. Mais c'est lui qui a mis en scène le meurtre de son épouse. Si la trace du coup de feu a brûlé le bras de son manteau, la robe de sa femme ne porte pas ce genre de signe car il a tiré à distance. On nous donne ainsi trente cas à résoudre, tenant quelquefois plus de la devinette que de l'énigme compliquée. La majorité des "enquêtes" ont ici pour héros l'inspecteur Borel (et non Bourrel).
Qui était Dominique de Niort, un pseudonyme plutôt qu'un vrai nom ? “J'avais promis à mon ami de Niort…” écrit Raymond Souplex en préface : c'est donc un homme. Pour le reste, aucune info personnelle sur l'auteur. En 1966, un second opus est publié sous ce nom dans la même collection, “Échec au crime”. Probablement s'agit-il d'une nouvelle suite d'énigmes, donnant lieu à un jeu-concours. Les deux couvertures sont similaires : la première est signée Vallois, la seconde de Jef de Wulf, bien que soit exploitée la même image. Deux romans policiers de Dominique de Niort seront publiés en 1969 par les Éditions de l'Arabesque : “Au bord du gouffre” et “Services funèbres”. C'est l'année où sombra cette maison d'édition, qui publia en son temps quantité de romans d'espionnage, de guerre, de polars, etc.
“Raymond Souplex présente 30 énigmes” de Dominique de Niort reste une curiosité fort sympathique, pour nostalgiques des fameuses “Cinq dernières minutes” même si ça n'a rien à voir avec les subtils scénarios de cette glorieuse série-télé.