Lors de sa publication en grand format, “Le village” de Dan Smith a marqué de nombreux lecteurs, et fut salué sur Internet par beaucoup de sites et blogs. C'est un suspense dur, sombre et puissant, qu'a concocté l'auteur. Tout est cruauté dans le contexte, et il faut une lucidité teintée d'humanisme pour que le héros résiste aux épreuves. “Tu n'as jamais été un fermier. Tu as toujours été un soldat. Un soldat qui joue au fermier, et je vois dans tes yeux que ce n'est pas ta vraie nature” constate son épouse. Il est vrai que Luka a combattu durant la guerre de Crimée, dans la confusion des camps en présence. Toutefois, il n'est pas simplement question d'un jeu de piste, entre un ancien baroudeur et un criminel.
Cette traque se passe à l'époque où débutent le méthodes staliniennes visant à accaparer les biens personnels de la population et à réduire les libertés individuelles, à développer la puissance de l’État russe y compris dans les moindres villages du pays. On sent la tension à Vyriv où, comme partout, la rumeur a précédé la venue des communistes destructeurs. Par contre, cela n'excuse nullement le lynchage initial dû la haine et à l'effet de groupe. Qu'un criminel s'attaque à des enfants n'autorise pas à abolir les lois. On est là dans un épisode violent de l'Histoire, ce qui influe fatalement sur les faits. Le froid et la neige ajoutent une âpreté aux aventures de ces personnages.
Un roman de qualité supérieure, qu'il n'est pas trop tard pour découvrir grâce à sa réédition en format poche.
En cet hiver 1930, la steppe enneigée isole plus que jamais le petit village de Vyriv, dans l'ouest de l'Ukraine. Ce qui convient aux habitants, car les envoyés de Staline sillonnent l'Union Soviétique afin d'installer le collectivisme. Être privés de leurs modestes biens, une échéance inéluctable que les paysans d'ici espèrent retarder, faute d'y échapper. Russe d'origine, Luka a longtemps été combattant, avant de s'installer dans le village natal de sa femme, Natalia. Ils élèvent leurs fils jumeaux de dix-sept ans, Viktor et Petro, et la petite Lara âgée de neuf ans. Leur nièce Dariya, fille de Dimitri Spektor et de la sœur de Natalia, est une gamine intrépide de huit ans, qui fréquente leur foyer.
Un jour, Luka et ses fils ramènent à la maison un inconnu quasi-mourant, dont le traîneau transporte les cadavres de deux enfants d'environ dix ans. La fillette morte a été mutilée, comme victime d'anthropophagie. Alors que Luka et les jumeaux enterrent discrètement les corps, Dimitri intervient. Malgré l'incompréhension, les premiers habitants arrivés sont assez raisonnables. Surexcité, Dimitri rameute les autres villageois, exigeant qu'on leur livre l'inconnu. Luka essaie de les calmer, mais ne peut éviter le lynchage. Les affaires du mourant indiquent qu'il s'agissait d'un soldat, d'un officier médaillé. Grâce à des photos, Luka réalise qu'il était le père des deux victimes. Sans doute traquait-il leur assassin.
La petite Dariya a disparu. Luka doit se bagarrer avec Dimitri, le père de la gamine, quand il accuse à tort et à travers. On remarque dans la neige les traces d'un homme botté, qui est certainement le voleur d'enfants. Luka, ses deux fils et Dimitri partent en chasse. Le coupable laisse des traces, volontairement. Quand le petit groupe se trouve à découvert, le criminel les prend pour cible. Luka comprend que c'est un tireur d'élite bien équipé, qui veut jouer avec eux. “Nous ne sommes plus seulement des chasseurs, nous sommes aussi des proies” constate Luka, qui envisage de continuer seul. Plus loin, le kidnappeur a laissé comme indice dans la neige un scalp d'enfant. Quand Luka et ses fils rencontrent une jeune femme, Aleksandra, elle leur apprend que les émissaires de Staline sont arrivés dans les villages environnants. Les persécutions ont commencé. Le périple dans la neige se poursuit…
─ “Le village” est disponible chez 10-18 dès le 3 septembre 2015 –