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27 août 2015 4 27 /08 /août /2015 04:55

Depuis qu'il a perdu sans regret son job, la vie de Basile Chavet se résume à s'alcooliser dans les bistrots brestois. Célibataire quadragénaire, peu soucieux de l'hygiène, il loge dans un “appartement en friche” qu'il n'a jamais pris le temps d'aménager. Son point fixe, c'est le bar Le National où il retrouve une poignée d'amis. Ce bistrot “avait tout du coupe-gorge, n'attirait que des perdus, ou des pervers dans notre genre, accros à cette amitié confite dans l'alcool. Nous étions l'élite, le dernier carré, la garde prétorienne.” Le National est tenu par Bison, pas si âgé mais déjà bien fatigué par la vie. Il est marié à Fernande, plus jeune que lui, encore jolie, sans doute un peu fanée par une vie de couple sans joie.

Parmi les habitués, on compte Mireille, boucher chez son frère, trouvant plus facilement le chemin du bar que du billot. Et le sage Luciole, un vieil intellectuel qui observe le monde sans y participer ni juger ses contemporains, selon la philosophie personnelle qu'il cultive. Surtout, il y a le meilleur ami de Basile, le costaud Massue. Ancien de la Marine qui vécut dans des îles tropicales, il a finalement posé son sac à Brest-même. Massue et Basile sont coutumiers de la tournée des bistrots, jusqu'à plus soif et même au-delà de l'ivresse. “La vie ne nous avait pas encore totalement pliés, on restait mal peignés, un peu de travers. On avait l'air de vieux bambins, encore à l'affût d'une dernière connerie d'avant sommeil, prêts à dire une dernière blague avant de ramener la couverture à nous.”

Une joyeuse soirée costumée de Mardi-Gras sur le port de Brest dégénère en pugilat. Le duo prend la fuite, coursé par d'aussi saouls qu'eux. Grâce au nommé Jussieu, ils peuvent échapper à leurs poursuivants. Ce type-là, Basile l'a senti malsain depuis qu'il rôde dans le quartier. Jussieu a l'air d'un animal de proie tournoyant autour de Massue. Ce dernier ne masque pas son trouble, en effet, restant silencieux sur ce qui les relie. Si l'amitié entre Basile et Massue est solide, basée sur leurs échecs passés, le costaud a un autre copain, Firmin. Un brin de jalousie effleure Basile, le concernant. Mais une nuit, alors que Massue et Basile s'enivrent à outrance, Firmin est poignardé mortellement chez lui.

Pour Hélène, commissaire de police, Massue apparaît comme le plus probable suspect. Sa réputation de poivrot violent n'est plus à faire. Basile ne peut le laisser tomber : il fournit à la policière un alibi bancal pour Massue. Pas tellement crédible, bien sûr, Basile ne se souvenant plus très bien du déroulement de la nuit en question. Mais suffisant pour que son ami soit relâché, provisoirement. Bonne nouvelle, qui entraîne une nouvelle tournée des bars pour Bison, Massue et Basile. Ça se termine par une dure altercation avec Jussieu, toujours en travers de leur route. Ce ne sera pas la dernière bagarre alcoolisée pour Massue et Basile, quitte à passer par la case hôpital.

Même si l'on a déjà oublié la mort de Firmin, l'ambiance au bar Le National est en train de changer. Massue y vient beaucoup moins, depuis qu'il a trouvé l'amour. Fernande semble souffrante, et Bison est moins brillant que jamais. Luciole ne fréquentera plus le bistrot, ni ce parc urbain propice à sa philosophie. En vue d'un petit héritage, Basile serait bien avisé de faire une cure pour rompre avec son addiction à l'alcool. Pourtant, est-il possible de tourner la page sans que toute la vérité soit faite ?…

Arnaud Le Gouëfflec : Basile et Massue ("Le cercle" Éd.Sixto, 2015)

Voilà une réédition qui est la bienvenue. Ce roman publié en 2004 aux éditions L'Escarbille fut récompensé par deux prix littéraires en 2005. Entre ses chansons et les scénarios de bédés (couronnés par quelques distinctions aussi) dont il est l'auteur, Arnaud Le Gouëfflec suit son petit bonhomme de chemin. On peut affirmer qu'il ne déçoit jamais ses lecteurs. Car il existe une poésie, une humanité dans ce qu'il décrit. Basile et ses amis sont-ils de méchants alcoolos ? Non, plutôt des poissards marginalisés par leurs abus, manquant de ce supplément de fantaisie qui en ferait des "princes de la cuite". Chez eux, c'est le refus du système qui guide leurs choix : “Les gens ont toujours mieux à faire que de vivre, mieux à faire que de se réaliser.” Quitte à subir le dédain des autres, tel le cafetier Francis qui n'est pourtant pas une flèche, lui non plus.

Ville portuaire, Brest est un lieu intemporel. Peu nous importe que cette histoire se passe aujourd'hui, il y a trente ou soixante ans. C'est un décor vivant, nuit et jour, calme ou plus agité, pas toujours pluvieux mais généralement arrosé. Pour ça, les bistrots où se donner rendez-vous sont légion, et les fêtards perpétuellement nombreux. Le vent marin ne balaie ni les amertumes, ni les rancœurs. Alors la mort et le drame ont-il davantage leur place dans un tel port qu'ailleurs ? Peut-être que la noirceur s'inscrit naturellement dans le quotidien des personnages présentés ici par l'auteur ? Une histoire criminelle, en effet, mais riche de sensibilité.

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commentaires

P
Bonjour M. le Nocher, Yv,<br /> <br /> Moi, j'avoue ne connaître Arnaud Le Gouëfflec que depuis peu, ayant découvert et acquis la BD " Soucoupes " illustrée par Obion qu'ils ont faite chez Glénat dans la collection 1000 Feuilles.<br /> Une histoire où, dans un monde où des extra-terrestres avec l'apparence de robots sont venus sur Terre, au vu et au su de toute la population terrienne, et en sont arrivés à co-exister paisiblement avec les Terriens, on voit la rencontre et l'amitié entre un Terrien amoureux des livres et un extra-terrestre littéraire lui aussi.<br /> <br /> Cordialement
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C
Bonjour Philippe<br /> Voilà bien la preuve de la diversité d'inspiration de l'excellent Arnaud Le Gouëfflec ! Je vous recommande, dans un autre genre, "Le chanteur sans nom", issu de ses recherches perso sur le vrai personnage en question.<br /> Amitiés.
Y
Bonjour Claude<br /> D'Arnaud Le Gouefflec, j'ai lu deux BD : J'aurai ta peau Dominique A et La nuit McOrlan. Toutes deux excellentes, je crois que je vais aller chercher ce bouquin, en plus j'aime bien les éditions Sixto<br /> Amicalement
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C
Bonjour Yves<br /> De Nantes à Brest en passant par Rennes, les éditions Sixto mettent en valeur des talents bretons, en effet. J'aime beaucoup ce que fait Arnaud Le Gouëfflec (ainsi que son compère Briac, de La nuit McOrlan). Pas de doute, il faudra que je parle plus souvent de lui.<br /> Amitiés.

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