Lui demander son identité serait inutile, et peut-être imprudent. C'est un Parisien, qui fait le maximum pour passer inaperçu. En tenue de ville, costume passe-partout, on est moins repérable qu'en jogging typé banlieue. Pour traiter ses affaires illégales et lucratives, il est perpétuellement en mouvement, méfiant à l'extrême, genre parano. Vis-à-vis de tous ses contacts, c'est lui qui fixe les règles. Ça lui rapporte des fortunes, judicieusement placées dans l'immobilier plutôt qu'en banque. Il opère dans le trafic le plus juteux actuellement. Non pas celui de la drogue, comme tant d'autres. Ayant appris la langue croate, il importe des armes depuis les Balkans. Lui-même n'apparaît jamais directement, nulle part. Sauf lorsque son business se détraque quelque peu, et qu'il faut réagir au plus tôt.
C'est ce qui s'est produit à Marseille. Freddy, son comparse local, avait la garde d'un stock d'arme plaqué dans un box. Des petits malins, peut-être par hasard car tout est possible à Marseille, ont mis la main sur cet arsenal. Le Parisien est donc obligé de descendre sur place, en costard malgré la chaleur, sa tenue de camouflage habituelle. Il a rendez-vous avec Freddy sur le Vieux-Port. Son contact, c'est le petit truand méridional dans toute sa splendeur. Il a l'air très heureux de rencontrer pour la première fois le Parisien, qui lui fait gagner 10 % à chaque transaction d'armes. Un job très rentable, mais grosse perte en cas de vol. Quant à ceux qui ont fauché le stock, Freddy est "presque sûr" de savoir de qui il s'agit. Car ils ont proposé de revendre lesdites armes à un de ses sbires.
Le plan de Freddy est limpide : un Comorien de ses amis, chez qui ils dégustent un repas goûteux dans les quartiers-nord, va se faire passer pour l'acheteur du stock disparu. Une fois la transaction lancée, le Parisien et Freddy n'auront plus qu'à intervenir et récupérer les armes. Évidemment, le scénario ne va pas se dérouler d'une façon aussi simpliste. Pas mal de viande froide qui va rester sur le carreau, finalement. Certes, le Parisien s'empare d'un pactole en argent liquide et en armes. Mais, pour aller au bout de cette affaire-là, il doit pactiser avec l'Indien. Un peu chtarbé à cause de l'abus de coke, ce caïd marseillais de pacotille. S'il n'a qu'un lointain rapport avec l'Amérique, l'Indien est néanmoins capable de rejouer Little Big Horn quasiment à lui tout seul. Ça va encore saigner…
Récompensé par le prix SNCF du polar 2013 avec “Balancé dans les cordes”, Jérémie Guez est un des jeunes talents à suivre de près. Excellent choix que de débuter cette quatrième saison des Petits polars du Monde par cet auteur. Il nous dessine le portrait vivant d'un trafiquant d'armes d'aujourd'hui, possédant une morale personnelle : “L'éthique, quand on vend des armes, c'est toujours bizarre. Mais bon, on trouve toujours des trucs pour s'arranger avec la réalité. Pour se dire qu'on n'est pas un salaud, et qu'on fait quelque chose de logique puisqu'on vend ce que les gens achètent, et si c'est pas moi alors c'est un autre… blablabla […] De tous ses vieux principes à la con, il n'en a gardé qu'un. Il ne vend qu'aux pirates de la rue. Pas aux terroristes. Il ne peut rien contre la revente de son propre matos, mais fait tout pour que seuls les voyous en bénéficient.”
Illustrée par Jacques Ferrandez, cette nouvelle de Jérémie Guez s'avère mouvementée, non sans une part d'ironie. L'apparente cordialité des volubiles Marseillais, qui vantent volontiers leur bonne humeur méditerranéenne, ne peut faire oublier que c'est de longue date la ville de tous les trafics, braquages et rackets. Étranger à Marseille, heureusement pour lui, le héros est en permanence sur ses gardes…
Ce texte est suivi d'un mini-guide signé Jean-Michel Boissier, “Échappée à Marseille”. Sur les traces de ce Petit Polar, le journaliste fait un petit tour informé et amusé des rues et des monuments, des jolis coins et des bonnes adresses, de l’esprit des lieux et de l’humeur des habitants. Ici, il découvre que le Vieux-Port s’humanise, que le MuCEM a de la gueule, que le Panier a ses bobos, que la Bonne Mère est bien haute, que Le Corbusier n’était pas si fada et que la ville n’est pas si facile. Sans oublier d'évoquer Jean-Claude Izzo.
Jérémie Guez : Le dernier tigre rouge (10-18 Éd, 2014) - Le blog de Claude LE NOCHER
Début 1946, âgé d'à peine trente ans, Charles Bareuil fait partie de la Légion Étrangère. Il a, comme tous les militaires qui l'entourent, de bonnes raisons d'avoir intégré ces unités si ...
http://www.action-suspense.com/2014/03/jeremie-guez-le-dernier-tigre-rouge-10-18-ed-2014.html
Prix SNCF du polar 2013 : Jérémie Guez "Balancé dans les cordes" - Le blog de Claude LE NOCHER
Tony habite une cité d'Aubervilliers, avec sa mère. Un quartier de tours, pas le plus agité de Seine-Saint-Denis, pas le plus facile non plus. Le jeune homme est né de père inconnu, probableme...