Une supérette ordinaire quelque part dans l'agglomération parisienne, rue des Termes. En ce vendredi de mai, le patron Gilbert Delcroix s'en va, laissant son employé âgé de vingt-quatre ans, Guillaume Vanderkeren, s'occuper de la clientèle. Le jeune homme remplace son amie Camille, qui a un rendez-vous urgent chez le gynéco.
Il n'y a pas foule cet après-midi. Léa Fronsac s'est absentée de chez elle, ayant besoin de couches pour son enfant de trois ans, Émile. Germaine Dethy, irascible octogénaire en fauteuil roulant, est accompagnée de son aide familiale pour faire quelques courses. Aline, quadragénaire, a bousculé son fils Théo, ado captivé par les jeux et les écrans, l'obligeant à la suivre pour aller voir le grand-père, en passant par la supérette. Comptable marié, Thomas vient de tromper sa femme avec Sophie, jeune réceptionniste ayant parié de le séduire. Ensemble, ils ont des achats à faire. Et puis, il y a Joachim Fallet.
Jo est un junkie de dix-neuf ans. Énervé, car il a besoin de drogue. Rageur, car il lui faut du fric pour en acheter. Déterminé, car il possède un petit flingue chargé. Braquer une supérette anonyme, ça lui paraît à sa portée. Effectivement, l'effet de surprise va jouer. L'employé Guillaume n'a pas de raison de résister, pour à peine deux cent Euros dans sa caisse. Arme en main, Jo réalise sa puissance, et la terreur qu'il inspire aux gens présents. Un instant de pouvoir excitant. Pas de motif de s'apitoyer sur la détresse de Léa qui pense à son petit garçon, ni d'avoir de sentiment charitable envers les autres clients. Chacun est solidement attaché, tandis que le rideau métallique de la supérette est baissé. Personne ne viendra ainsi perturber le braquage de Jo.
La corpulente aide familiale de Germaine est victime d'une attaque cardiaque fatale. Ce qui ne choque guère son employeuse, mais aggrave le cas du junkie. Un défibrillateur ne servirait pas davantage que les massages cardiaques prodigués par Aline pour sauver la victime. C'est alors qu'intervient Théo, l'adolescent attendant sa mère à l'extérieur, ayant compris qu'il y avait un problème. Ce qui va causer immédiatement une pagaille générale dans la boutique. La situation dégénère très vite. Il suffit d'un coup de feu pour devenir un assassin. D'autant moins excusable quand on tire dans le dos de quelqu'un qui ne vous met nullement en danger. La plus claire des conséquences, c'est que les clients-otages deviennent des témoins gênants. “Cinq ennemis à abattre” ?
L'un d'eux est sévèrement blessé d'une balle au genou, alors qu'il tentait de réagir. Germaine est emmenée par les fuyards : étant impotente en fauteuil roulant, elle ne risque pas de leur fausser compagnie. “La vieille dame ne se laisse pas démonter, au mépris des menaces qui pèsent sur elle. Elle est insupportable, mais sa gouaille et la verdeur de son tempérament forcent l'admiration.” Dans la supérette, une autre victime sera à déplorer. Quant au petit Félix, huit ans, il aura son rôle à tenir dans cette aventure. Il est probable que le pedigree de certains clients intéresse la police, le moment venu…
Grâce à cet excellent roman, voici une nouvelle occasion de saluer le talent de Barbara Abel. Plutôt que le qualificatif commercial de "thriller", supposant très souvent des effets morbides ou du grand spectacle, préférons-lui celui de "suspense". Notion plus mesurée, qui inclut autant de tension dans le récit. N'oublions pas que, chez cette auteure, point de super-héros : c'est à partir d'un quotidien absolument normal que se développe l'intrigue, afin de lui apporter toute son intensité. Un braquage virant à la prise d'otage, la routine bascule vers le drame. Évocateur et crédible, puisque personne ne peut se croire à l'abri d'un fait divers de ce genre.
Rares sont les réels actes de bravoure autour de nous, ils n'apparaissent donc pas indispensables dans la fiction. Par contre, les petites lâchetés ou les éventuels secrets de chacun, l'inquiétude d'une jeune mère ou un certain cynisme chez une mamie, une mère protectrice ou un mari infidèle, ce sont des faits ou des traits de caractères proches de l'authenticité. Barbara Abel sait nous faire partager l'état d'esprit de ses personnages, ne leur faisant "pas de cadeaux" si la suite des évènements en dépend. La vie n'est pas exempte d'ironie, parfois. Un suspense captivant à souhaits !
Barbara Abel : Derrière la haine (Pocket, 2013) - Le blog de Claude LE NOCHER
Deux jeunes familles habitent une maison mitoyenne. D'un côté, David et Laetitia Brunelle, avec leur fils Milo. Le mari est chauffeur de taxi, l'épouse est assistante sociale. Un peu moins aisé...
http://www.action-suspense.com/article-barbara-abel-derriere-la-haine-pocket-2013-116200832.html
Barbara Abel : Après la fin (Pocket, 2015) - Le blog de Claude LE NOCHER
Un quartier familial et tranquille dans une banlieue d'Île-de-France, où l'on trouve la rue Edmond-Petit, bordée de maisons jumelles. Au n°26, habitent Sylvain et Tiphaine Geniot, avec leur fil...
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Cliquez pour lire mes chroniques sur deux autres romans de Barbara Abel.
Barbara ABEL : L'innocence des bourreaux. - Les Lectures de l'Oncle Paul
Tous à terre ! Le premier qui bouge, je le bute ! Il se fait comprendre quand il veut, Joachim Fallet, jeune drogué en manque et désargenté. Les rares clients de la supérette et le caissier so...
http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2015/06/barbara-abel-l-innocence-des-bourreaux.html
L'Oncle Paul a également chroniqué cet xcellent roman de Barbara Abel.