Depuis 2012, les Espaces Culturels E.Leclerc ont leur prix littéraire polar. Ils ont déjà récompensé Caryl Férey pour “Mapuche” (2012), Paul Colize pour “Un long moment de silence” (2013), Hervé Le Corre pour “Après la guerre” (2014). Cette année encore dix libraires des Espaces Culturels, Michel-Edouard Leclerc et Paul Colize (président du jury en 2015) ont dû choisir parmi les ouvrages sélectionnés : Maxime Chattam “Que ta volonté soit faite” (Albin Michel), Dominique Manotti “Or noir” (Série Noire), Bernard Minier “Une putain d'histoire” (XO Éditions), Fred Vargas “Temps glaciaires” (Flammarion), et Gilles Vincent “Hyenae” (Éd.Jigal).
La lauréate du Prix Landerneau Polar 2015 est Fred Vargas pour “Temps glaciaires”.
On est ravi que soit récompensée une fois de plus une romancière méritante, dont l'œuvre a été maintes fois mise à l'honneur : “Les jeux de l'amour et de la mort” Prix du festival de Cognac 1986 ; “L'homme aux cercles bleus” Prix du festival de Saint-Nazaire 1992 ; “Debout les morts” Prix polar Michel Lebrun de la ville du Mans 1995, Prix Mystère de la critique 1996 ; “Salut et liberté” Trophée 813 de la meilleure nouvelle 1997 ; “L'homme à l'envers” Grand prix du roman noir de Cognac 2000, Prix mystère de la critique 2000, Prix Sang d'Encre des lycéens 1999, Trophée 813 (1999) ; “Pars vite et reviens tard” Prix des libraires 2002, Prix des lectrices ELLE 2002, Trophée 813 (2002), Deutscher Krimipreis 2004 ; “Sous les vents de Neptune” Trophée 813 (2004) ; “Dans les bois éternels” Trophée 813 (2006). Sans oublier la BD “Les quatre fleuves” scénario de Fred Vargas, dessins de Baudoin 2000, Prix ALPH-ART du meilleur scénario Angoulême 2001. Et aussi le “Duncan Lawrie International Dagger” en 2006 et en 2007 (meilleur roman policier traduit en anglais). Il se peut qu'on ait oublié ici d'autres prix littéraires reçus par Fred Vargas.
Au regard de ce palmarès impressionnant, saluons la belle originalité du jury qui a choisi de confirmer pour la énième fois qu'une de nos plus grosses vendeuses de polars méritait un coup de pouce supplémentaire grâce à ce Prix Landerneau. N'ayant lu dans cette sélection finale que le roman noir de Maxime Chattam “Que ta volonté soit faite”, je me garderai bien de donner une opinion sur les quatre autres titres.
Il est vrai que la Série Noire (avec Caryl Férey) a déjà reçu ce prix, ce qui limitait peut-être les chances de Dominique Manotti pour “Or noir”. Il est certain que Bernard Minier (“Une putain d'histoire”) connaît un beau succès dans les ventes de ses précédents titres (“Glacé” qui s'est vu décerner plusieurs prix, “Le Cercle”, “N'éteins pas la lumière”). Publié chez Jigal, auteur d'une dizaine de livres, Gilles Vincent reste le plus discret de cette sélection, encore que son roman “Sad Sunday” ait obtenu le Prix Marseillais du Polar en 2010. Quant à Maxime Chattam, lui aussi multi-récompensé, il aborde dans son polar une autre manière, c'était l'occasion de le souligner.
Question qualité des romans et des auteurs, rien à redire. L'indépendance des jurés, on la suppose entière. L'excellente Fred Vargas de nouveau primée, ça fait toujours plaisir. Peut-on néanmoins s'autoriser à noter que, comme tant d'autres, le Prix Landerneau du polar “vole au secours de la victoire” ? Qu'il ne dépasse guère le degré zéro dans la mise en valeur des talents français actuels ? Les premiers mois de 2015 n'en ont pourtant pas manqué. Il suffit de consulter les catalogues des éditeurs pour s'en apercevoir, autant chez les “grands” que chez le plus modestes.
On me répondra qu'il faut bien choisir. Ou (c'est du vécu) que tel prix doit être réservé “au meilleur du meilleur du roman noir” (la suite ne le démontra pas). Sauf qu'on pourrait citer une douzaine de titres sûrement égaux en qualité à celui récompensé. Sauf que les responsables de ce Prix Landerneau, minimisant tout risque sans doute, ne misent surtout pas sur des auteurs moins connus. Alors que ceux-ci auraient besoin d'une visibilité, de la promotion de grands réseaux de vente. Autant on est heureux de l'initiative de Michel-Edouard Leclerc, autant cet ultra-conformisme vers lequel s'est dirigé ce prix est carrément décevant, pour ne pas dire très discutable. On espère qu'en 2016, davantage de chances seront accordées à de nouveaux talents actuels.