Le périple de Bob débute une grosse vingtaine d'années plus tôt. Mouillé dans une affaire ayant causé la mort d'un flic, ce petit truand Marseillais a intérêt à quitter la métropole. Pour “se mettre au vert”, la Guyane et sa végétation tropicale lui semblent idéales. De la Côte d'Azur, Bob traverse l'océan Atlantique jusqu'en Martinique, y faisant une pause quelques temps avant de repartir vers la destination prévue. À Saint-Laurent-du-Maroni, il fait bientôt la connaissance d'un Bordelais, un blond aux yeux bleus, Guy Descombe. Avec l'aide de celui-ci, l'installation de Bob dans la contrée est fortement simplifiée. D'autant que les autorités y sont moins strictes à l'époque, sauf envers les orpailleurs clandestins.
Avec un guide métis indien, Bob et Guy partent sur le fleuve, à la découverte des beautés de la forêt guyanaise. Le trio tombe justement sur un camp de chercheurs d'or venus du Brésil, qui est détruit par la gendarmerie. Un des Caboclos clandestins a eu le temps de cacher un sac avec leurs réserves d'or. Guy n'hésite pas à l'abattre pour voler le sac, avant de supprimer également leur guide. Le duo ne s'éternise pas côté français, passant vite en face, au Surinam. Guy et Bob obtiennent un bon tarif pour l'or qu'ils échangent, leur fortune est faite. Le trajet vers le Guyana n'est pas sans danger. Prendre un avion pour le nord du Brésil semble le plus sûr. C'est ainsi qu'ils débarquent à Belém.
Si l'aventureux Guy cherche à s'enrichir davantage, Bob sait avoir trouvé ici son paradis. Surtout depuis qu'il a rencontré la belle Eduarda, jeune amatrice de francophonie, issue d'une famille aisée et respectable de Belém. Puisque même les parents d'Eduarda l'ont adopté, Bob veut évoluer vers un autre mode de vie, et s'installer en couple avec sa bien-aimée. Toutefois, Guy reste trop présent dans la vie de Bob, se montrant plutôt violent. Le Marseillais ne se pose pas bien longtemps la question, quand il est piégé dans l'affaire du meurtre d'un bijoutier. S'il est condamné à vingt ans de prison, c'est à Guy qu'il le doit. Ce dernier vient même le narguer au parloir de la prison, car il a “récupéré” Eduarda.
Pendant de nombreuses années, s'étant rapidement imposé dans son univers carcéral, Bob ne vise pas l'évasion. Ce n'est que douze ans plus tard, à l'occasion d'une épidémie de choléra, qu'il va saisir la bonne opportunité. Que serait la liberté sans une planque et des contacts ? À tous points de vue, Bob ne manque pas de ressource. Quand il rentre en Europe, avec étape à Barcelone, c'est avec l'intention de se venger de Guy. Les Catalans l'ont bien renseigné : son ancien complice est devenu un homme d'affaire dans le milieu médical. Ce n'est pas à Paris que Bob compte s'attaquer à Guy, mais sur son terrain à lui, à Marseille. En s'entourant de deux amies, Louise et Rita, pour préparer son coup…
Selon le dictionnaire Larousse, une péripétie est un “événement imprévu, un incident qui intervient dans le déroulement d'une action, marquant un changement.” Nul doute que Gilles Del Pappas connaisse cette définition. Péripéties et rebondissements se succèdent à un rythme soutenu dans cette histoire, en effet. Une grande partie de l'action se passe en Amérique Latine, un décor exotique aux règles alors encore relatives. Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane ? “Une ville western avec saloon et tout ce qui va avec. Forêt primaire, mecs lourdement armés, girelles de tous bords peu farouches, rhum coulant à flot, trafics variés...” Et Belém serait, nous dit-on, une version américano-lusitanienne de Marseille.
C'est un excellent roman d'aventure, avec des scènes mouvementées et meurtrières, mais aussi des moments bien plus nuancés, que nous a concocté Del Pappas. Cet auteur a une trentaine de titres à son actif, ce qui explique sa maestria narrative. Notons qu'en prison, son héros est l'ami d'un détenu politique Italien qui, avant d'être incarcéré au Brésil, vivait tranquillement en France avec sa famille dans sa loge de concierge, obligé de fuir à cause d'un politicien arriviste. Comme toujours, l'auteur nous promène dans sa ville, dans les quartiers moins criminogènes et les plus pittoresques, en tout cas. Un suspense vif, dans la meilleure tradition, un polar comme on les aime.