Charlie Parker est détective privé à Portland, dans le Maine, sur la côte Est des États-Unis. Son épouse et leur fille furent assassinées autrefois, une affaire mal résolue, et Charlie vit séparé de sa seconde compagne, avec qui il a aussi une fille. Avec ses amis Louis et Angel, le détective traque toujours un insaisissable criminel, Le Collectionneur, assisté de son diable d'avocat. Une fois de plus, alors que le trio a repéré une de ses planques, le tueur a pu s'éclipser in-extremis. Retour aux affaires ordinaires pour Charlie Parker. Jude était un SDF bienveillant, généreux, connu de beaucoup de gens à Portland. On vient de le retrouver pendu, on suppose un suicide. Étonnant, pourtant, quand on sait qu'il réunissait depuis quelques jours une petite somme d'argent, afin d'engager Charlie Parker.
Annie Broyer, la fille de Jude, était une jeune femme ayant connu divers déboires durant sa vie. Le SDF était sans nouvelle d'elle depuis quelques temps. Il la rechercha à Bangor, où il apprit qu'elle était passée, puis dans une ville des environs, Prosperous. Là-bas, le chef de la police Morland lui fit bientôt comprendre qu'ils n'avaient jamais vu Annie. Et que lui-même n'était pas le bienvenu dans cette communauté tranquille. Jude insista un peu, mais seul un pro de l'enquête tel que Charlie pouvait arriver à quelque chose. Selon ses contacts dans la police, le suicide de Jude est avéré. Sauf qu'à l'autopsie, on remarque un peu trop d'hématomes sur son corps. Un doute incertain, pas de client pour le payer, mais Charlie essaie quand même de retrouver Annie “parce que personne d'autre ne le fera.”
Comme son nom l'indique, Prosperous est une petite ville qui connaît la prospérité depuis le lointain temps où des exilés venus d'Angleterre s'y installèrent. Ils reconstruisirent même leur église d'origine, devenue un symbole puissant pour tous. À l'origine, leur culte était celui de “la Famille de l'Amour”, religion monothéiste qui s'éloignait sensiblement des autres dans leur pays comme dans le Nouveau Monde. Ils cultivent toujours cette croyance, sous l’œil sévère d'un pasteur-menuisier, Warraner. Encore que, quand le détective se renseigne sur les études de celui-ci, il s'aperçoit que ses qualifications sont relatives. Lors de sa visite à Prosperous, Charlie Parker rencontre le chef de la police, Lucas Morland. Il donne sa version du passage de Jude ici, présentant une image positive de sa ville.
Néanmoins, tout ne va pas pour le mieux à Prosperous. Annie Broyer y fut effectivement kidnappée, puis gardée chez le couple Dixon. Endettés, ceux-ci n'avaient pas le choix. Ils devaient obéir au Conseil, dirigé d'une main de fer par Hayley Coyner. Celle-ci se veut la garante de leurs traditions séculaires. Soutenue non sans fourberie par Thomas Souleby, elle dicte ses volontés même au chef de la police. Annie ayant fui de chez les Dixon, on a placé un fils de la ville chez eux pour les surveiller et estimer leur loyauté. Erin et Harry Dixon songent de plus en plus concrètement à échapper à Prosperous. D'autant plus que le Conseil exige que les Dixon trouvent une autre femme à kidnapper. Pendant ce temps, un loup rôde autour de Prosperous.
Charlie Parker se renseigne auprès de l'institution qui hébergea Annie à Bangor. On lui confirme qu'elle semblait avoir trouvé un job à Prosperous. C'est grâce à Euclid Danes, figure locale d'une ville voisine, que le détective obtient des infos. Il n'est sûrement pas parano quand, provoquant volontiers les habitants d'à côté, il les considèrent telle une secte quelque peu maléfique. Quand plusieurs personnes de Prosperous décèdent le même jour, on pourrait y voir un sombre signe. D'ailleurs, le pasteur et le policier Morland se montrent nerveux quand Charlie revient en ville. Le Conseil organise une réunion de crise, où il est décidé d'abattre le détective. Oui, cette affaire risque fort d'être fatale à Charlie Parker. Mais, avec un coup de pouce du Collectionneur, ses amis Louis et Angel sont prêts à agir, à exercer une vengeance qui va faire des dégâts à Prosperous…
Avec une douzaine de romans à son actif dans cette série, John Connolly connaît un vif succès, largement mérité, grâce aux enquêtes du détective Charlie Parker. Héros meurtri, dont les aventures sont pleines de tension, explorant les frontières de l'ésotérisme mais restant cruellement humaines. C'est évidemment le soin des détails qui offre une densité aux récits écrits par cet auteur. On le constate une fois encore. Par exemple, quand il évoque avec indulgence les SDF : “Sans-abri, c'est un boulot à plein temps. Pauvre, c'est un boulot à plein temps. Voilà ce que ne comprennent pas les types qui déblatèrent sur les défavorisés, et affirment qu'ils n'ont qu'à se trouver du boulot. Ils ont déjà un boulot, et ce boulot c'est survivre…”
Ce qui fascine dans “Sous l'emprise des ombres”, c'est surtout le portrait de cette ville de Prosperous. C'est un endroit dont on se dit qu'il peut exister dans la réalité, à l'image des bourgades amish ou des mormones dissidentes. Une ville aisée, imprégnée par un esprit religieux, héritage des ancêtres, qui se protège en cultivant ses coutumes. On pourrait imaginer que la population, votant Démocrates, acceptant sans problème l'homosexualité, est tolérante (c'est la devise de la ville).
Derrière la façade respectable d'une communauté tranquille, juste prudente envers les nouveaux venus, de plus noirs secrets sont masqués par les décisions quasi-dictatoriales d'un Conseil occulte. Qui aurait droit de vie et de mort sur quiconque “menace” (à leurs yeux) la paix apparente de Prosperous. Il est troublant de penser que ça n'a rien d'impossible, quand on sait comment la loi s'exerce parfois aux États-Unis. L'auteur y ajoute le mythe du loup, symbole malsain et néfaste. John Connolly signe ici une des plus palpitantes aventures de la série Charlie Parker, un suspense de très belle qualité.
John Connolly : Tout ce qui meurt (2001 - Pocket 2002) - Le blog de Claude LE NOCHER
Retour sur le premier roman de la série Charlie Parker. John Connolly nous plongeait d'une manière assez abrupte dans le sanglant monde de son héros. Scènes choc, descriptions ultra-réalistes ...
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