En ce mois de mai 1983, c'est dans le Haut-Quercy que séjourne Séraphin Cantarel, conservateur en chef des Monuments français. Toujours accompagné de son assistant, le jeune et dynamique Théo Trélissac. Cité médiévale à flanc de falaise et citadelle de la Foi, où l'on vient prier la Vierge Noire protectrice des marins du monde, Rocamadour est un site que Cantarel apprécie tout particulièrement. Pour ses trésors, autant que pour ses jardins magnifiques, dus à Vincent Alvignac, un jeune homme très inspiré qui s'en charge à l'année. Certes, le confort est un peu rudimentaire dans cette Chambre de l’Évêque, rarement ouverte, où loge Séraphin Cantarel. Il s'en accommode, le temps de sa mission.
Il n'a pas commencé sous de bien gais auspices, le voyage dans le Lot de Cantarel et de Théo. Le cirque Di Cantelloni annonçait un spectacle de féerie et de frissons. En effet, le principal numéro présenté par un couple d'artistes s'avéra plein de fascinant suspense, dans une tension palpable. On pouvait croire le partenaire en danger, jusqu'à la fin. Alors que le numéro semblait fini, un drame étrange se produisit. Séraphin Cantarel ne peut pas totalement gommer ces cruelles images. Ce matin-là, c'est un des joyaux du musée local qui vient de disparaître. “La Pomme d'or” contient huit-cent-cinquante grammes d'or pur, ce qui représente un beau pactole. L'objet par lui-même n'est pas monnayable, mais le métal précieux trouve toujours acquéreur.
Il ne semble pas y avoir d'effraction. La châsse contenant l'objet précieux n'a pas été fracturée. Rien d'autre n'aurait été volé. Avant même l'arrivée des gendarmes, plusieurs notables locaux se mêlent de l'affaire. À commencer par le père Pechmalbec, responsable religieux, et le prétentieux colonel Delmont de Gay-Lussac, président des Amis du musée d'Art sacré. Cantarel laisse les enquêteurs opérer non sans éprouver, comme à chaque fois qu'il est face à un mystère, une certaine excitation. En partie due à l'orage aussi, qui sait ? Conservateur du musée, l'historien Christian Lasourre ne serait pas fâché que l’État soit le futur propriétaire des lieux. Mais une anonyme lettre de menace vient de lui parvenir, qui doit être l'œuvre de quelqu'un de connaissance. Il devrait probablement prendre la chose au sérieux. Déjà, la presse s'empare de l'affaire. Cantarel et son entourage n'en sont qu'au début de leurs tribulations...
Voici la cinquième aventure mettant à l'honneur Cantarel et Trélissac, hommes de culture et détectives amateurs. C'est durant les décennies 1970-80 que se situent les intrigues présentées. Un très bon choix de l'auteur permettant de restituer des ambiances moins technologiques, quant aux enquêtes. Certes, les lieux choisis connaissaient déjà un tourisme de masse, bien exploité. Pourtant, on échappait encore à un désolant “calibrage” parfois observé depuis dans les lieux touristiques populeux. Ces années-là, Rocamadour se visitait agréablement, je peux en témoigner. Un site effectivement singulier.
Coauteur par ailleurs avec Noël Balen de la série Le Sang de la Vigne, Jean-Pierre Alaux n'a nul besoin d'éloges pour souligner sa maîtrise des histoires. Le récit est émaillé de multiples références – précises et bienvenues – sur les facettes diverses des lieux, du passé, de faits plus ou moins récents. Bonne occasion de s'instruire, bien sûr. Dans le même temps, l'énigme est fortement présente, peut-être teintée d'étrangeté, avec ses protagonistes à surveiller. Notons encore que le jeune Théo trimballe toujours ses petits secrets personnels, au fil des épisodes. Et que l'ironique Mme Cantarel apparaîtra, elle aussi. Encore un très bon suspense dans cette série, qu'on prend grand plaisir à lire.
Mes chroniques sur les quatre précédents épisodes de la série.