En 1960, en pleine Guerre Froide Est-Ouest, l'armement atomique inquiète les nations. À Strasbourg, dans un îlot sur le Rhin, se trouve un zoo désaffecté et sécurisé par de hauts grillages. C'est là que va se réunir la Sous-commission du désarmement atomique, qui se compose de physiciens : un Américain, un Russe, un Anglais et un Français. Imaginer des solutions pour que cesse l'escalade, pour éviter que n'importe quel pays se procure trop aisément l'arme nucléaire, telle est leur mission. La technicité des détonateurs fait partie des éléments à étudier. Leurs travaux ne doivent pas être ébruités, ou le moins possible en cette époque où l'espionnage est omniprésent.
Les scientifiques sont sous la protection d'un agent secret pour chacun de leur pays. C'est au général Berthomieu, dit le Vieux, semi-retraité des Services de Renseignements, qu'a été confiée la mission d'encadrer la sécurité des physiciens. Les trois espions étrangers ont rangé leurs animosités, conscients de la compétence du Vieux. Pour la France, c'est Geo Paquet qui est présent. "Le Gorille" a quitté le service actif, pour vivre tranquille avec sa femme Chaboute et leurs deux enfants. Néanmoins réserviste, il a la confiance de son ancien chef, Berthomieu. La Sous-commission du désarmement atomique est enfermée dans la moiteur du zoo réaménagé, jusqu'à ce qu'en sorte quelque chose de concret.
On a désigné le scientifique français Pons pour diriger les débats. Faire pression sur les États pour que les rampes de fusées, les stocks d'armes atomiques et les secrets de fabrication disparaissent, c'est un "vœu pieu", tous le savent. Pourtant, une commission internationale de contrôle peut s'envisager. C'est alors que disparaît un document capital, figurant parmi les éléments techniques. Geo Paquet est soupçonné par tous les autres de l'avoir dérobé. Ce qui est peu logique, vu qu'il s'agit d'un document produit par la France. Le général Berthomieu renforce illico la sécurité, physiciens et agents étant confinés dans l'espace où se tiennent les débats. La tension est vive entre les quatre agents secrets.
Le Vieux fait venir à Strasbourg le placide et fidèle Berthier, l'ancien adjoint du Gorille. Il doit convaincre Geo Paquet de restituer le document disparu. Les fouilles sont fréquentes, mais on ne trouve rien sur le Gorille, ni nulle part. Passer pour un traître ne semble pas inquiéter Geo. De son côté, le Vieux doit calmer un Délégué gouvernemental qui ne tient pas à ce que cette situation nuise à la grandeur de la France. Berthomieu fait venir sur l'Île interdite Chaboute, la femme de Geo Paquet qui pourrait le raisonner, ainsi que celle de Jack Wait, l'agent secret anglais. Le climat n'en est pas plus convivial pour autant. Il serait bon que les quatre savants trouvent une solution avant que ça dégénère…
De 1954 à 1983, Antoine Dominique a produit soixante-quatre romans dans la série "Le Gorille", dans la Série Noire jusqu'en 1961, puis chez Plon à partir de 1978. Au cinéma, c'est Lino Ventura qui incarna en 1958 le personnage de Geo Paquet dans “Le Gorille vous salue bien”, puis Roger Hanin reprit le rôle dans “La valse du Gorille” (1959) et “Le Gorille a mordu l'Archevêque” (1962). Début des années 1990, une série-télé avec Karim Allaoui dans le rôle du Gorille s'inspirait du même héros. Dans cette version, “La peau du Gorille” s'éloigne beaucoup du roman original.
La situation politique internationale a considérablement changé en cinquante-cinq ans, ce livre datant de 1960. Non pas qu'elle soit allée en se simplifiant, elle est même sûrement plus complexe qu'à cette époque. Quatre pays seulement se partageait l'arme atomique, l'OTAN et l'URSS étant les deux blocs opposés. Équilibre relatif, mais suffisant à limiter les guerres locales, et à éviter un nouveau conflit mondial. Conserver cette position, tel est le but de ce huis-clos dans un endroit insolite et discret. Mais il se produit un grave incident, qui constitue l'unique nœud de l'intrigue.
En ce temps-là, le roman d'espionnage se vendant facilement, il n'était pas indispensable de développer un sujet très énigmatique. Il n'y avait qu'à cultiver l'ambiance, avec des personnages de type baroudeurs, pour obtenir un honnête roman d'aventure. En ajoutant çà et là l'annotation "authentique", on était censé expliquer au lecteur les arcanes de la Guerre Froide. Et l'on glorifiait la suprématie de la France, d'une puissance égale à celle des États-Unis et de la Russie communiste. Ces histoires ont évidemment beaucoup vieilli, mais on peut les lire comme un témoignage sur cette période révolue.