Alors que nous manquons de recul, il faudrait réagir à chaud sur les carnages ayant causé dix-sept victimes en quelques jours. “L'immédiat” comporte autant de mauvais côtés que de bons aspects. La mobilisation autour du slogan “Je suis Charlie” rappelle que la liberté d'expression est notre trésor à tous. Cette formule est à l'opposé de la pensée dominante actuelle, qui prône le chacun-pour-soi et l'intolérance. Dans sa sobriété, elle exprime une notion quasi-disparue : la solidarité. Pour nous, la population citoyenne, ça va au-delà de l'émotion et de la part de révolte qui nous habitent. Comment ne pas avoir une pensée solidaire pour les proches de toutes les victimes de cette barbarie ?
“L'immédiat” comporte certains risques, dont celui de trop vite cesser de réfléchir. Dès demain, le danger semblant écarté, allons-nous si vite tourner la page ? Faut-il laisser la place aux démagogues décomplexés de tous bords, qui sèment et cultivent la haine ? À tous les ultras fanatisés, aux lobotomisés et à leurs obsessions fantasmées. Aux beaufs, que Cabu a si justement caricaturés. Aux puritains qui détestaient les donzelles délurées de Wolinski. Je les pleure douloureusement, ces deux-là, si vous saviez. Liberté, solidarité, tolérance et dignité sont, à mes yeux et sans donner aucune leçon, les valeurs à défendre aujourd'hui. Ce sera mon unique contribution à un débat qui s'annonce pollué.
À Ahmed Merabet, policier du 11e arrondissement ; Frédéric Boisseau, agent d’entretien ; Franck Brinsolaro, brigadier au service protection ; Cabu, Charb, Philippe Honoré, Tignous et Wolinski, dessinateurs et journalistes ; Elsa Cayat, psychanalyste et chroniqueuse ; Clarissa Jean-Philippe, policière municipale à Montrouge ; Mustapha Ourad, correcteur ; Bernard Maris, économiste ; Michel Renaud, fondateur du festival Rendez-vous du carnet de Voyage, et aux quatre victimes de l'Hyper Cacher : Yoav Hattab, Philippe Braham, Yohan Cohen, François-Michel Saada.