À Londres, James Trelawney et Andrew Singleton ont acquis une belle réputation en tant que “détectives de l'étrange”. En cet automne 1938, la paix n'est que relative en Europe après les fallacieux Accords de Munich. S'il ne renonce pas à prévoir un séjour sur le continent, le duo s'accorde d'abord quelques vacances aux États-Unis. Ils y retrouveront un ancien compagnon d'université, Stuart Latham Dauncey. Comédien sans avenir, celui-ci s'est reconverti comme rédacteur au “Hollywood Citizen-News”. Échotier du cinéma, où la production très active de films entraîne infos et rumeurs, Stuart Dauncey connaît sa part de notoriété. La villégiature des détectives est programmée de fin-novembre à mi-décembre.
C'est au “Mayflower Hotel” de Los Angeles qu'ils louent une suite. Ainsi James Trelawney peut-il fréquenter les soirées mondaines, espérant y côtoyer les stars féminines du monde hollywoodien, tandis qu'Andrew Singleton va passer son temps à la bibliothèque, la Los Angeles Public Library. Il y étudie la vie et l'œuvre de Jack London, ainsi que les troublants mouvements eugénistes qui se sont créés en Californie. La sélection génétique apparaît tel un symbole de modernité, légitime à cette époque. Au soir d'une journée festive, le duo se trompe de route pour regagner la ville, se perdant dans les brumes de Mulholland Highway. Du côté de Malibu Lake, leur automobile heurte un effrayant personnage, qui s'enfuit.
“C'était une sorte de créature fantastique mi-homme, mi bête, échappée tout droit d'un conte populaire, et dont les yeux ténébreux étaient fixés sur moi. Sa face toute entière, ses oreilles, son cou, de même que l'extrémité de ses membres, tout chez lui était recouvert d'une épaisse fourrure.” Singleton et Trelawney pensent avoir vu une sorte de loup-garou. À moins qu'il ne s'agisse d'un canular, d'une opération publicitaire en ces temps où les films d'horreur font la fortune des studios de Hollywood ? Si le duo est perturbé, l'histoire amuse leur ami Stuart Dauncey. Néanmoins, on apprend qu'une jeune femme a été sauvagement égorgée ce soir-là vers minuit près de Malibu Lake.
Stuart identifie rapidement la victime, Innes Crowrie, serveuse dans un cabaret, l'Angels Club. Singleton et le journaliste partent à la découverte de l'établissement, qui s'avère singulier. On peut y assister à des spectacles avec des artistes genre sœurs siamoises, des Freak Shows. Le couple de propriétaire, Sam Llewellyn et sa femme Eileen, prétendent ainsi protéger ces monstres humains. Innes Crowrie avait aussi sa particularité physique. Ils suspectent un des deux nains ayant rôdé récemment autour du club. À la bibliothèque, Singleton s'informe plus tard sur le syndrome d'Ambras, possible explication concernant le lycanthrope qu'ils pensent avoir vu cette nuit-là.
De retour sur Mulholland Highway, Trelawney et Singleton explorent les alentours du cottage du crime. C'est en face, dans Malibu Lake, qu'ils découvrent le cadavre de leur loup-garou. Ils alertent la police, en la personne du sergent Terrence Latimer. Le capitaine Chambers serait, lui, d'avis de clore cette affaire. Le défunt lycanthrope possédait un livre de Victor Hugo, “L'homme qui rit”, qui fut adapté au cinéma. L'aide de Random et Brisbee, le duo de nains suspecté par Llewellyn sera fort utile aux deux détectives. C'est dans le désert Mojave qu'ils trouveront des réponses, dans un “castello” de style mauresque...
Lorsqu'on veut faire évoluer des héros dans un contexte aussi complet que possible, il est indispensable de se documenter très précisément. Ce qu'à fait l'auteur, pas uniquement sur le cinéma ou au sujet des phénomènes de foire appelés Freaks, mis en valeur par le célèbre film de Tod Browning. Les décors et la géographie de Los Angeles et de sa région sont aussi évocateurs, ainsi que l'ambiance festive en ces temps de Prohibition. Parmi les mouvements intellectuels, la Société Théosophique et ses théories raciales sont également esquissées. Depuis peu, c'est le triomphe pour les adaptations des romans noirs tels ceux de Raymond Chandler, avec Humphrey Bogart ou autres “gueules” du grand écran.
Toutefois les films d'horreurs séduisent encore. Si la carrière du cinéaste Tod Browning se termine presque, Boris Karloff, Basil Rathbone, Lon Chaney Jr, Lionel Barrymore ont toujours un public. C'est dans cette ambiance-là que débarque ce duo d'enquêteurs, plutôt dans la tradition de Holmes et Watson. Ils sont davantage habitués à une part de mystère irrationnel, que leurs confrères américains. Leur ami reporter Stuart Dauncey fait le lien entre les deux cultures. Hommage est rendu aux monstres humains exhibés dans les Freak Shows, tandis que Trelawney et Singleton sont plongés dans une aventure aussi palpitante que troublante. Un riche et captivant suspense !
Fabrice BOURLAND : Hollywood Monsters. - Les Lectures de l'Oncle Paul
http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2015/02/fabrice-bourland-hollywood-monsters.html
L'Oncle Paul chronique aussi ce roman, cliquez pour avoir son opinion.