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25 décembre 2014 4 25 /12 /décembre /2014 05:55

Pour ce Noël 2014, Action-Suspense vous propose un petit quiz. Savourez cet extrait d'un grand classique de la Série Noire, dialogue entre le héros et un flic. Êtes-vous capable de reconnaître ce roman, son auteur, son personnage principal ? N'hésitez pas à suggérer vos réponses dans les commentaires !

Quiz de Noël 2014 : extrait-mystère d'un classique du roman noir

« J'allai à la salle de bains et tamponnai à l'eau froide ma joue tuméfiée. Je me regardai dans le miroir, j'avais la pommette en compote, avec des reflets noirâtres et des balafres ouvertes par le canon du pistolet. Mon œil gauche était, par-dessus le marché, souligné d'un coquard blême. Je n'allais pas être beau à voir pendant quelques jours.

Là-dessus, j'aperçus le reflet d'Ohls dans la glace. Il faisait rouler entre ses lèvres son éternelle cigarette non allumée, comme un chat qui asticote une souris à moitié morte, essayant de la faire courir une dernière fois.

La prochaine fois, n'essaie pas de faire le mariolle avec les flics, dit-il (…)

Je me tournai vers Ohls.

Les coyotes du désert auront de quoi se nourrir cette nuit. Félicitations. Le métier de flic élève vraiment l'âme, Bernie. Le seul problème dans la police, ce sont les policiers.

Dommage pour toi, héros, dit-il avec une férocité soudaine. J'ai eu du mal à pas rigoler quand tu es rentré chez toi pour te faire tabasser. Ça m'a fait plaisir, figure-toi. C'était un sale boulot qui devait être fait salement. Pour faire parler ces gens-là, il faut leur donner un sentiment de puissance. T'as pas été trop amoché, mais il fallait bien les laisser te sonner un peu.

Désolé, désolé que tu aies dû souffrir comme ça.

Les traits tendus, il me dévisagea agressivement.

Je peux pas encaisser les gens qui vivent du jeu, dit-il avec une violence soudaine. Ils sont aussi dégueulasses que les trafiquants de drogue. Tu t'imagines que dans leurs grosses boîtes de Las Vegas ou de Reno, il n'y a que des types pleins aux as qui vont se ramasser au jeu pour se marrer ? Mais c'est pas ceux-là qui font marcher le racket, c'est la foule des pauvres pigeons qui paument régulièrement le peu de fric qu'ils peuvent mettre de côté (…) Et chaque fois que le gouvernement prend sa part sur le jeu en appelant ça des impôts, il contribue à la prospérité de la pègre. Le coiffeur du salon de beauté y va de ses deux dollars, ils sont ramassés par le syndicat qui fait son beurre. Les gens veulent une police honnête, non ? Pourquoi ? Pour protéger les bookmakers ? Nous avons des courses de chevaux légales dans cet État toute l'année. Elle ne sont, en principe, pas truquées, et l’État touche sa part (...) Ça c'est du jeu légal, mon pote, un business réglo, sans bavure approuvé par l’État. Alors, tout va bien, non ? Mais pas pour moi ; pas du tout. Parce que c'est un truc qui engraisse les flambeurs. Et, tout bien pesé, il n'existe qu'une forme de jeu : l'arnaque.

Alors, ça va mieux ? Lui demandai-je en tamponnant mes blessures à l'iode décoloré.

Je ne suis qu'un vieux flic flapi et blasé. Et je suis en rogne, voilà tout.

Je me détournai pour le regarder.

Tu es un flic épatant, Bernie, mais tu te plantes complètement. En un sens, les flics sont tous pareils. Ils interviennent toujours à tort. Si un type perd sa chemise au craps, interdisez le jeu. S'il se cuite, interdisez l'alcool. S'il tue quelqu'un dans un accident de voiture, arrêtez de fabriquer des bagnoles. S'il se fait pincer avec une nana dans une chambre d'hôtel, interdisez la baise. S'il tombe dans l'escalier, ne bâtissez plus de maisons.

Oh, la ferme !

Que je la ferme, surtout ! Je ne suis qu'un citoyen quelconque. Passe la main, Bernie. Si on a des truands, des mafieux, des équipes de tueurs, ce n'est pas à cause des politiciens véreux et de leurs acolytes à la mairie et dans les tribunaux. Le crime n'est pas une maladie, c'est un symptôme. Les flics me font penser aux toubibs qui te refilent de l'aspirine pour une tumeur au cerveau, tandis que les flics la soigneraient plutôt à la matraque...»

© Gallimard.

Quiz de Noël 2014 : extrait-mystère d'un classique du roman noir
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commentaires

P
A l'occasion du soixante-dixième anniversaire de la SN aurais-tu pensé à rendre un petit hommage à John (Jean) Amila, auteur majeur du Polar français? A son propos, il est souvent fait référence, et à juste titre, à &quot;La Lune d'Omaha&quot; ou au &quot;Boucher des Hurlus&quot;. Ses deux premiers titres à la SN, sous le pseudo de John Amila, &quot;Y'a pas de Bon Dieu !&quot; et &quot;Motus !&quot; sont aussi la marque d'un précurseur dont pas mal d'auteurs de romans noir se réclament aujourd'hui (on pourrait aussi citer &quot;les Coups&quot; ou &quot;Nous avons les mains rouges&quot; publiés à l'origine dans la collection blanche de chez Gallimard, sous son nom : Jean Meckert).<br /> Amitiés<br /> Pierre
Répondre
P
Mais je le sais Claude.Ton choix était d'ailleurs intéressant.<br /> Amitiés
C
Mon cher Pierre, il y a cinq ans (à quelques jours près) j'avais rendu un petit hommage à Jean Amila à travers trois titres &quot;Jusqu'à plus soif&quot;, &quot;Langes radieux&quot; et &quot;Au balcon d'Hiroshima&quot; :<br /> http://www.action-suspense.com/article-jean-amila-un-hommage-trois-romans-41559770.html<br /> Il n'est pas du tout exclu qu'on en reparle dans les mois à venir.<br /> Amitiés.
P
Alors, c'est vrai, j'ai gagné un bon pour un Kig ha Farz aux restos du coeur de Lamballe!<br /> Amitiés<br /> Pierre
Répondre
C
Salut Serge<br /> Je pense qu'une « rétrospective » de titres de la Série Noire peut intéresser les lecteurs. Il y en aura d'autres, bien sûr. Pas forcément les noms éternellement cités, mais aussi des auteurs un peu plus oubliés. Ce n'est pas à toi que je rappellerai que le polar, c'est une Histoire et une culture, qui remonte bien plus loin que ces vingt dernières années.<br /> Quant à l'avenir proche, citons Aurélien Masson : « ...Et comme une collection, c’est aussi une image, une identité, une certaine forme d’appartenance, en 2015, la Série Noire inaugure une nouvelle couverture : retour du liseré blanc, retour des couleurs mythiques noir et jaune, mise en avant du logo, cette nouvelle maquette est comme un pont jeté entre le passé et l’avenir...»<br /> Les auteurs publiés en 2015 : Thomas Bronnec et Elsa Marpeau, en janvier. Elizabeth Silver et Markus Sakey, en février. Dominique Manotti et Jean-Bernard Pouy, en mars. DOA et Jo Nesbo, en avril. Sébastien Raizer, en mai. Patrick Pécherot, en septembre. DOA (2e tome) et Jo Nesbo encore, en octobre. Brigitte Gauthier, en novembre. <br /> Amitiés.
S
Flûte, j'arrive trop tard: je viens juste de retrouver le passage (p.1159) dans le Quarto Gallimard! Moi, je suis bon pour faire la plonge aux Restos du Coeur (:o))...<br /> L'occasion, Claude, de saluer l'hommage que tu rends depuis plusieurs jours à la SN. Je crois avoir lu que cette vénérable dame va de nouveau revêtir des atours jaunes et noir pour ses 70 ans prochains...<br /> Amitiés.
C
Salut Pierre<br /> Tu le demanderas à Loïc Cauret, inamovible maire de Lamballe (je l'ai souvent croisé, mais on ne se connaît pas). Il te le donnera sûrement, mais non sans remarques caustiques car il a son franc-parler. Amitiés.
C
Bravo à nos experts du roman noir qui ont reconnu l'œuvre de Raymond Chandler. Comme l'a précisé Pierre, c'est un extrait de “The long goobdye” (Sur un air de navaja). Une enquête de Philip Marlowe publiée en 1953. Traduction de Janine Hérisson et Henri Robillot, révisée par Cyril Laumonier. <br /> Le style Chandler, que souligne Boris, m'a semblé bien résumé dans cet extrait : de l'action musclée (Marlowe ayant fait les frais de la castagne) plus une réflexion sociétale. Non sans un certain humour. <br /> Une seule conclusion : il faut lire et relire Raymond Chandler !
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B
J'arrive un peu tard, mais j'avais aussi, dès la première ligne reconnu Chandler ! C'est beau un auteur dont on reconnait tout de suite le style et la tonalité !!!
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R
Il s' agit effectivement du &quot; Le grand sommeil&quot; de Raymond Chandler avec son héros principal <br /> Philippe Marlow et le fameux Bernie Ohls <br /> Amitiés<br /> Robert
Répondre
P
Salut Claude, Bien que je ne lise aujourd'hui que des polars francophones, il me semble reconnaître là un des incontournables de la Série Noire. Je proposerais donc: <br /> Raymond Chandler, Sur un air de Navaja (The Long Goodbye), Gallimard, Série Noire, 221, 1954 <br /> (enquête de Philip Marlowe) . Traduit à l'origine par Janine Hérisson et Henri Robillot , ce texte a été révisé par Cyril Laumonier à l'occasion de sa réédition en 2013 dans la collection &quot;Quarto&quot; chez Gallimard.<br /> Bonne journée.<br /> Amitiés<br /> Pierre
Répondre
J
Le grand sommeil, de Raymond Chandler
Répondre

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