Londres, début des sixties, un vendredi soir. Gelina, employée âgée de vingt-cinq ans, est blasée de ces clubs de la rive nord, où elle séduit les hommes avec trop de facilité. Cette fois, elle compte explorer les quartiers populaires de la rive sud. Elle va goûter l'ambiance d'une salle des fêtes municipale où a lieu un bal. C'est le quinquagénaire Edgar Cuthbert, marié et patron des Charbons Cuthbert, qui est l'organisateur de ces soirées, ainsi que de combats de boxe au même endroit. Demain soir samedi, le jeune boxeur Bimmy Rex (“Le grand espoir de Knightsbridge”) sera opposé à Roy Flinch, en début de séance. À cause de ses violents maux de tête, Bimmy a décidé que ce serait son dernier combat, mais qu'il donnerait le maximum. Pour l'heure, il suit son copain Tony la Gamberge (qui se prend pour un grand voyou) pour un petit casse qui ne leur rapportera que quelques Livres.
Modeste vendeur vivant chez sa mère, Jack Webber est un habitué de ces soirées festives. Néanmoins, il a peu de succès avec les jeunes filles, au final. Il est assez surpris de se faire draguer par Gelina. Quand la jeune femme fait la connaissance d'Edgar Cuthbert, elle sent qu'il s'agit d'une bonne cible. Après leur mauvais coup, Bimmy et Tony se sont invités au bal. Le boxeur tente sa chance avec Gelina, attentive à son parcours pugilistique. Plus tard, quand il lui confie sa décision d'arrêter à cause de ses douleurs, Gelina parvient à l'en dissuader. Toute la soirée, la jeune femme navigue entre ses trois soupirants. Edgar Cuthbert va amasser un petit pactole ce week-end. Il envisage sérieusement de quitter sa vie ordinaire pour en profiter au soleil avec Gelina. Celle-ci se dit d'accord pour le suivre dès le lendemain soir, samedi, une fois empoché la caisse du combat de boxe.
Jack Webber se demande comment impressionner la belle Gelina. Elle lui a laissé entendre qu'elle n'aimait que les durs, les marginaux. C'est décidé : Jack, plutôt un romantique, lui fera croire qu'il est un authentique truand. Pour éviter de rentrer chez elle sur la rive nord, Gelina a passé la nuit avec le voyou Tony. Ça ne restera pas un grand souvenir sexuel, et elle se dit que ce petit voleur mériterait même d'être dénoncé à la police. Ayant fait le bilan de la veille, Gelina est très satisfaite. Son samedi est bien planifié, afin de continuer à manipuler Bimmy, Jack et Cuthbert. Ayant parié contre lui, Tony fait pression sur son copain boxeur afin qu'il perde le combat. Ce qui fait cogiter Bimmy. Tandis que Jack et Gelina arrivent pour assister au combat, Edgar Cuthbert rassemble le maximum de fric pour son départ imminent avec la jeune femme…
Né le 28 novembre 1929, le romancier Mark McShane serait décédé le 28 août 2013 aux Baléares [source www.imdb.com]. Plusieurs de ses romans furent traduits pour la collection Panique (Gallimard), pour Le Masque et la Série Noire. “La teigne” (The passing of evil) fut réédité chez Série Noire en 1973, après une première édition en 1963 dans la coll. Panique. Quatre romans de Mark McShane ont été transposés à l'écran : Le rideau de brume (1964, Seance on a wet afternoon), The Grasshopper (1970, The passing of evil), The trouble with spies (1987, d'après un roman signé de son pseudo, Mark Lovell), Seance (téléfilm japonais, 2000). “The Grasshopper”, adapté de “La teigne” avec Jacqueline Bisset dans le rôle principal, se déroule au États-Unis et s'éloigne largement du sujet initial.
L'action se situe dans les quartiers londoniens du sud de la Tamise. Il faut se souvenir que, à l'opposé de l'aristocratique et fort animée rive nord de la ville, c'étaient les milieux populaires et ouvriers qui habitaient là à cette époque. Si l'on appartenait aux quartiers chics, on n'allait guère s'encanailler chez le bas-peuple. Pourtant, la perverse Gelina est venue s'y amuser pour occuper son week-end. Afin de se procurer un peu d'excitation, elle brouille les cartes. Plusieurs hommes vont en faire les frais. Ce qui explique le titre original qui pourrait se traduire par “Le passage du mal”. Sous son air d'ingénue, Gelina provoque diverses conséquences. Les portraits de ses quatre victimes sont très réussis, celui du jeune boxeur (que l'on verra combattre) restant sans nul doute le plus touchant.
Un roman injustement oublié de la Série Noire, malgré une intrigue de très belle qualité.