Serge Dahan est un Toulousain âgé de soixante-deux ans. Retraité des assurances, il peint en amateur. Son épouse Sylvia est décédée il y a quelques temps. Leur fille Marie, trente-sept ans, est policière municipale. Divorcée, elle est la mère de Marius, dix-sept ans, qui a l'habitude de faucher un peu de fric à son grand-père pour le perdre au poker. Serge vit dans le quartier Reynerie, un ensemble de hauts immeubles pas franchement accueillant. Il pourrait habiter ailleurs, mais Serge y a ses habitudes. Il s'entend bien avec sa voisine quadragénaire, la gouailleuse prostituée Nadine. Il n'en profite pas sexuellement.
Un soir, Emma Silvano, la docteur du quartier, est assassinée par un trio de voyous qui cherchaient de la drogue. Serge a toujours apprécié cette femme-médecin compréhensive, en particulier dans le cas de Sylvia. Ayant assisté à la scène, il sait que c'est Dany et sa bande qui l'ont tuée. Mais à Reynerie, il est prudent de n'avoir rien vu, de se taire. Ce que fait Serge quand la police l'interroge, prétextant qu'il était en train de peindre. Même pour Nadine, il garde la même version. Sans doute lui faudra-t-il trouver un remède contre l'impunité de Dany, le moment venu. Mais une autre question le taraude.
Sylvia avait l'habitude de se rendre au Musée des Abattoirs. Elle restait comme fascinée devant une toile de Roland Topor, “La jeune fille en pleurs”, datant de 1982. Un gardien confirme qu'elle venait une fois par semaine, ce qui est un peu trop souvent. Le visage de la fille du tableau rappelle quelqu'un à Serge. Ou plutôt non, car il n'a pas connu la jeune sœur de son épouse, Lily. Il l'a juste vue sur des photos, car elle est décédée à cause d'un accident de voiture, bien avant leur mariage. Topor n'ayant jamais vraiment séjourné à Toulouse, encore moins à Saint-Martin-du-Touch, il n'a pu la connaître mais elle ressemble à Lily. Son beau-père Antoine Marino, Serge et sa femme ne l'ont jamais fréquenté…
Il s'agit d'une nouvelle d'environ trente pages, due à cet expert en textes courts qu'est Marc Villard. Dans la même collection sous l'égide de Patrick Raynal, on trouve aussi “Les joies de la famille” de Pascal Dessaint et “Drôle de tram” de Jean-Bernard Pouy. Pour se procurer ces titres, il est toutefois préférable d'habiter dans l'agglomération toulousaine. Car ces fascicules Tisséo-Polar sont produits et diffusés par la société des transports urbains (métro, bus, tram) de Toulouse, finançant des projets artistiques sur son réseau et via ces petits livres. Le polar étant un genre littéraire populaire, une initiative de bon aloi visant à toucher le public au quotidien.
Ceux qui liront “La fille des Abattoirs” pourront vérifier que Marc Villard ne se contente pas d'un texte passe-partout, loin s'en faut. On sait le soin qu'il apporte à chaque nouvelle. Le contexte est géographiquement situé dans la région toulousaine, sans masquer que certains quartiers sont “sensibles”. L'intrigue exploite non pas une idée, mais deux, tenant autant à cœur au modeste héros de cette histoire. La brièveté relative du texte n'empêche pas de parfaitement dessiner des personnages crédibles. Un court suspense qui se lit avec grand plaisir. Accessible à tous, du moins si vous avez des amis à Toulouse ou si vous vivez dans la région.