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6 novembre 2014 4 06 /11 /novembre /2014 06:26

Quatre joueurs attablés : C'était il y a dix ans, une photo en témoigne. Steins, Caron et le narrateur formaient un petit groupe d'oisifs désinvoltes, aux plaisirs narcissiques. Leur égérie, c'était la belle Eva, dont ils avaient tous été l'amant. Eux et bien d'autres, car les idolâtres ne manquaient pas autour d'Eva. Elle avait écrit un livre sur sa vie, ses libres expériences. Un ouvrage qui connut un beau succès, apprécié même des critiques. Si la célébrité fut pesante pour Eva, d'autres s'y accrochent quand ils en bénéficient.

Aux abois : Un septuagénaire est décédé en bas de son immeuble. “À l'évidence, l'enquête de voisinage ne donnerait rien. Au mieux, les uns et les autres nous décriraient une ombre furtive et des soupçons inventés après coup. La violence de ces dernières heures leur donnerait raison.” Pourtant, Louis Lorrain est mort injustement, la bêtise collective ayant fait son œuvre. Victime insignifiante, qu'on s'empressera d'oublier par lâcheté... Un texte inspiré d'un vrai drame, où les fautifs ne méritent pas l'absolution.

La racine du fleuve : Une grande ville bourgeoise d'autrefois, quelque peu endormie. Dans le cercle des magistrats locaux, si fiers de leur statut social, l'arrivée du juge Touraine ne passa pas inaperçue. Il venait des Colonies, où il avait exercé de hautes fonctions dans la Pénitentiaire, disait-on. On lui donna comme assistant le modeste greffier Rohmer, qui nota l'allure hautaine du juge : “Je ne le voyais que de profil mais l'essence était là, une splendeur ancienne, pareille à celle des statues antiques que rongent une lèpre lente, jour après jour. Siècle après siècle. Sous la peau, sous l'os, j'ai vu briller une âme corsetée, perchée sur un balcon à l'aplomb duquel nous pourrions défiler jusqu'à l'épuisement sans jamais l'émouvoir.” Dès le premier crime qu'il eut à traiter, la méthode du juge Touraine parut singulière. Il resta secret, comme au sujet de cette jeune lingère du Royal Bellevue. Il fréquentait aussi La Forge, un bouge du quartier le plus mal famé de la ville. Il intervint sûrement pour faire libérer le nommé Bellonte, une crapule rencontrée à La Forge, devenu son partenaire d'échecs. Le meurtre d'une fillette de huit ans, Marie-Céleste, fuit suivi de l'arrestation du coupable. Touraine fut chargé de le faire avouer… Le noir passé du juge peut-il le rattraper ?

Alain Émery : La racine du fleuve (Paul & Mike Éditions, 2014)

L'heure des braves : Un ancien adjudant de gendarmerie, retraité dans un hospice de bonnes sœurs se remémore de basses affaires criminelles d'antan. Tel le cas de ce Laffont, minotier qui braconnait et distillait sa gnôle. Activités illégales qu'il avoua lorsqu'il fut arrêté. Mais quel fut son rôle dans la mort d'Hortense Charbonnier ?

Les ficelles : Le fossoyeur local et le Dr Alexandre étaient de bons amis. “Que savent-ils d'Alexandre, au juste ? Qu'il était le plus connu des médecins de la région et qu'il écumait la campagne dans une camionnette qui embaumait le camphre et le chien mouillé (…) Qu'il était l'aîné d'une famille de chiffonniers et avait grandi dans la crasse et la pestilence d'un quartier de tanneurs. Il ne s'en cachait pas et en tirait même un peu de gloriole.” La mort à peine suspecte d'une jeune femme entraîna les plus sales rumeurs au sujet de ce médecin, le noircissant à souhaits…

 

Il s'agit d'un recueil de cinq nouvelles. Ou, plus exactement, de quatre nouvelles et d'un roman court, “La racine du fleuve”. Car cette histoire-là, construite autour de la lecture du carnet intime du héros, dessine le portrait d'un personnage singulier. Sa froideur n'est pas née avec son arrivée dans une ville trop tranquille. Alain Emery ne cache pas son plaisir d'écrire des nouvelles, de nous promener dans des décors où évoluent des gens ordinaires ou très particuliers. Des affaires criminelles, sans doute. Mais le crime autorise la nuance, car on peut en commettre par passivité autant que par brutalité. L'auteur excelle dans les descriptions d'ambiances quelque peu malsaines, incertaines, ou interrogatives. N'en déplaise à sa modestie naturelle, Alain Emery figure parmi nos meilleurs auteurs de nouvelles. S'il a été récompensé par plusieurs prix littéraires, ça ne doit rien au hasard.

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commentaires

P
Bonjour M. Le Nocher, M. Emery,<br /> <br /> J'ai entendu hier matin, mercredi, à la radio comme vous sans doute, l'anonce du décès à 93 ans du guitariste de flamenco Manitas de Plata. Dans sa maison de retraite à Montpellier. Il paraît que bien qu'ayant vendu 90 millions d'albums dans sa vie il se trouvait depuis quelques années dans le dénuement, la misère.<br /> Je ne le connaissais pratiquement pas, je l'avoue, mais ayant consulté il y a un certain temps l'article Wikipédia sur la Grande-Motte - j'y séjourne en juillet ou août chaque année - j'avais remarqué son nom - car c'est un nom qui attire l'attention - parmi les résidents célèbres de cette commune balnéaire.<br /> <br /> Cordialement
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C
Manitas de Oro, c'eût été trop prétentieux, en effet.
P
Disons que le choix de son pseudonyme, de Plata, est éloquent. Même sans parler espagnol, je ne le parle pas, chacun sait que &quot; plata &quot; veut dire argent en espagnol, enfin le métal, pas l'instrument de paiement.<br /> Il y a le Rio de la Plata, la rivière d'argent, qui coule je ne sais plus très bien où en Amérique du Sud.<br /> <br /> Cordialement
C
Bonjour Philippe<br /> Sans vouloir ternir sa mémoire, il est étonnant que Manitas de Plata ait fini sa vie &quot;ruiné et malade&quot;. Car on le surnomma naguère &quot;Manitas Pesetas&quot; pour son appétit d'argent. Virtuose financier autant que musical, dont on a même dit (mais ça c'est une méchante rumeur) qu'il &quot;signait plus de concerts qu'il n'en donnait&quot;. Paix à son âme. Amitiés.
A
Touché, une fois encore... Je n'ai jamais oublié de prendre du plaisir à écrire ces nouvelles - celles-là comme toutes les autres - et si ce plaisir est partagé, je suis aux anges. Ce receuil, c'est un retour au noir - autant dire un retour aux sources - et j'espère avoir réussi à y glisser un peu de ce qui depuis longtemps me tient à coeur. Merci, en tous cas, pour ces gentillesses...
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C
C'est mérité, mon cher Alain. Tous les recueils de nouvelles ne se valent pas. Les tiens sont supérieurs. Amitiés.

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