Le romancier Jean-Pierre Ferrière est né en 1933 à Chateaudun, dans l'Eure-et-Loir. Cette charmante petite ville de treize mille habitants se situe à cinquante kilomètres de Chartres, à peine plus d'Orléans. Possédant un certain patrimoine culturel, elle n'est pas sans attraits. Toutefois, aux yeux de J.P.Ferrière, c'était dans les années 1950-60 la ville provinciale-type, plutôt endormie, confinée dans sa passivité. Un décor idéal pour placer quelques intrigues. Il va rebaptiser sa ville natale Châtignes. Voici trois romans, publiés dans la collection Spécial-Police du Fleuve Noir, s'y déroulant.
"Un climat mortel" (Fleuve Noir, 1968) : Entre commérages et pluie, on s'ennuie beaucoup à Châtignes en ces années 1960. Telle Marceline Loubet, vieille dame aveugle qui croit au retour prochain de sa petite fille qu'elle ne connaît pas. Telle Simone, sa garde-malade, une rêveuse invétérée. Tel Axel, un jeune homme un peu dérangé, qui espère que sa Denise lui reviendra. Telle la serveuse Yvette, qui ne pense qu'au cinéma. Ceux-là sont à ranger parmi les sympathiques. D'autres gens s'avèrent plus détestables. Comme la mère d'Axel, une femme cruelle, ou Mme Cochart, la patronne du Grand Hôtel. Avec M.Chandernont et le maire, elle fait partie des personnes influentes de Châtignes. Toujours à l'affût des racontars, elle traque les petits et grands secrets supposés de chacun. Avec une méchanceté à peine dissimulée.
L'arrivée à Châtignes d'Irène Monestier apporte un peu d'animation supplémentaire à ce petit monde. Les questions que se posent Mme Cochart sur sa cliente, et sur son fils qui l'accompagne, restent sans réponse précise. Axel vérifie qu'il ne s'agit pas de sa Denise. Yvette voudrait que Mme Monestier lui parle de Paris et de la vie d'artiste. L'inspecteur de police Vialles tombe vite sous le charme de la nouvelle venue. Quant à Simone, elle ne peut guère transmettre d'infos sur Irène Monestier à Marceline Loubet. Il faut avouer que cette femme est fort mystérieuse. Difficile de croire qu'elle ne connaisse personne ici, qu'elle soit arrivée là par hasard. Son fils malade ne quitte pas leur chambre. Irène sort presque en cachette. Mme Cochart est furieuse de ne rien savoir à leur sujet.
Un meurtre et un enlèvement se produisent la même nuit au Grand Hôtel. Quelques heures plus tard, un automobiliste est assassiné. Le policier Vialles ne peut évidemment pas être totalement objectif dans son enquête. Malgré les journalistes et la prochaine arrivée de ses collègues, il tente néanmoins d'approcher la vérité… (Ce roman fut réédité chez Le Masque)
"Je t'assassine, tu m'assassines" (Fleuve Noir, 1969) : Delphine et Julia sont deux jeunes femmes de Châtignes fort différentes, avec quand même un point commun. La riche Delphine fut la fiancée de Frédéric Portal. Le modeste Julia a été la maîtresse du même homme. Quatre ans plus tôt, il les a abandonnées toutes les deux. Il a refait sa vie à Paris, où il a épousé la fortunée Isabelle. Aujourd'hui, leur couple ne fonctionne plus aussi bien. Ce qu'ignorent Julia et Delphine, bien sûr. Celles-ci restent rivales, espérant toujours le retour de Frédéric. La population locale connaît leur histoire, dont on sourit… C'est un autre couple de Parisiens qui débarque bientôt en ville : David et Anouk Beverly. Ils ne passent pas inaperçus, et semble s'ennuyer fortement à Châtignes. Alors pourquoi y séjournent-ils ?
Julia a trouvé un moyen de faire parler d'elle. Elle a engagé Michel pour faire croire à tout le monde (à commencer par Delphine) qu'il est son nouveau fiancé. Pas impossible qu'elle tombe réellement amoureuse de Michel, d'ailleurs, car il ressemble vaguement à Frédéric. Dans l'espoir de souder leur couple à nouveau, Frédéric propose à Isabelle des vacances hors du climat parisien. À Châtignes, par exemple. La nouvelle de leur venue est vite sue en ville. Delphine trouve une idée pour être mieux informée que quiconque : elle demande à sa jeune employée de maison Nelly de se faire engager chez Frédéric et Isabelle. Le rôle de Michel auprès de Julia est moins limpide qu'elle ne l'a cru. Il s'intéresse beaucoup à Anouk et David Beverly, ce Michel. Quand à Frédéric, son retour a aussi une bonne raison. Un meurtre risque fort d'être bientôt commis…
"Une atroce petite musique" (Fleuve Noir, 1971) : Quadragénaire célibataire, Marie est responsable de la bibliothèque de Châtignes. Elle y est assistée par Joëlle, une jeune fille qui pense davantage à ses amours avec le fils du notaire local, qu'à toute autre chose. La vie de Marie n'est guère heureuse : vingt ans plus tôt, Daniel Musselet (qu'elle aimait, et qu'elle aime encore) épousa Irène. La morne vie de la bibliothécaire va être bousculée par l'arrivée impromptue de son frère Gérard… qui décède bientôt d'une attaque cardiaque. Ce qui va offrir à Marie l'opportunité de se venger d'Irène, par l'entremise du truand parisien Clarence. Celui-ci a profité d'une absence de Marie pour fouiller dans sa chambre, à la recherche de bijoux volés.
Provoquer un accident entraînant la mort d'Irène, tel est le plan que Marie mène à bien. Elle a de grandes chances de récupérer Daniel, de devenir Mme Musselet comme elle le souhaite tant. Mais, suite au décès de son épouse, Daniel exprime le besoin de s'éloigner, de prendre des vacances. Un simple petit grain de sable, qui en masque un beaucoup plus gros : la relation entre Daniel et la jeune Joëlle. Marie est restée en contact avec ce diable de Clarence. Il possède assez de relations douteuses pour organiser un nouveau meurtre. Mais le scénario imaginé par Marie ne se déroulera peut-être pas cette fois aussi bien qu'elle l'a prévu...