Âgée de vingt-et-un ans, Joan Medford vit à Hyattsville, au cœur des années 1950. Elle a un fils d'environ trois ans, Tad, né de son mariage avec Ron Medford. Fils d'un notable de cette petite ville du Maryland, le mari de Joan était un bon à rien, qui brutalisait Joan et Tad. Après une dispute conjugale, Ron a trouvé la mort dans un accident de voiture. C'est Ethel Lucas, la sœur du défunt, qui a pris provisoirement en charge le petit Tad. Elle cache mal son intention de le garder, elle qui ne peut avoir d'enfant. Ethel accuse sa belle-sœur d'avoir provoqué la mort de Ron. Le sergent de police Young ne gobe pas ces affirmations, même si son collègue l'agent Church est nettement plus sceptique. Veuve désargentée sans métier, Joan doit trouver au plus vite de quoi vivre, afin de récupérer son fils. Le sergent Young lui conseille de s'adresser au Garden of Roses, le restaurant de Mme Bianca Rossi, situé non loin de chez elle.
Joan étant une fort jolie femme, elle est immédiatement engagée au bar à cocktails de cet établissement. Avec sa collègue plus âgée Liz et le barman Jake, tout se déroule bien. Dès le premier jour, le riche habitué Earl K.White III est séduit par la nouvelle serveuse. Ses premiers pourboires servent à Joan pour renflouer quelques dettes, mais elle va être trop occupée pour récupérer Tad. Peu après, White fait don d'une grosse somme à Joan. Celle-ci va régler tous ses impayés, et placer cet argent en achetant une maison qu'elle met en location.
Ami de Bianca Rossi, Tom Barclay est un beau jeune homme, promis à un bel avenir si ses idées se concrétisent. Si Joan est attirée par lui, elle évite des relations trop intimes. Quand son ami Jim Lacey a des ennuis avec la Justice, Tom cherche quelqu'un pour couvrir la caution de celui-ci. Bénéficiant désormais d'une certaine aisance, Joan accepte de les aider.
Hélas, Lacey va causer des embrouilles risquant de pénaliser financièrement Joan. Puisque la police ne paraît pas très active pour retrouver le fuyard, la jeune femme et Tom doivent s'en occuper. Chez l'épouse de Lacey, Joan découvre qu'il est parti avec beaucoup d'argent et deux billets d'avions pour Nassau. Service fiscaux et police n'ont plus qu'à intervenir, si possible à temps. Le mariage de Joan et d'Earl K.White est célébré, même si la santé du vieux marié ne lui autorise pas le sexe. C'est à Londres que se passe le voyage de noces. Non sans contrariétés pour Joan, qui se pense enceinte. Un bon médicament calme son stress. Au retour dans le Maryland, elle sent que le petit Tad n'est pas prêt à adopter le nouvel époux de sa mère. Grâce à un traitement médical innovant, White peut espérer des relations intimes avec Joan. Toutefois, sexe ou pas, une crise fatale ne peut être exclue. Et l'agent de police Church reste accusateur envers Joan…
James M.Cain (1892-1977) fait partie des grands noms du roman noir, des précurseurs du genre. “Le facteur sonne toujours deux fois”, “Mildred Pierce” ou “Assurance sur la mort” font partie de ses grands succès. Il restait au moins un roman inédit de James Cain, dont l'éditeur américain nous raconte dans la postface comment il l'a retrouvé. Il ne s'agit pas d'un ouvrage inachevé, mais bel et bien d'une histoire dont il fallait composer la version finale (car il y en avait plusieurs). Le moins qu'on puisse dire, c'est que le remarquable résultat est digne des meilleurs titres de ce romancier.
Ça se passe vers 1954, date de mise en vente du premier téléviseur couleur aux États-Unis, ce que nous indique un détail. Le récit nous est racontée par l'héroïne, archétype de la “femme fatale”. Bien qu'encore très jeune, Joan ne manque pas de maturité. L'épisode où elle rattrape l'escroc Jim Lacey montre sa détermination en toute occasion. On peut la soupçonner de travestir quelque peu la vérité, et la sincérité de ses sentiments. Elle use de sa beauté pour se faire des amis, ou amadouer le policier Young. Et, naturellement, afin de séduire le vieux White et le beau Tom. Quant à son attachement à son fils, on doit également s'interroger. Sachant qu'il y a trois morts dans cette affaire, son “témoignage” peut entraîner quelques doutes. D'autant qu'une serveuse court vêtue de bar à cocktail, ça n'a jamais eu une vertueuse réputation.
Un magnifique roman noir “de tradition”, qu'il eût été dommage de laisser disparaître. Un parfait exemple d'intrigue de qualité supérieure, en particulier par la souplesse narrative et les portraits des protagonistes. Un inédit savoureux, à lire absolument.