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17 octobre 2014 5 17 /10 /octobre /2014 04:50

Installés dans une ferme des environs de Quimper, Gwaz-Ru et sa famille voient arriver les années qui succèdent à la Seconde Guerre mondiale. Ce diable de Gwaz-Ru fut un gaillard qui, jusqu'à là, aboyait fort et mordait quand on le provoquait trop. Passé quarante-cinq ans, il s'est maintenant assagi. Pour son épouse Tréphine et lui, il s'agit de s'occuper de leur progéniture autant que de leurs deux anciens, la tante Marjan et l'oncle Jean-Louis. Sept enfants, nés de 1928 à 1943, ça leur fait une sacrée tablée. Non pas que Gwaz-Ru soit inquiet, car ils gagnent correctement leur vie avec l'exploitation de la ferme. Tant mieux, d'ailleurs, si on les regarde comme un clan cherchant peu le contact des autres. Et puis la fille aînée Angèle seconde parfaitement sa mère, pour se charger des plus petits. Il suffit que tout ce petit monde ne s'avise pas de tracasser Gwaz-Ru plus que nécessaire.

Nicolas, le grand fils, s'est engagé dans l'armée sitôt après la guerre. Direction l'Indochine pour aller pacifier le Tonkin. Il n'a pas été un brillant héros, ce Nicolas. Bien que malade, il a réussi a poursuivre sa carrière militaire durant les prémices des évènements d'Algérie. Ce qui n'a pas amélioré son esprit raciste. Puis on l'a renvoyé pensionné à Goarem-Treuz, la ferme parentale, où on le supporte… Avec leur semblable âme d'ouvriers sans ambition, sinon d'aller habiter dans une maison neuve, ses cadets Maurice et Julienne se sont bien vite mariés. Ils sont accueillis, de temps à autres, chez leurs parents. Toutefois, le conformisme de leur petite vie est plutôt éloigné des vieilles idées rebelles de Gwaz-Ru.

Monique a seize ans quand elle rencontre le beau Fedor dans un bal des environs. Celui du 31 décembre marque le début de leurs amours. Puisqu'il va travailler à l'arsenal de Brest, et qu'elle ne tarde pas à être enceinte, Monique va l'épouser et le suivre. Mais ce couple-là ne connaîtra pas que des moments heureux… Possédant un bon niveau scolaire, sa sœur Irène paraît mieux armée dans la vie. Elle suit un cours privé, afin de devenir secrétaire. Elle s'imprégne de la culture jazz-rock-littérature de son époque. Ayant fait ses preuves, Irène gagne un certain statut social quand elle est engagée chez un chirurgien-dentiste. C'est à Casablanca qu'elle vivra ensuite, avec son dentiste de mari, Marocain. Mais, quelques années plus tard, la famille de Gwaz-Ru est avertie d'une triste nouvelle.

Sur le conseil de son instituteur, le fragile Étienne continua ses études au lycée. Soutenu par l'abbé Coatmeur, il progressera encore davantage. Son père Gwaz-Ru n'aimait guère les calotins, mais il se fit une raison. Quant à Angèle, restée célibataire, elle devient la mémoire de leur famille, aidant autant qu'elle peut ses parents sur leurs vieux jours. Le monde a évolué depuis l'Après-Guerre. L'agglomération quimpéroise s'urbanise, laissant de moins en moins de place à une ferme comme celle de Goarem-Treuz…

Hervé Jaouen : Eux autres, de Goarem Treuz (Presses de la Cité, 2014)

Le premier tome de ce diptyque était centré autour du personnage-titre, “Gwaz-Ru”. Si le bonhomme s'est imposé grâce à sa force de caractère, le contexte n'est plus identique pour sa descendance. Certes, la volonté est toujours un atout favorable. Pourtant, l'avenir s'annonce déjà plus citadin que campagnard. Tréphine et Gwaz-Ru ne renient nullement la ruralité, mais disposant de quelques finances, ils acquièrent une gazinière au butane et un Solex pour leur fille Irène. L'eau courante viendra aussi. Si Gwaz-Ru n'est pas vraiment avare, il ne tolère la coûteuse modernité qu'à petites doses. La première moitié de sa vie ayant baigné dans les conflits et les querelles, il s'efforce de se montre bien plus souple.

Ainsi va l'univers d'un groupe familial, avec ses joies et ses peines, les plaisirs aidant à surmonter les tracas. Les Scouarnec, de Goarem-Treuz, sont-ils une fidèle représentation de familles (pas seulement bretonnes) de l'époque ? Très certainement, oui. En ce sens qu'ils ne sont pas de ceux qui veulent épater les autres, juste mener leur propre existence selon leurs mérites et leurs modestes besoins. Aucun doute, ils ressemblent à beaucoup de gens d'alors, d'un temps qui nous paraît déjà loin dans le passé. Un chassé-croisé de personnalités différentes, chacun ayant son destin, c'est ce que nous raconte Hervé Jaouen. Avec cette tonalité enjouée qui, évitant la dramatisation, offre un récit fluide et tout en finesse. Bienvenue chez les Scouarnec !

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