Recueil de quatre nouvelles.
"Vend Peugeot 306" : Cette femme a une vie rêvée, entre son mari Yan (hélas trop absent, trop occupé) et leur fils Paul. Vivre en bord de mer, y faire des balades, c'est très plaisant. Songer à leurs vacances sous le soleil d'Espagne, tout autant. Un acheteur potentiel est prêt à acquérir sa voiture, une 306 en bon état. Si son autoradio diffuse du Gainsbourg, c'est plutôt le succès de Zanini “Tu veux ou tu veux pas ?” qu'elle devrait fredonner.
"Le congélateur" : Âgée de trente-neuf ans, Mme Vidal est mère de famille et employée de bureau. Comme pour tout le monde, son entourage est peuplé d'importuns, de gêneurs. Dans sa société, elle aimerait être débarrassée de deux fâcheux, par exemple. À l'école de son fils, la directrice est une enquiquineuse, elle aussi. Son amie Perrine lui apporte une idée qui, semble-t-il, a déjà fait ses preuves : “Il suffit de prendre en photo la personne à l'origine de tes tourments et de mettre la photographie au congélateur : la personne en question sera aussitôt neutralisée.” Mme Vidal va tester ce procédé, genre vaudou façon esquimaux, qui fonctionne très bien. Elle en use et même elle en abuse, au point que son congélateur n'y suffit pas. Il y a tant de malfaisants, de par le monde. Mais elle va bientôt se heurter à une adversaire pas moins tenace qu'elle.
"Jean-Pierre" : Épouse de Mathieu Ravon, Lucie est enceinte d'environ sept mois. Ce sera un garçon. Tout se passerait pour le mieux, si son mari n'émettait une idée contrariante pour la jeune femme. Il tient à prénommer leur fils Jean-Pierre. Certes, la liste des Jean-Pierre célèbres est longue, mais quelque peu datée. Des quinquagénaires, au minimum, peuvent s'appeler ainsi. D'ailleurs, en se renseignant sur l'impact du prénom sur les intéressés, Lucie le vérifie illico : son voisin et son collègue de bureau, ils ont tous des têtes de Jean-Pierre. Un prénom comme Thomas, qui est celui du père de Lucie, ça sonne plus actuel, moins vieillot. Il faudra ruser pour convaincre Mathieu.
"Maman !!!" : Murat est un quadragénaire qui n'a jamais fait grand-chose dans sa vie. Il cohabite avec sa mère, qu'il adore et qui s'occupe de tout dans leur quotidien. Bien sûr, Murat est parfaitement conscient que sa mère vieillit. Même s'il n'a que de vagues idées sur la cryogénisation, puisqu'ils possèdent un bon congélateur, son projet est de congeler sa mère. Pour un incapable comme Murat, ça suppose quand même des complications. Sa mère pourra être hébergée chez une certaine Mme Bazinc. Toutefois, cette solution idéale et si sympathique ne va durer qu'un temps.
Sans aller jusqu'à parodier “l'enfer, c'est les autres”, la formule de Jean-Paul Sartre dans sa pièce Huis-Clos, du moins faut-il admettre que “les autres” sont envahissants. Un mari voulant imposer un prénom obsolète au bébé, des casse-pieds à foison autour de soi, un acheteur de voiture dérangeant les pensées de la vendeuse, même se faire cryogéniser ne suffit pas à être tranquille. On a bien raison de penser que, si notre vie est pleine de désagréments alors qu'on la voudrait heureuse et sereine, c'est à cause des autres.
Dans ces quatre histoires, Pascale Dietrich nous propose une galerie de portraits dessinés avec une belle ironie. “Je ne pus articuler un mot de toute la soirée, obnubilée par l'idée que quelqu'un, quelque part, jouait le même jeu que moi. C'était un peu comme si la seule puissance nucléaire du monde découvrait qu'un pays concurrent détenait l'arme atomique” se dit, par exemple, celle qui congèle les gens détestables. Si la nouvelle qui introduit le recueil reste fantasmatique, les suivantes vont s'avérer plus criminelles. Rien de sanguinolent, car le sourire domine. Une tonalité fort séduisante, donc à découvrir.
- "Le congélateur" de Pascale Dietrich est disponible dès le 9 octobre 2014 -