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15 septembre 2014 1 15 /09 /septembre /2014 04:55

Lisa Genovesi est une jeune prof d'Italien dans un collège. Si ce fut autrefois une école de filles, l'établissement est désormais assez cradingue. C'est sans enthousiasme que Lisa quitte le matin son compagnon Pierre, libraire flegmatique, pour aller enseigner. Elle est consciente que le métier a changé depuis le temps où son père était professeur dans une école tranquille, au milieu des vignes. On respectait alors le savoir, le rôle éducatif du prof. Dans son collège peuplé d'enseignants résignés, l'ambiance est moins chaleureuse. Avec certaines classes, c'est même assez proche de la jungle. Le CPE (conseiller principal d'éducation) Hervé Sarafian se montre plus sûrement accusateur que solidaire envers les professeurs. Si Lisa ne “maîtrise” pas car inexpérimentée, ce serait donc de sa faute.

Les élèves de Troisième 2 sont les plus virulents. Marik et Adrami, les caïds dominants, se savent soutenus par Marel et Noumein. Turbulents, insolents, faibles qualificatifs pour ces cancres qui insultent “pour rigoler”. Une petite prof comme Lisa fait une belle cible à leurs yeux. Ils multiplient les incidents, quasiment en toute impunité. Ce n'est pas Cindy, qui se prostitue à seize ans pour s'acheter “de la marque”, qui sauvera la médiocrité de la classe. Avec une collègue de l'école, Lisa tente vainement de la raisonner sur ses mœurs. Il n'y a que Samira qui mérite encore l'intérêt parmi eux. Si elle est studieuse, c'est avant tout afin d'échapper le plus possible à l'esclavage familial. Lisa fait ce qu'elle peut pour l'aider. Au milieu de ces élèves non civilisés, impossible d'espérer leur apprendre quelque chose.

Ces ados ne viennent même pas des cités, puisque c'est un collège de centre-ville. Lisa s'interroge sur sa vocation : “La plongée dans l'enfer de l'humiliation, c'est le châtiment que l'on réserve aux criminels dans les États autoritaires… Qu'ai-je fait, moi, pour qu'on me ligote ainsi et qu'on me jette dans cette boucherie, moi j'ai toujours été honnête et bonne, et pétrie de l'espoir d'une humanité meilleure...” Lors d'une bagarre entre les caïds de la Troisième 2, la jeune femme est légèrement touchée. Un petit repos lui est accordé, qu'on lui reprocherait presque. À son retour, Samira ne figure plus dans l'effectif de cette classe. Ça devrait révolter tout le monde, ça les laisse indifférents. “Tu sais, je n'arrête pas d'avoir envie qu'ils crèvent” confie finalement Lisa à son compagnon Pierre.

Après des vacances de Noël en Finlande, loin de la fausse quiétude provençale, Lisa est de retour au collège. Les humiliations quotidiennes reprennent. Quand on lui vole son sac à main, elle ne craint pas de porter plainte. Car, avec son adresse à l'intérieur, c'est à sa sphère privée qu'on voudra s'attaquer désormais. Quand il se produit un sérieux incident en classe, avec un Opinel, ça va précipiter la suite et affermir le caractère de Lisa…

Marie Neuser : Je tue les enfants français dans les jardins (Pocket, 2014)

Face aux ados provocateurs, pour lesquels les incivilités sont la norme, y compris dans les établissements scolaires, certains ont des réponses toutes prêtes. Étalant leurs certitudes, ils parlent de laxisme, prônent une discipline de fer. Zéro tolérance pour les élèves, leurs parents, et surtout pour les profs. Ces donneurs de leçons, jaloux des vacances dont les enseignants bénéficient, ne tiendraient probablement pas une journée devant les fauves de certaines classes. S'il reste un brin d'angélisme chez quelques personnes, pas si nombreuses, à l'inverse on sait pourtant que la fermeté façon gardes-chiourmes n'est pas une solution satisfaisante. D'autant qu'il suffit d'être “bons en math” pour que même les ardents partisans de l'éducation à la dure soient tolérants avec les fauteurs de troubles.

C'est une véritable introspection que présente ici Marie Neuser. Un parcours de jeune prof qui espère résister à la pression ambiante dans un collège difficile. Un peu de nostalgie, en se souvenant du temps où régnait encore un respect de l’École (bien que ces époques soient fort lointaines, à vrai dire). Surtout, une sombre description de la résignation des uns, du manque de solidarité professorale, de réactions parentales erronées, et de l'impossibilité d'améliorer les comportements de ces violents élèves. Ces adolescents ne sont ni des victimes, ni des rebelles. Ni la majorité, il convient de le préciser. La détresse de l'héroïne illustre sans nul doute les réalités vécues par les nouveaux enseignants. Un roman noir édifiant sur une situation actuelle.

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commentaires

P
Salut Claude, un bouquin marquant qu'on l'aime ou pas. Une histoire ancrée dans notre vie de tous les jours, des points de vue frappants, ce qui prouve que Marie Neuser a su nous imprégner de la psychologie de son personnage. Son roman suivant est super. Marie Neuser est une excellente auteure, que je suis maintenant. En attendant son prochain ... Amitiés
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C
Salut Pierre<br /> J'avoue que, ne pouvant suivre tous les auteurs, j'ai attendu cette parution en poche pour me pencher sur la brune Marie Neuser. Elle n'essaie pas d'édulcorer une réalité de l'Enseignement, envers laquelle personne ne pratique plus l'angélisme, je crois. Et la psychologie de &quot;sa&quot; prof est très bien rendue, en effet. Amitiés.
P
Je vois à l'instant l'article le plus récent du site Jeunesse Lille 3 :<br /> <br /> http://jeunesse.lille3.free.fr/article.php3?id_article=2105<br /> <br /> Est-ce que la ma^tresse dort à l'école ?
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C
Il existait une véritable &quot;demande&quot; de programmes radio autour de l'accordéon, naguère. J'ai été employé dans une radio, dans les années 80 : ne plus diffuser d'émission sur l'accordéon nous fit perdre des auditeurs. Cela dit, un peu de &quot;piano à bretelles&quot; sur un tempo rock, ça peut être plaisant, mais avec parcimonie.
P
Vous ou moi ne comptons pas forcément parmi les fans du Président Giscard d'Estaing, mais nous savons qu'il joue de l'accordéon.<br /> Ou dans la Chance aux chansons du regretté Pascal Sevran.
C
&quot;Les élucubrations&quot; d'Antoine : Ton accordéon nous fatigue, Yvette - Si tu jouais plutôt de la clarinette. En ce temps-là, tôt chaque matin, certaines radios diffusaient près d'une heure d'accordéon. Antoine raconte que c'est une des raisons qui l'a amené à écrire cette chanson à succès. Amitiés.
P
J'avoue ne pas voir l'allusion, est-ce qu'Antoine parle d'Yvette Horner ou de tel instrument de musique ?<br /> <br /> Cordialement
C
Moi non plus, je n'ai jamais été fan d'Yvette Horner, et je préfère la clarinette.
P
Quand on aime on a toujours 20 ans.<br /> Antoine Muracchioli.
C
Hélas, j'ai 52 ans de retard pour lire ce sympathique livre pour enfants. Amitiés.
P
Maîtresse, décidément.
P
Bonjour M. Le Nocher et Wollanup,<br /> <br /> Je m'écarte un tout petit peu, quoique pas tellement, mais ce matin j'ai reçu le coffret DVD que j'ai commandé il y a quelques jours.<br /> <br /> http://video.fnac.com/a6239399/Yves-Robert-Les-classiques-Coffret-8-DVD-Edition-Speciale-Fnac-DVD-Zone-2<br /> <br /> C'est un coffret sur les &quot; classiques &quot; d'Yves Robert.<br /> Avec entre autres &quot; La Guerre des boutons &quot; , version de 1962.<br /> Ce qui me donne l'occasion de rappeler que la célèbre phrase &quot; Si j'aurais su, j'aurais pas venu &quot; prononcée tout le temps par Petit Gibus est une invention d'Yves Robert en personne, elle ne figurait pas dans le roman de Louis Pergaud ( instituteur lui-même je crois, tué à la guerre en 1915 ).<br /> Ou &quot; Clérambard &quot; , hobereau ruiné joué par Philippe Noiret, qui chasse avec son fusil des chiens et des chats pour qu'on les mange au château familial, jusqu'où jour où il a la révélation de Saint François d'Assise.<br /> Ou &quot; Alexandre le bienheureux &quot; , toujours avec Noiret, et Pierre Richard dans l'un de ses premiers rôles ( 1967 ). Le film qui enfant m'a fait découvrir l'omelette aux pommes de terre. Auparavant, nous mangions bien sûr des omelettes mais sans avoir eu l'idée d'en faire aux pommes de terre.<br /> Il y a encore &quot; La Gloire de mon père &quot; et &quot; Le Château de ma mère &quot; , version 1990 avec Philippe Caubère ( qui joua Molière en 1978 dirigé par Ariane Mouchkine ) dans le rôle du père instituteur de Marcel Pagnol et Didier Pain, un Parisien ayant pris l'accent provençal et l'oncle de Vanessa Parads, dans celui de l'oncle Joseph. Marcel étant joué par le jeune Julien Ciamaca.<br /> Comme on sait, le petit Marcel apprit plus tôt que normalement à lire, puisqu'il venait à l'école dans la classe de son père qui enseignait à de plus grands.<br /> Le père de Marcel Pagnol, voilà un exemple de ces &quot; hussards noirs de la République &quot; auxquels vous et moi nous pensons, ayant néanmoins conscience que le temps les a sans doute idéalisés.<br /> &quot; Montparnasse Pondichéry &quot; , le dernier film d'Yves Robert, mort en 2002 mais qui n'a plus tourné après 1993. Où Miou-Miou, 40 ans dans l'histoire, a besoin d'avoir le bac pour pouvoir enseigner l'art dans une école à Pondichéry ( ex-comptoir français en Inde ) et donc retourne au lycée le préparer. Elle y rencontre un sexagénaire interprété par Yves Robert lui-même, qui lui aussi veut passer son bac.<br /> <br /> Comme vous le voyez, je disais bien que je ne m'écartais pas tant du sujet d'aujourd'hui, dans la mesure où certains films de ce coffret ont un rapport avec l'école à divers stades et illustrent des situations concernant des protagonistes de l'école.<br /> <br /> Cordialement
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P
Oui, rappelez-moi l'auteur du roman dont &quot; Coup de torchon &quot; est l'adaptation ?<br /> C'était peut-être un Anglo-Saxon si ce n'était pas un Français.<br /> Et peut-être le roman ne se passait-il pas comme le film en 1938 en Afrique noire sous colonisation française ?<br /> &quot; Apocalypse Now &quot; ( 1979 ) de Francis Ford Coppola avec Martin Sheen et Marlon Brando se passe pendant la guerre du Viêtnam, alors que ce film est tité d' &quot; Au coeur des ténèbres &quot; de Joseph Conrad, situé au début du 20ème siècle au Congo belge, où ont eu lieu des atrocités préfigurant d'autres plus connues et plus tardives.
C
Très belle sélection de films d'Yves Robert, cher Philippe.<br /> &quot;La guerre des boutons&quot; et les adaptions de Pagnol nous ramènent en effet à notre sujet. C'est dans &quot;Le château de ma mère&quot; que la famille rencontre un ancien élève du père de Marcel, devenu piqueur de canal. Bel exemple de ces professions dont on a jugé qu'elles ne servaient plus à rien, malheureusement. Au nom du &quot;progrès&quot;, me dira-t-on. De même, le long de nos côtes, les promeneur suivent les chemins de douaniers. Sauf qu'il n'y a plus de douaniers faisant leur tour, utiles non seulement à la surveillance de fraudes, mais aussi à la prévention des accidents ou des feux. De même, les contrôleurs dans les buis avaient disparu, mais on en a remis depuis quelques années. Nostalgie, sûrement, mais une partie du passé n'était pas à jeter...<br /> Noiret fut et reste un de mes acteurs préférés, sans doute à égalité avec Lino Ventura. Dans &quot;Alexandre le bienheureux&quot;, quel rôle magnifique. &quot;Coup de torchon&quot; reste le film avec Noiret qui m'a le plus séduit. <br /> Vanessa qui ? Non, je plaisante. Mais, j'ai toujours eu un faible pour Elsa Lunghini, qui fut sa concurrente. Amitiés.
P
Vanessa Paradis, qu'il ne manque rien au Paradis, même pas le i que j'avais omis.
W
Salut Claude et bonjour à vous Philippe,<br /> Les deux films que je retiens sur l'école parce qu'ils sont assez fidèles sont:<br /> pour la réalité de l'école rurale comme elle existe encore dans nos campagnes et malgré un enseignant tellement paternaliste que cela en devient gênant c'est &quot;être et avoir&quot; et &quot;Ça commence aujourd'hui&quot; du talentueux Tavernier qui montre le rôle social du directeur d'école en zones sensibles.<br /> Belle journée ensoleillée à vous.
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C
Un problème qui s'amplifie au fil du temps, c'est à craindre. Pas de remise en cause de l'éducation familiale, il est plus facile à eux d'accuser &quot;C'est la faute aux autres&quot;. Vaste question de société. Amitiés.
W
Le principal problème,c'est la démission des parents.
C
Salut W.<br /> Oui, &quot;Être et avoir&quot; donnait l'image d'une belle tradition de l'enseignement des mômes. J'avoue n'avoir pas vu celui de Tavernier. Les &quot;petites&quot; écoles, rurales ou de quartier, sont moins sujettes aux excès, à la violence, qui restent probablement des cas isolés. Existe-t-il un phénomène à endiguer s'il est encore temps, celui de cette provocation à la brutalité de la part de certains élèves (et parfois, de parents) ? Je laisse à ceux qui sont &quot;sur le terrain&quot; le soin d'apporter une réponse concrète. Amitiés.
P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> Vous avez vu ( dans un registre beaucoup moins noir et plus joyeux ) &quot; Le Maître d'école &quot; ( 1981 ) de Claude Berri avec Coluche ?<br /> &quot; PROFS &quot; ( 1985 ) de Patrick Schulman avec Patrick Bruel ?<br /> &quot; Le plus beau métier du monde &quot; ( 1996 ) avec Gérard Depardieu, là en revanche aussi désespéré ?<br /> Mais je pense surtout à &quot; La Journée de la jupe &quot; avec Isabelle Adjani. Vous connaissez l'histoire, je me dispense de la rappeler ici.<br /> <br /> Cordialement
Répondre
C
Bonjour Philippe<br /> &quot;Le maître d'école&quot; et &quot;PROFS&quot; sont de bonnes comédies. &quot;Le plus beau métier du monde&quot; comporte des ambigüités gênantes. &quot;La journée de la jupe&quot; est une histoire illustrant remarquablement le ras-le-bol de certains enseignants. On n'est dans un esprit proche, peut-être moins jusqu'au-boutiste, avec ce roman de Marie Neuser. <br /> Il faut lire aussi &quot;Mammouth rodéo trash&quot; de Sylvie Cohen : &quot; Le roman noir, qui explore le chaos de la société, ne s’aventure guère sur le terrain de la violence à l’école, alors même que beaucoup d’écrivains, enseignants, en sont les témoins privilégiés. Sylvie Cohen, qui, par son vécu, sait de quoi elle parle, répare cet oubli avec ce western choral d’une brûlante actualité, où le rire donne la réplique à la férocité, et qui décrit de l’intérieur une réalité dérangeante, à contre-courant des idées reçues.<br /> &quot;Mammouth rodéo trash&quot;, c'est la vie dans la « Réserve » dirigée par le « shérif » racontée par des lycéens, avec leurs mots fleuris, leurs codes. Intellos, enragés, paumés : ce sont des adolescents. Ils ont la grâce, l’innocence malicieuse, parfois cruelle. Ils crient leur tendresse, leur rage. Ils se jouent des adultes figés dans la lâcheté et l’hypocrisie du système. La loi est renversée : les jeunes deviennent les maîtres. Une cabale infernale contre un de leurs professeurs, « Ultralucide », va faire exploser la machine. Jusqu’à un drame atroce, qui n’épargnera ni les maîtres ni les élèves.&quot;<br /> Il y aurait mille et une chose à dire sur l'Education. Amitiés.

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