Pour éviter de virer racaille en Seine-Saint-Denis, le jeune Joe est devenu apprenti-curé, “aspirant en herbe” ne délaissant pas tout-à-fait les pétards. Le père Walter lui confie une mission. Le curé Denisov, aussi marginal que Joe à l'origine, était en poste à Montmirail, dans la Marne. Son décès brutal mérite explication. Il s'agira pour Joe d'aller fouiner dans cette bourgade aux confins du pays champenois, vêtu de sa soutane. Inspirer confiance, c'est plus facile en tenue sacerdotale. Joe contacte une amie du défunt curé, Suzanne Hichorn. Ancienne artiste de cirque réputée, elle mesure à peine un mètre. Elle vit dans l'ancienne gare de Montmirail, qu'elle a héritée de sa sœur journaliste, décédée. Suzanne et Joe s'entendent bien, mais l'aspirant prêtre est sûr de n'être pas le bienvenu ici.
À Paris, Daniel Bensila aurait pu devenir un écrivain et scénariste valable, si l'éditeur et producteur de films Krieber avait été plus fiable. Une nuit, au volant de la MG de Krieber, il renverse une jeune femme dans la rue, avant de s'enfuir. Or, il y avait un témoin, ancien flic qui connaît quelque peu la famille de Maria, la victime. À Montmirail, les Affatigati possèdent une entreprise vendant toutes sortes d'objets religieux. Belle clientèle dans le clergé international, pour les trois fils de Cesare Affatigati et leur sœur Maria, même si leur production n'est pas toujours de bon goût. Paris n'est qu'à quatre-vingt-dix kilomètres de Montmirail : les frères ne tardent pas à y régler leurs comptes, avant de ramener chez eux Maria, désormais handicapée. Ce qui n'arrange pas les affaires de Daniel Bensila.
Joe a pu penser qu'un motard défiguré, pilotant un engin décoré d'une flamme rouge et d'une queue verte, pouvait être son ennemi. En réalité, Kevin Cheramy est le fils d'un gendarme local et il fut un vrai ami du curé Denisov. Dans la cave de la gare de Suzanne, Joe découvre le cadavre d'un homme à l'état de squelette. Sa mère pourra ainsi faire une croix sur l'éventuel retour de ce Fabre. L'architecte François Laurens n'apprécie guère non plus la petite enquête de Joe. Ce dernier commence à en avoir marre de la soutane, bien qu'elle l'ait aidé jusqu'à là. À Paris, toujours surveillé par l'ex-flic, Daniel Bensila cherche un éditeur. Ce qu'on lui propose finalement n'est pas de haute volée. Joe va faire éclater un scandale, lorsqu'il trouve des preuves de la vie secrète de Montmirail…
Les visiteurs qui chercheraient Godefroy de Montmirail dans cette ville de 3800 âmes seraient déçus. Il y a bien un château et le souvenir d'une bataille napoléonienne, mais ce n'est pas la plus attractive des villes de la région, question tourisme. L'ancienne gare est proche du cimetière, dans un décor très campagnard. À cause de l'exode rural, il semble qu'on se résigne à vivoter ici, comme dans beaucoup de bourgades oubliées. L'ambiance est-elle aussi peu animée que nous le décrit l'auteur ? C'est probable. Ça ne s'excite guère que chez les Italiens qui commercialisent des bondieuseries. Quand un curé vient du 93, il a intérêt à prétendre arriver d'ailleurs en France. La tranquillité règne à Montmirail. Ce ne sont pas deux ou trois décès qui viendront la perturber.
C'est un chassé-croisé de personnages insolites qu'Hervé Mestron met en scène. Des curés hors norme, un écrivain sans le moindre avenir, un motard rockeur et sa protégée quasi-muette, une famille où frères et sœur forment une curieuse fratrie, une artiste de cirque naine, et quelques habitants du cru. C'est sur une tonalité enjouée qu'il raconte une histoire fort bien construite. Nul besoin de crimes trash, ni d'enquête façon experts de la police scientifique, juste des morts vaguement suspectes pour alimenter une intrigue où plane un mystère diffus. Au final, un suspense réussi, laissant une excellente impression aux lecteurs.