Vers la fin des années 1930, trois hommes s'évadent du pénitencier de l'Oklahoma où ils ont passé plusieurs années. Ces repris de justice bénéficiaient d'un régime assoupli, pour bonne conduite. Il y a Bowie Bowers, âgé de vingt-sept ans, meurtrier. Les deux autres sont des voleurs de banques chevronnés : T.W.Masefeld, dit Chicamaw, quarante-quatre ans, et Elmo Mobley, dit T-Doub, trente-cinq ans. Ils ont braqué des conducteurs de voitures afin de s'éloigner aussi rapidement que possible du pénitencier. Avant de gagner le Texas, il est prudent qu'ils se planquent quelques jours à Keota, chez le cousin Dee Mobley. Ce dernier tient une station-service avec sa fille, la belle et farouche Keechie. Chicamaw est celui qui s'alcoolise le plus dans le trio d'évadés. T-Doub ne songe qu'aux futurs casses qu'ils réaliseront. Bowie pense parfois aux rares proches qui lui restent.
Dès leur arrivée au Texas, ils braquent un poste d'essence, emportant un arsenal d'armes à feu qui leur sera sûrement utile. Quand Chicamaw raconte ses expériences, en particulier au Mexique, ce pays fait rêver Bowie. Le trio s'installe dans une maison meublée à Zelton. Ils sont quasiment fauchés. C'est Mattie, la belle-sœur de T-Doub, qui les ravitaille. Son mari étant en prison, elle aura besoin d'une part des butins à venir pour payer un avocat. Sa jeune sœur Lula n'est pas prête à s'acoquiner avec l'un ou l'autre des fuyards. Pour le premier casse, le trio a choisi une banque de Morehead. Il leur reste un millier de dollars chacun, frais déduits. Le braquage suivant sera bien plus fructueux. Visant une banque de Zelton, ils prennent dès l'ouverture en otage le directeur et deux employés. C'est plus de 22.600 dollars qu'empochent chaque gangster. Bien au-delà des espérances de Bowie.
Il vaut mieux se faire oublier pendant un mois, la police enquêtant après avoir fait le lien entre les deux affaires. Bowie et Chicamaw retournent en Oklahoma. Ils sont victimes d'un accident de voiture, qui va entraîner la mort de deux policiers. Blessé, Bowie se réfugie à Keota, où Keechie va s'occuper de lui. Pendant ce temps, Chicamaw picole et dilapide sa part du butin, tandis que les flics enquêtent sur leur accident. Bowie comprend qu'il s'était sans doute montré maladroit avec Keechie. Le magot de Bowie joue-t-il sur les sentiments de la jeune femme ? Ils deviennent bientôt intime, commençant à faire des projets. Ils prennent la direction du Texas, où Keechie pense qu'ils seront tranquilles. Antelope Center, un site pour des malades curistes, bel endroit pour abriter leur bonheur. Mais, pour les desperados, le Destin est rarement clément…
Un pur chef d'œuvre du roman noir classique, datant de 1937. Son découpage scénique convenant bien au cinéma, il fut adapté deux fois. En 1948, par Nicholas Ray, sous le titre “They live by night” (Les amants de la nuit). Puis en 1974, par Robert Altman, avec son titre d'origine “Thieves like us”. Le second semble le plus proche, mais on doute qu'il ait été possible de respecter l'intégralité de l'intrigue, ni surtout son état d'esprit. Néanmoins, malgré ces adaptations et bien que Raymond Chandler en ait dit le plus grand bien, le livre d'Edward Anderson resta longtemps méconnu.
Raconter les tribulations de repris de justice, beaucoup d'auteurs de polars l'ont fait des décennies durant. Cependant, il ne suffit pas que se succèdent les poursuites, qu'éclatent des coups de feu et que s'entassent des billets pour convaincre. Les protagonistes doivent exister, tels des êtres de chair et de sang, avec leurs actes et leurs états d'âmes. “Une femme qui t'en veux peut te mettre dans la merde en moins de rien. Oui mec, les flics ce serait du gâteau, s'il y avait pas les femmes dépitées et les mouchards...”
Quoi qu'en dise le directeur de la banque braquée à Zelton, T-Doub et l'Indien alcoolique Chicamaw sont des têtes brûlées. Leurs parcours montrent qu'ils n'ont peur de rien, qu'ils resteront éternellement ce qu'ils sont. On accorde davantage au superstitieux Bowie le bénéfice du doute, tant sur son passé que pour son éventuel futur. Toutefois, c'est un dur comme ses complices, ne nous y trompons pas. Des caractères forts, un scénario ultra-solide, voilà un très bel exemple du roman noir authentique. À ne pas manquer.
“Des voleurs comme nous” est disponible en poche dès le 18 septembre 2014