La femme de lettres Zénaïde Fleuriot naquit à Saint-Brieuc en 1829. Décédée à Paris en 1890, elle repose au cimetière de Locmariaquer (Morbihan) où elle se fit construire une maison en 1873. Zénaïde Fleuriot écrivit quatre-vingt-trois romans destinés aux jeunes filles, dont beaucoup publiés dès 1884 chez Hachette. Son roman “Aigles et colombes” fut récompensé en 1873 par le Prix de l'Académie Française. Si cette auteure est sans doute oubliée désormais, ses livres étaient de véritables best-sellers : certains de ses romans ont été publiés jusqu'à 40 000 exemplaires et régulièrement réédités jusqu'en 1950. En son temps, Zénaïde Fleuriot fut largement aussi célèbre que la Comtesse de Ségur (1799-1874) à laquelle elle succéda chez Hachette.
À l'époque, la population française est peu instruite. C'est surtout la bourgeoisie catholique (dont elle est issue) qui achète et lit des romans. On apprécie les ouvrages édifiants, les histoires moralistes. D'autant plus, lorsqu'il s'agit de livres s'adressant aux jeunes filles d'alors. Mais, si elle appartient au “beau monde”, Zénaïde Fleuriot n'utilise pas une tonalité compassée ou condescendante. Ce fut souvent le cas des œuvres d'inspiration catholique ou aristocratiques de cette époque. Elle dessine une certaine réalité de son temps. Quant à la construction de ses intrigues, elle ne se borne pas à une forme simpliste. Elle implique ses personnages dans des aventures pleines de péripéties. À l'exemple de Papillonne, une jeune femme intelligente et au caractère affirmé.
"Papillonne" (Hachette, 1892)
Urbain de Chaumontel et son épouse Marie ont deux filles : Sophie, âgée de trente ans, qui pense avoir un talent de peintre ; et Aliénor, vingt ans, dite Papillonne car elle paraît prendre la vie à la légère. Plaçant sa fortune sur les actions du Canal de Panama, M.de Chaumontel s'est illusionné sur ses capacités de boursicoteur. Naguère, son cousin Étienne de Ramicourt s'est enrichi grâce à celles du Canal de Suez. C'est ce dernier qui rachète le château de Chaumontel, que son propriétaire ruiné est obligé de vendre. Si son père est très en colère contre son vieux cousin, Papillonne conserve de bonnes relations avec lui. D'autant qu'elle est amoureuse de Guy de Ramicourt, le fils d'Étienne. En réalité, c'est la tante Alexandre, quatre-vingt-trois ans, qui finance l'acquisition du château. Chaumontel espère pour bientôt l'héritage cette aïeule.
Avec pour seule servante la vieille Manette, la famille de Chaumontel s'installe à Paris. Un appartement au 142 rue de Sèvres, pas exagérément coûteux, permet de les héberger. La mère de Papillonne reste fort inquiète sur leur avenir. Son mari se contente de balades dans Paris, rêvant encore d'être remboursé de ses “Panama”, tandis que Sophie s'exerce en copiant des tableaux au Louvre. Heureusement, Papillonne a la tête sur les épaules, surveillant de près leurs dépenses car “À Paris, tout se paye”. La jeune fille est douée pour la création de chapeaux. En secret, elle contacte la modiste Mme Carola, rue de la Paix. Commerçante aisée et avisée, cette dame l'engage, pas tant pour la confection mais pour inventer de nouveaux modèles. Ce qui assure un bon salaire à Papillonne, qu'elle met de côté avec prudence. Seules sa mère et Manette sont dans la confidence.
Au Louvre, Sophie s'éprend d'un hidalgo nommé Las Carimas. Ce gentilhomme espagnol a les faveurs de M.de Chaumontel, qui voit toujours grand. Papillonne ironise volontiers à son sujet. Très satisfaite de sa jeune recrue, Mme Carola souhaite associer Papillonne au commerce de chapeaux, mais en tant qu'épouse de son fils. Même si, de son côté, Guy de Ramicourt est épris d'une autre femme, Papillonne n'entend pas se marier avec un autre. Au décès de la tante Alexandre, on apprend qu'elle a déshérité la famille de Chaumontel, au profit des Ramicourt. Le choc cause de sérieux soucis de santé au père de Papillonne. Celle-ci en profitera pour le manipuler quelque peu. La jeune fille est toujours en très bons termes avec Étienne de Ramicourt. Elle sera capable de rétablir la situation, afin que leur situation familiale soit digne de leur rang…
Roman posthume publié deux ans après le décès de Zénaïde Fleuriot, c'est une histoire très agréable à lire. On sent une belle maturité dans l'écriture et dans le scénario. On sourit même, grâce à la personnalité “moderne et active” de la jeune Aliénor, tranchant avec ses proches. Loin d'être désuet, un ouvrage très plaisant.