Âgé de trente-deux ans, Scott James est policier en uniforme à Los Angeles. Il fait équipe en patrouilles avec Stephanie Anders. Scott espère intégrer bientôt une unité d'élite. Cette nuit-là, tous deux assistent à un accident de la circulation entre un camion et une Bentley. Mais quand intervient une Gran Torino, une fusillade éclate. Le couple de policiers est visé, même si ce sont les occupants de la Bentley qu'on ciblait. Stephanie Anders est abattue par les tueurs, Scott James en sort gravement blessé. Neuf mois et demi plus tard, Scott a toujours des séquelles post-traumatiques et physiques, qu'un psy a du mal à soigner. Le policier est hanté par les images de la scène meurtrière. Pendant tout ce temps, l'enquête sur la mitraillade n'a pas vraiment avancé.
Scott James a été accepté dans la brigade canine, l'unité K9. Pour le recaser, plutôt que grâce à ses compétences. Leland, le patron, ne voit pas d'un bon œil que Scott choisisse le berger allemand Maggie. Cette chienne a appartenu au corps des Marines. Son maître est mort en opération en Afghanistan. Maggie, qui l'a protégé jusqu'au bout, souffre de stress post-traumatique, comme Scott. La chienne ne supporte pas le bruit des coups de feu, handicap majeur. Même avec des médicaments, le psy de Scott ne peut guère aider la chienne. L'idée de Leland est d'inciter Scott à renoncer à ce boulot, Maggie ne pouvant être entraînée correctement. Néanmoins, le couple fonctionne assez bien. La chienne ne tarde pas à adopter son nouveau maître.
L'inspecteur Orso et sa collègue Cowly relancent l'enquête sur la fusillade. Scott retourne souvent sur les lieux, maintenant avec Maggie. Il s'est aperçu que les cambriolages sont fréquents dans ce quartier. Pas impossible qu'un braqueur présent cette nuit-là ait pu voir quelque chose de précis. Même si ce sont aussi des drogués, tels Marshall Ishi, que l'on va arrêter avec l'aide des flics de l'unité spéciale vols. Scott étudie les témoignages et la reconstitution des faits dans le dossier mis à sa disposition. Les victimes de la Bentley, Pahlasian et Beloit, passèrent par deux clubs avant la fusillade. Pour Scott, ça n'explique pas que “deux richards se baladent en Bentley pendant une demie-heure dans un quartier pourri à cette heure de la nuit”. Pour Maggie, l'entraînement continue...
Voilà un suspense diablement sympathique, par un romancier chevronné puisqu'il est déjà l'auteur d'une quinzaine de titres. Concernant l'intrigue criminelle proprement dite, Robert Crais sait ménager ses effets. Après la scène-choc de la fusillade, il va distiller les menus indices, les possibles pistes. Il nous présente un policier plutôt solitaire, persévérant à chercher des éléments sur la mort de sa partenaire. Un thème classique et solide. Idem pour l'aspect psychologique. Depuis quelques années, les Américains ont admis la notion de stress post-traumatique : c'est un sujet récurrent que l'auteur utilise avec pertinence. Pour le héros comme pour la chienne Maggie, puisque Scott James a intégré la brigade canine (K9, prononcez K-nine).
Ce qui séduira bon nombre de lectrices et de lecteurs, c'est bien sûr la nouvelle partenaire du policier, pesant quarante kilos. D'autant que certaines scènes sont “vues par” Maggie, la chienne militaire. La relation entre un animal (capable d'un véritable dressage) et son maître (directif sans dureté) apparaît effectivement bien décrite. Les amoureux des chiens s'y reconnaîtront certainement. On ne sera pas surpris qu'existe un projet de film autour de cette histoire, avec un tel tandem chien-maître. Toutefois, quant au livre, un polar ne fonctionnerait pas sans un scénario sérieux et une narration fluide : atouts favorables qui sont bien présents dans ce “Suspect”.